Arrivée Samedi 28/03/15 à 5h00 du matin.
Dès la sortie de l'avion nous comprenons que nous avons trouvé l'exotisme.
Il fait encore nuit noire, le tarmac sur lequel reposent quatre avions ne bourdonne que des nuages d'insectes qui interceptent les lumières. A la sortie de l'escalier de notre avion, c'est une déroute en désordre vers le bâtiment bas du terminal.
A l'intérieur c'est tout aussi bas, et malgré le mouvement régulier d'une théorie de ventilateurs, le temps semble arrêté.
La seule réelle difficulté administrative est le passage d'un agent muni d'un thermomètre qui recherche d'éventuels vecteurs d'Ebola. Le staff médical étudie nos passeports afin de déterminer si nous ne sommes pas passés par un pays à risque, puis la douane, puis nous récupérons nos sacs, et finalement nous sortons tous de l'aéroport.
Première fois que nous quittons un aéroport qui n'est pas implanté au bout d'une immense ligne droite, au fond de banlieues bétonnées et de friches industrielles sans âme. Non, à Tana, dès la sortie de l'aéroport, ce sont des collines qui commencent, la route qui fait des virages, des bonds, ce sont des zébus et des charrettes, des maisons de briques et des rizières, on est à la campagne !
Mais d'abord, nos conditions de voyage.
Comme d'habitude avec Nomade aventure, c'est un jeune guide qui nous attend. Un jeune bien dans son temps, élancé, le visage ouvert, allongé par son petit bouc, sa coupe courte sur les côtés et épaisse sur le sommet, une petite boucle d'oreille dans chaque oreille. Il conduit un monstre de 4x4, un vieux Toyota LandCruiser tout en angles et depuis l'intérieur duquel le capot semble long comme le pont d'un navire.
Il fait encore nuit noire, le tarmac sur lequel reposent quatre avions ne bourdonne que des nuages d'insectes qui interceptent les lumières. A la sortie de l'escalier de notre avion, c'est une déroute en désordre vers le bâtiment bas du terminal.
A l'intérieur c'est tout aussi bas, et malgré le mouvement régulier d'une théorie de ventilateurs, le temps semble arrêté.
La seule réelle difficulté administrative est le passage d'un agent muni d'un thermomètre qui recherche d'éventuels vecteurs d'Ebola. Le staff médical étudie nos passeports afin de déterminer si nous ne sommes pas passés par un pays à risque, puis la douane, puis nous récupérons nos sacs, et finalement nous sortons tous de l'aéroport.
Première fois que nous quittons un aéroport qui n'est pas implanté au bout d'une immense ligne droite, au fond de banlieues bétonnées et de friches industrielles sans âme. Non, à Tana, dès la sortie de l'aéroport, ce sont des collines qui commencent, la route qui fait des virages, des bonds, ce sont des zébus et des charrettes, des maisons de briques et des rizières, on est à la campagne !
Mais d'abord, nos conditions de voyage.
Comme d'habitude avec Nomade aventure, c'est un jeune guide qui nous attend. Un jeune bien dans son temps, élancé, le visage ouvert, allongé par son petit bouc, sa coupe courte sur les côtés et épaisse sur le sommet, une petite boucle d'oreille dans chaque oreille. Il conduit un monstre de 4x4, un vieux Toyota LandCruiser tout en angles et depuis l'intérieur duquel le capot semble long comme le pont d'un navire.
Nous prenons la route aussitôt, l'idée étant de relier Antsirabe, ville thermale des hauts plateaux qui fut à l'époque l'écrin de l'exil du grand père de l'actuel roi du Maroc.
Antananarivo la capitale, nous nous y arrêterons à la fin de notre voyage. Néanmoins nous longeons la grande ville et ses chimères, le palais de la reine sur sa colline qui domine tout le paysage avec à ses côtés le palais du premier ministre. Le profil de ces deux bâtiments ont quelque chose des 1001 nuits, d'autant que dans la brume du matin, on ne voit pas vraiment, on devine leurs silhouettes élancées. A leurs pieds dans la plaine, la tour du grand hôtel international dont le chantier s'arrêta en 2009 lors des événements et ne reprit jamais, la tour Orange, du nom du réseau téléphonique, bâtiment le plus haut de Madagascar. Et puis ses rizières, ses canaux, ses quartiers bas bordés de rangées de tentes siglées du drapeau japonais, témoignant du nombre de familles délogées par les inondations du début du mois. Il paraît que les pluies ont bon dos, mais que l'urbanisme anarchique serait une cause plus vraisemblable à toutes ces destructions : les gens construisent partout, remblaient, et l'eau de ces terrains historiquement dévolus à la culture du riz, ne s'écoule plus. Les rizières qui restent sont creusées toujours plus pour en extraire l'argile qui servira à faire des briques, ce qui fait que les talus sont instables tandis que les quantités d'eau stockées sont de plus en plus importantes.
