Carnet de voyage en Namibie, mai 2013
Mardi 16 avril
Le ciel est bouché, l’horizon est gris, et l’avion se pose pour ainsi dire dans les nuages, mais l’atterrissage se fait sans difficultés. L’Afrique du Sud est un partenaire de l’Europe, un traité de libre échange nous permet de passer les formalités sans plus de difficultés. Ainsi, à peine avons-nous passé la douane que nous retrouvons papa et maman qui nous attendent du côté sud africain, comme s’ils étaient de bons afrikaners. Avec de la famille qui nous attend à la sortie, avec papa en baskets et veste de toile, il semble évident que nous sommes des autochtones qui allons rejoindre nos terres dans l’intérieur du pays ; dès lors nous devenons aux yeux des locaux des compatriotes qu’il n’est pas nécessaire d’éreinter pour leur vendre des services de taxi, porteur, taxi collectif, etc.
Malheureusement, tout n’est pas si simple ; le côté autochtone de papa et maman est aussi renforcé par leur absence de bagages, et ceci n’est pas un parti pris esthétique ou pratique, mais une conséquence de l’incurie d’Air France qui a oublié leurs bagages à Roissy. Or il est prévu que nous foncions le plus rapidement possible vers la Namibie : papa et maman ont patiemment concocté un programme tout au long de ces trois derniers mois, faisant la part de leurs rêves, de nos envies, en fonction des disponibilités, des réponses, des commentaires, et nous ne pouvons plus reculer, il faut filer vers le nord, vers la Namibie ! Peut être les bagages nous retrouveront-ils dans le désert du centre du pays ; en tout cas c’est ce qu’un monsieur bien comme il faut du service des bagages leur a promis. L’aventure commence maintenant !
La voiture que nous avons choisie pour le périple est une Kia Sportage, un SUV assez m’as-tu vu à l’esthétique de scarabée chromé. Boîte auto, volant à droite, commandes inversées, des gadgets à la pelle, la prise en main s’avère délicate. Ainsi papa qui le premier prend les commandes, s’évertue-t-il à faire tourner les essuie-glaces au moment de changer de direction, à flirter avec les bas côtés, tandis que moi-même tenté-je un rapprochement hasardeux avec la pompe à essence lors de notre premier ravitaillement. A 300 km du départ, je sème la panique chez les pompistes, et un arrache un bout de pneu, histoire de faire sentir à papa qu’il a eu raison d’être prudent et de souscrire à l’assurance pneus.
Notre course éperdue vers le nord empreinte la N7, une simple nationale circulant en plein milieu d’une plaine couleur terre de Sienne. Cette plaine n’est pas à proprement parler plate, mais trace un chemin entre deux rangées de hautes collines éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres et que l’on devine rouge-orange elles aussi, quoiqu’une brume sépulcrale dissimule leurs reliefs accidentés.
Tout au long de la première centaine de kilomètres, la plaine est rase, comme un crane tondu ; les plaines céréalières ont été moissonnées ; les champs qui représentent des surfaces uniformes s’espacent et sont insensiblement remplacés par le bush, si bien qu’il faut plusieurs heures pour réaliser que la voiture roule seule sur une bande de bitume noire noyée dans un horizon d’arbustes et de touffes d’herbes rares. L’espacement entre les villages s’allonge, les villages eux-mêmes deviennent des bourgs, et lorsque vers 18h le soleil se couche, rares sont les lumières électriques qui percent la nuit : ce sont des halos fragiles et borgnes, prêts à être engloutis par l’obscurité. Notre voiture d’ailleurs ne doit pas donner un spectacle différent, esseulée sous la voûte céleste, que nul autre faisceau de phares ne vient déchirer.
