Mercredi 01/04/2015 Manakara et le canal des Penglades
Aujourd’hui nous étrennons un nouveau mode de locomotion alternatif, la pirogue. Notre guide pour l’occasion est Rigobert, ou Riri, ayant une grande conscience des affres politiques dans lesquels est plongé son pays. Il nous conduit en pirogue à travers le canal des Penglades qui à lui tout seul illustre bien le complexe malgache :
le canal des Penglades est un canal creusé par les français au début du XXème siècle, avec l’aide de personnel chinois. Il servait de moyen de communication nord sud, en évitant la mer sur cette côte est qui ne présente pas d’abri. Le canal pour partie est constitué d’un réseau de rivières et de lacs reliés par des tronçons artificiels. Tout au long de son axe, 8 ou 9 accès sur la mer ont été aménagés ; Manakara en est un, avec une digue, un port, des infrastructures routières, et le chemin de fer qui dessert les hauts plateaux. Sur le papier c’est imparable, une voie de communication nord sud qui relie au pouvoir central, et un réseau est ouest qui permet de faire sortir les produits du pays, les matières premières que l’on trouve en quantités astronomiques. Ajoutez à cela un plan de développement basé sur ces mêmes matières premières, mines, cultures de café, cannelle, bananes, bois de santal, huile de palme, vanille…
Aujourd’hui à Manakara, le canal s’ensable et les piroguiers doivent à pied pousser leurs pirogues, le port est à l’abandon, le pont qui relie la ville au monde est à l’eau, et si le train cahote encore les caféiers, ceux ci sont retournés à la nature, tandis que la cannelle ne sert que de bois de chauffe, comme le santal! Ce n’est pas nous, mais les anciens qui disent que sous De Gaulle, c’était quand même autre chose. Le problème est politique, ce sont les élites corrompues : le port a été saboté comme tant d’infrastructures à l’issue des élections de 2002. Le pont qui n’a pas été entretenu depuis l’indépendance a chu lorsqu’un camion de 35T tenta de le traverser en dépit du panneau interdisant la circulation aux engins de plus de 10T. Le canal s’ensable faute de moyens, puisqu’aucun plan économique n’a jamais été suivi de faits. Parallèlement, les chinois achètent des terrains, corrompent, et augmentent encore la désorganisation d’un pays et la suspicion générale.
le canal des Penglades est un canal creusé par les français au début du XXème siècle, avec l’aide de personnel chinois. Il servait de moyen de communication nord sud, en évitant la mer sur cette côte est qui ne présente pas d’abri. Le canal pour partie est constitué d’un réseau de rivières et de lacs reliés par des tronçons artificiels. Tout au long de son axe, 8 ou 9 accès sur la mer ont été aménagés ; Manakara en est un, avec une digue, un port, des infrastructures routières, et le chemin de fer qui dessert les hauts plateaux. Sur le papier c’est imparable, une voie de communication nord sud qui relie au pouvoir central, et un réseau est ouest qui permet de faire sortir les produits du pays, les matières premières que l’on trouve en quantités astronomiques. Ajoutez à cela un plan de développement basé sur ces mêmes matières premières, mines, cultures de café, cannelle, bananes, bois de santal, huile de palme, vanille…
Aujourd’hui à Manakara, le canal s’ensable et les piroguiers doivent à pied pousser leurs pirogues, le port est à l’abandon, le pont qui relie la ville au monde est à l’eau, et si le train cahote encore les caféiers, ceux ci sont retournés à la nature, tandis que la cannelle ne sert que de bois de chauffe, comme le santal! Ce n’est pas nous, mais les anciens qui disent que sous De Gaulle, c’était quand même autre chose. Le problème est politique, ce sont les élites corrompues : le port a été saboté comme tant d’infrastructures à l’issue des élections de 2002. Le pont qui n’a pas été entretenu depuis l’indépendance a chu lorsqu’un camion de 35T tenta de le traverser en dépit du panneau interdisant la circulation aux engins de plus de 10T. Le canal s’ensable faute de moyens, puisqu’aucun plan économique n’a jamais été suivi de faits. Parallèlement, les chinois achètent des terrains, corrompent, et augmentent encore la désorganisation d’un pays et la suspicion générale.
Bref, le pays a du potentiel, mais pour l’instant la meilleure façon d’en tirer parti, c’est par son côté sauvage.
Donc commençons par un petit pique nique en bord de mer, sous la bande de cocotiers qui longe le rivage et offre leurs feuilles aux souffles vierges des Alizées. Installés là, le nez dans le vent chaud, nous observons le flot désordonné et puissant gronder à nos pieds, tandis que roulent de gauche à droite des nuages de plus en plus noirs. Les pêcheurs au delà de la barrière de récifs retirent des langoustes de la taille d’un lapin. Ca a une carapace d’une magnifique complexité ces bêtes là! La langouste que nous mangeons est un peu plus petite ; accompagnée d’un petit thon et d’une douzaine de crevettes, elle nous laisse littéralement en pâmoison.
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Rassasiés nous laissons encore un instant ces fameuses alizées jouer dans nos cheveux tandis que les nuées s’illuminent en grondant à la cantonade. Après nous êtres enfin levés, nous traversons le village de pêcheurs qui se tient sur la langue de terre entre l’océan indien et le canal, pour rejoindre la pirogue qui nous permettra de nous approprier la région. Le village est très simple, cabanes de bois et de feuilles tressées, des ébauches et des cadavres de pirogues qui jonchent le sol, au milieu des carcasses de noix de coco. Partout des filets des toutes mailles sèchent en attendant la prochaine campagne de pêche. Ici la mer est un art de vivre ancestral qu’une seule anecdote permettrait de faire comprendre : pour connaître la profondeur d’un spot, le pêcheur frappe sur sa rame plantée dans l’eau. Au son que donne sa rame, il connait la profondeur. Si le pêcheur relie ça à l’heure qu’il est et au type de poissons qui croisent sous sa coque, il sait très précisément où il se trouve. C’est ce qui leur permet d’aller pêcher jusqu’à 40km au delà des côtes. Pour l’heure nous n’irons pas en mer sur leurs coquilles de noix, mais plutôt sur le canal, et autour aussi, profiter d’une petite initiation sur la flore des alentours. C’est une véritable serre tropicale, à l’infini! Tous ces arbres, toutes ces plantes, c’est un condensé de botanique appliquée, dont les noms font voyager l’esprit sans qu’il soit même nécessaire de les décrire : arbre à pain, petit Jacques, ravintsara, frangipanier, nephentes. Et puis toutes les petites bêtes qui vivent là dedans, de la chenille à la taille de courgette au martin pêcheur à l’éclair bleu. Le crocodile aussi, mais c’est un peu plus loin en aval. Il y aurait tant à voir et tant à vivre dans cette végétation si riche, mais nous n’avons pas le temps. L’idéal serait de bivouaquer quelques jours dans la région.
Nous avons tout de même le temps de jouir du plaisir de glisser sur le canal, tout en souplesse à la force des quatre rameurs qui nous propulsent en silence, et au rythme de la pluie de mousson qui s’écrase sur la bâche qui nous protège. C'est pour ainsi dire c'est la mousson, en tout cas un reliquat de la saison des pluies qui dévale du ciel et strie les flots jusqu’à faire danser la canal, comme une peau de tambour. Et toujours ce souffle du large; avec la pluie presque fraîche, on se sent respirer merveilleusement, chaque aspiration est généreuse comme une gorgée de citronnade.