Antananarivo la capitale, nous nous y arrêterons à la fin de notre voyage. Néanmoins nous longeons la grande ville et ses chimères, le palais de la reine sur sa colline qui domine tout le paysage avec à ses côtés le palais du premier ministre. Le profil de ces deux bâtiments ont quelque chose des 1001 nuits, d'autant que dans la brume du matin, on ne voit pas vraiment, on devine leurs silhouettes élancées. A leurs pieds dans la plaine, la tour du grand hôtel international dont le chantier s'arrêta en 2009 lors des événements et ne reprit jamais, la tour Orange, du nom du réseau téléphonique, bâtiment le plus haut de Madagascar. Et puis ses rizières, ses canaux, ses quartiers bas bordés de rangées de tentes siglées du drapeau japonais, témoignant du nombre de familles délogées par les inondations du début du mois. Il paraît que les pluies ont bon dos, mais que l'urbanisme anarchique serait une cause plus vraisemblable à toutes ces destructions : les gens construisent partout, remblaient, et l'eau de ces terrains historiquement dévolus à la culture du riz, ne s'écoule plus. Les rizières qui restent sont creusées toujours plus pour en extraire l'argile qui servira à faire des briques, ce qui fait que les talus sont instables tandis que les quantités d'eau stockées sont de plus en plus importantes.
De rizière inondée en hameau cerné par les eaux, nous ne savons pas dire quand nous avons quitté Tana et sa banlieue, puisque même à la ville il nous semblait être à la campagne. Peut être était-ce lorsque les pêcheurs perchés sur des barques ont été remplacés par des paysans courbés sur les étendues d'eau. Mais toujours les zébus tirant deux par deux des carrioles aux roues de bois cerclées de fer comme on en trouve dans les jardins des maisons à la campagne, toujours ces enfants qui s'échinent sur des charges énormes posées sur ce qui chez nous pourrait être une chouette boîte à savon.
Les gens tirent, les gens poussent, les gens tiennent leurs charges en équilibre sur leur tête, et je pense à cette phrase de Conrad qui disait que le drame de l'Afrique, c'était le portage. Depuis, on a introduit la roue, et on la voit un peu sous toutes se formes, sous forme d'un simple roulement, ou d'un pignon de boîte de vitesse, ou de bouts de bois grossièrement assemblés, parfois d'un pneu. Mais cette masse de piétons écrasée sous un fardeau semble indiquer qu'une moitié de la population du pays est occupée à convoyer ce que l'autre partie de la population s'est échinée à faire sortir du sol.
Quelques camions flambant neufs cependant, mais rares. Le trafic est pour le moins fluide, alors que nous sommes sur l'artère principale du pays, et les conducteurs sont tout à fait courtois. Il ne viendrait à personne l'idée de faire une queue de poisson à un vélo ou même à un zébu quand une autre voiture arrive en face ! Non, on freine, on se met à l'allure du zébu en attendant que le véhicule en face soit passé, et on reprend son chemin.
La route que nous suivons est la RN7, qui relie la capitale au sud du pays en traversant les hautes terres. Dans les premiers kilomètres de notre parcours, le paysage se vallonne de plus en plus, jusqu'à atteindre un plateau relativement plat. On pourrait craindre que le paysage ne devienne ennuyeux, mais fort heureusement bientôt, de nouvelles collines apparaissent sur le plateau ; le rouge de la latérite joue avec le gris du granit, en fait le rouge recouvre le gris et quand l'eau des torrents gonflés par la saison des pluies effondre un pan de montagne, le granit apparaît comme dépouillé de sa gangue.
Les gens tirent, les gens poussent, les gens tiennent leurs charges en équilibre sur leur tête, et je pense à cette phrase de Conrad qui disait que le drame de l'Afrique, c'était le portage. Depuis, on a introduit la roue, et on la voit un peu sous toutes se formes, sous forme d'un simple roulement, ou d'un pignon de boîte de vitesse, ou de bouts de bois grossièrement assemblés, parfois d'un pneu. Mais cette masse de piétons écrasée sous un fardeau semble indiquer qu'une moitié de la population du pays est occupée à convoyer ce que l'autre partie de la population s'est échinée à faire sortir du sol.
Quelques camions flambant neufs cependant, mais rares. Le trafic est pour le moins fluide, alors que nous sommes sur l'artère principale du pays, et les conducteurs sont tout à fait courtois. Il ne viendrait à personne l'idée de faire une queue de poisson à un vélo ou même à un zébu quand une autre voiture arrive en face ! Non, on freine, on se met à l'allure du zébu en attendant que le véhicule en face soit passé, et on reprend son chemin.