Le ciel est bouché, l’horizon est gris, et l’avion se pose pour ainsi dire dans les nuages, mais l’atterrissage se fait sans difficultés. L’Afrique du Sud est un partenaire de l’Europe, un traité de libre échange nous permet de passer les formalités sans plus de difficultés. Ainsi, à peine avons-nous passé la douane que nous retrouvons papa et maman qui nous attendent du côté sud africain, comme s’ils étaient de bons afrikaners. Avec de la famille qui nous attend à la sortie, avec papa en baskets et veste de toile, il semble évident que nous sommes des autochtones qui allons rejoindre nos terres dans l’intérieur du pays ; dès lors nous devenons aux yeux des locaux des compatriotes qu’il n’est pas nécessaire d’éreinter pour leur vendre des services de taxi, porteur, taxi collectif, etc.
Malheureusement, tout n’est pas si simple ; le côté autochtone de papa et maman est aussi renforcé par leur absence de bagages, et ceci n’est pas un parti pris esthétique ou pratique, mais une conséquence de l’incurie d’Air France qui a oublié leurs bagages à Roissy. Or il est prévu que nous foncions le plus rapidement possible vers la Namibie : papa et maman ont patiemment concocté un programme tout au long de ces trois derniers mois, faisant la part de leurs rêves, de nos envies, en fonction des disponibilités, des réponses, des commentaires, et nous ne pouvons plus reculer, il faut filer vers le nord, vers la Namibie ! Peut être les bagages nous retrouveront-ils dans le désert du centre du pays ; en tout cas c’est ce qu’un monsieur bien comme il faut du service des bagages leur a promis. L’aventure commence maintenant !
La voiture que nous avons choisie pour le périple est une Kia Sportage, un SUV assez m’as-tu vu à l’esthétique de scarabée chromé. Boîte auto, volant à droite, commandes inversées, des gadgets à la pelle, la prise en main s’avère délicate. Ainsi papa qui le premier prend les commandes, s’évertue-t-il à faire tourner les essuie-glaces au moment de changer de direction, à flirter avec les bas côtés, tandis que moi-même tenté-je un rapprochement hasardeux avec la pompe à essence lors de notre premier ravitaillement. A 300 km du départ, je sème la panique chez les pompistes, et un arrache un bout de pneu, histoire de faire sentir à papa qu’il a eu raison d’être prudent et de souscrire à l’assurance pneus.
Notre course éperdue vers le nord empreinte la N7, une simple nationale circulant en plein milieu d’une plaine couleur terre de Sienne. Cette plaine n’est pas à proprement parler plate, mais trace un chemin entre deux rangées de hautes collines éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres et que l’on devine rouge-orange elles aussi, quoiqu’une brume sépulcrale dissimule leurs reliefs accidentés.
Tout au long de la première centaine de kilomètres, la plaine est rase, comme un crane tondu ; les plaines céréalières ont été moissonnées ; les champs qui représentent des surfaces uniformes s’espacent et sont insensiblement remplacés par le bush, si bien qu’il faut plusieurs heures pour réaliser que la voiture roule seule sur une bande de bitume noire noyée dans un horizon d’arbustes et de touffes d’herbes rares. L’espacement entre les villages s’allonge, les villages eux-mêmes deviennent des bourgs, et lorsque vers 18h le soleil se couche, rares sont les lumières électriques qui percent la nuit : ce sont des halos fragiles et borgnes, prêts à être engloutis par l’obscurité. Notre voiture d’ailleurs ne doit pas donner un spectacle différent, esseulée sous la voûte céleste, que nul autre faisceau de phares ne vient déchirer.
Vers 20h30 finalement, Springbok, dernière vraie ville avant la frontière 130km plus loin. Nous nous arrêtons dans un motel digne des films américains des années 70, organisé en deux bâtiments en long se faisant face et abritant des chambres désuètes et spacieuses. Couleurs panachées de marron, une bouilloire, un frigo, une télé et une baignoire si longue que l’on peut s’y coucher tout entier. Les murs sont fins, les fenêtres à petits carreaux et à simples cadres d’acier semblent déboucher sur l’infini.
Nous dînons rapidement d’un sandwich au thon avant de nous jeter dans nos lits qui nous absorbent tout entier.
Nous dînons rapidement d’un sandwich au thon avant de nous jeter dans nos lits qui nous absorbent tout entier.