La route que nous suivons est la RN7, qui relie la capitale au sud du pays en traversant les hautes terres. Dans les premiers kilomètres de notre parcours, le paysage se vallonne de plus en plus, jusqu'à atteindre un plateau relativement plat. On pourrait craindre que le paysage ne devienne ennuyeux, mais fort heureusement bientôt, de nouvelles collines apparaissent sur le plateau ; le rouge de la latérite joue avec le gris du granit, en fait le rouge recouvre le gris et quand l'eau des torrents gonflés par la saison des pluies effondre un pan de montagne, le granit apparaît comme dépouillé de sa gangue.
Cette terre, lorsqu'elle n'est pas mise à nu pour en faire des briques, est recouverte de rizières ordonnées, organisées, morcelées, quadrillées. De ci de là quelques plans de maïs emmêlés dans les fleurs sauvages multicolores et, accrochés à flanc de colline au bord de rivières bondissantes, des hameaux traditionnels de maisons rectangulaires en brique et torchis ; un étage, 3 à 4m par 8 à 10 de long, un toit de chaume, pas de cheminée. On fait le feu à l'intérieur et la fumée chasse les nuisibles. De même, pas de fenêtre à l'est, car c'est de l'est que viennent les Alizées, et on préfère de loin le soleil de la fin d'après midi au vent frais du matin. Certaines masures ont un balcon dont les bois sont enchâssés entre les briques. Les maisons sont posées aléatoirement à travers les collines par chapelets de six ou huit. Et la route qui essaie de s'approcher de chacun de ces hameaux profite de leurs spécialités artisanales, qui sont proposées de façon répétitive à son bord : qui le foie gras, qui les statues de la vierge Marie, qui les pots d'échappement, qui les instruments de musique, qui les ustensiles d'aluminium, etc. Nous nous arrêtons d'ailleurs un instant afin d'observer, le nez au bord du métal en fusion, la réalisation de cocottes en alu dans l'un des ces villages spécialisé dans le travail de l'alu et vers lequel convergent tous les rebuts de métal du pays : dans des conditions volcaniques, un groupe d'hommes crée des moules dans une terre d'une extrême finesse, la martèle, la modèle, y coule l'aluminium, en fait jaillir des geysers d'un liquide inquiétant, avant d'en sortir l'objet et de tout détruire pour tout recommencer encore et encore… L'espace est exigu, les pieds et les mains sont à nu, les cendres volent, les braisent rougeoient, le métal coule, hoquette, des scories papillonnent, mais vaille que vaille, les cocottes sortent, ainsi que les couvercles, le tout fait dans un aluminium de récupération glané dans tous les rebuts des villes de l'île.
A midi nous sommes à Antsirabe, à 150km de Tana. Conformément à ce qui nous avait été dit, il règne, du moins dans son centre ville, une atmosphère surannée et vichissoise. Les larges rues bordées de platanes sont calmes. Les pousse-pousse rouges et bleus, rutilant sont innombrables, attendent le chaland. Les vieilles maisons coloniales, qui ressemblent à de grands pavillons des années 30 tels qu'on en trouve sur la côte atlantique, semblent attendre on ne sait quoi, peut être que leurs couvertures en tôle finissent de rouiller.
Le centre ville est structuré par le boulevard de l'indépendance aux deux bouts duquel se trouvent les joyaux architecturaux de la cité : l'hôtel des thermes, que l'on imaginerait bien à Biarritz ou à Deauville, et la gare, très coloniale, majestueuse et élégante sous ses préaux et ses clochetons. Par la qualité de sa construction elle réussit tant bien que mal à cacher sa ruine imminente, mais un coup d'oeil rapproché suffit à renseigner sur le fait qu'elle vit ses dernières saisons, que l'eau s'infiltre partout, et qu'elle n'a plus le cœur de lutter, d'autant que les passagers ne la fréquentent plus. D'ailleurs toutes les voies ferrées du pays ont été privatisées à l'exception de celle faisant la liaison de Fianarantsoa à Manakara, et toutes donc à l'exception de celle-ci, ne prennent plus de voyageurs, pas assez rentable !
Le centre ville est structuré par le boulevard de l'indépendance aux deux bouts duquel se trouvent les joyaux architecturaux de la cité : l'hôtel des thermes, que l'on imaginerait bien à Biarritz ou à Deauville, et la gare, très coloniale, majestueuse et élégante sous ses préaux et ses clochetons. Par la qualité de sa construction elle réussit tant bien que mal à cacher sa ruine imminente, mais un coup d'oeil rapproché suffit à renseigner sur le fait qu'elle vit ses dernières saisons, que l'eau s'infiltre partout, et qu'elle n'a plus le cœur de lutter, d'autant que les passagers ne la fréquentent plus. D'ailleurs toutes les voies ferrées du pays ont été privatisées à l'exception de celle faisant la liaison de Fianarantsoa à Manakara, et toutes donc à l'exception de celle-ci, ne prennent plus de voyageurs, pas assez rentable !