Mercredi 17 avril
Il est 07h00 quand nous nous réveillons. Par les carreaux malingres le regard n’embrasse que des rideaux de pluie qui s’abattent sur un bush maladif. Nos voisins partent de grands éclats de rire qui nous tirent définitivement du lit. La pluie s’abat lourdement dans le sable au pied de la coursive qui longe le bâtiment et nous fait hésiter un moment sur la conduite à tenir. Une pensée pour la ville du Cap qui d’après les informations, se prépare pour des inondations historiques. Conclusion : il ne fait pas de doute que nous devons continuer vers le nord pour sortir de cette nasse humide. Petit déjeuner constitué d’œufs au plat – saucisses – tartines au beurre, quelques photos d’une épave d’un pick up Ford orange qui rouille dans les buissons d’herbes à chameau, et nous sautons dans la voiture.
Il est 07h00 quand nous nous réveillons. Par les carreaux malingres le regard n’embrasse que des rideaux de pluie qui s’abattent sur un bush maladif. Nos voisins partent de grands éclats de rire qui nous tirent définitivement du lit. La pluie s’abat lourdement dans le sable au pied de la coursive qui longe le bâtiment et nous fait hésiter un moment sur la conduite à tenir. Une pensée pour la ville du Cap qui d’après les informations, se prépare pour des inondations historiques. Conclusion : il ne fait pas de doute que nous devons continuer vers le nord pour sortir de cette nasse humide. Petit déjeuner constitué d’œufs au plat – saucisses – tartines au beurre, quelques photos d’une épave d’un pick up Ford orange qui rouille dans les buissons d’herbes à chameau, et nous sautons dans la voiture.
Avant de s’engager vers la frontière, nous faisons une halte dans le centre ville de Springbok. En fait de centre ville, la densité de population de la bourgade augmente tellement que l’unique rue se duplique et qu’il nous faut du coup un certain temps pour dénicher le supermarché. Dans cette urbanité, il n’est pas question de trouver une architecture de caractère ; tout ici n’est qu’agglos peints de couleurs vives et toits de tôle ondulée. L’Afrique du sud multicolore ici noircit et rares sont les blancs, absents sont les asiatiques. En revanche la ville brille par les nombre de ses garagistes et marchands de matériaux. Entre deux montagnes polies par les éléments, on a du mal à imaginer de quoi survit la population.
Reprenant la route, le paysage s’assèche encore -c’était donc possible, les montagnes s’approchent, et la poussière orange pâlit. Pour autant la route s’aplanit, à l’issue de chaque côte ce sont des dizaines de kilomètres rectilignes qui débouchent à nos yeux ; ce trajet est un véritable toboggan d’horizon qui nous aspire quand brusquement, quelques baraques hérissent les bas côtés et un préau se dresse devant nous.
C’est maman qui est maintenant au volant. Est-ce le stress de l’uniforme, est-ce la fin de la chance du débutant, mais elle nous offre un festival : à chaque stop la voiture ahane sans pour autant s’arrêter, nous bringuebale comme des fétus de paille et manque d’écraser le fonctionnaire de service. Quand enfin dans un dernier râle la voiture s’arrête, maman manipule tous les boutons pour tenter d’ouvrir la fenêtre sous le regard curieux de l’homme en uniforme dont les yeux inquisiteurs tentent de percer le secret de cette voiture capricieuse, et de ses habitants affolés. Mais avec les sécurités et la multiplicité des boutons, impossible d’ouvrir les fenêtres, ou au moins du bon côté ! Et quand enfin une fenêtre est ouverte, la musique gronde, le tableau de bord bipe, difficile d’engager la conversation ! Du coup les douaniers s’intéressent assez sérieusement au permis de maman, est-il quelque part estampillé Bonux ? Détail sans aucun rapport, mais révélateur de la société : au dernier point de contrôle d’Afrique du Sud, le policier de faction nous demande si nous transportons des armes. Le silence qui suit finalement déchiré par un éclat de rire général, le confirme dans son impression qu’il a à faire à une famille de gentils débiles ; il nous laisse passer en Namibie.
De ce côté ci, un unique poste de garde, des papiers à remplir, des matrones énormes qui s’endorment derrière leur banque d’accueil, mais pas de difficultés particulières.
Le temps de faire le plein du réservoir derrière le poste frontière, quelques kilomètres sur la route du nord et nous bifurquons déjà sur la piste, direction l’ouest, vers les sources thermales de Ai-Ais.
Avec la piste, c’est le début des grands espaces, de la grande solitude. C’est fou comme un bête ruban de bitume donne un cadre à l’immensité de l’horizon, l’enferme dans un simple rôle de décor. Sur la piste l’horizon devient tout, et le voyageur devient particule de ce tout, poussière parmi les poussières de la piste. On est englouti par l’horizon. Maintenant, et pour des centaines de kilomètres, seule la piste qui coupe la plaine, seules quelques barrières qui séparent des steppes de touffes rases, rappellent la présence de l’homme. En dehors de ces éléments périssables, tout n’est que vide et éternité, en commençant par le ciel immensément bleu dans lequel évoluent des convois de nuages aussi vastes que des continents. Faisant halte au sommet d’une convexité pour nous restaurer, arqueboutés contre le vent de la steppe qui nous fouette la couenne, alors que nous nous acharnons à aplatir la vache qui rit sur des tranches de pain, nous ne voyons qu’une seule voiture passer, et encore celle-ci est-elle celle d’un contrôleur du travail en tournée. A la vue de notre installation il s’arrête, pensant que nous avons des ennuis mécaniques. Nous le recroiserons plus tard à l’hôtel, en cours d’inspection ; inspection qu’il interrompra pendant quelques minutes pour s’enquérir de notre état d’esprit et nous donner des conseils relatifs aux trajets à emprunter pour le reste de notre périple. Ce fonctionnaire modèle en chaussures de sécurité, cravate à rayures bleues sur chemises à rayures blanches nous apprend dans la conversation qu’il a fait ses études à Turin ! Atypique personnage…
Reprenant la route, le paysage s’assèche encore -c’était donc possible, les montagnes s’approchent, et la poussière orange pâlit. Pour autant la route s’aplanit, à l’issue de chaque côte ce sont des dizaines de kilomètres rectilignes qui débouchent à nos yeux ; ce trajet est un véritable toboggan d’horizon qui nous aspire quand brusquement, quelques baraques hérissent les bas côtés et un préau se dresse devant nous.
C’est maman qui est maintenant au volant. Est-ce le stress de l’uniforme, est-ce la fin de la chance du débutant, mais elle nous offre un festival : à chaque stop la voiture ahane sans pour autant s’arrêter, nous bringuebale comme des fétus de paille et manque d’écraser le fonctionnaire de service. Quand enfin dans un dernier râle la voiture s’arrête, maman manipule tous les boutons pour tenter d’ouvrir la fenêtre sous le regard curieux de l’homme en uniforme dont les yeux inquisiteurs tentent de percer le secret de cette voiture capricieuse, et de ses habitants affolés. Mais avec les sécurités et la multiplicité des boutons, impossible d’ouvrir les fenêtres, ou au moins du bon côté ! Et quand enfin une fenêtre est ouverte, la musique gronde, le tableau de bord bipe, difficile d’engager la conversation ! Du coup les douaniers s’intéressent assez sérieusement au permis de maman, est-il quelque part estampillé Bonux ? Détail sans aucun rapport, mais révélateur de la société : au dernier point de contrôle d’Afrique du Sud, le policier de faction nous demande si nous transportons des armes. Le silence qui suit finalement déchiré par un éclat de rire général, le confirme dans son impression qu’il a à faire à une famille de gentils débiles ; il nous laisse passer en Namibie.
De ce côté ci, un unique poste de garde, des papiers à remplir, des matrones énormes qui s’endorment derrière leur banque d’accueil, mais pas de difficultés particulières.
Le temps de faire le plein du réservoir derrière le poste frontière, quelques kilomètres sur la route du nord et nous bifurquons déjà sur la piste, direction l’ouest, vers les sources thermales de Ai-Ais.
Avec la piste, c’est le début des grands espaces, de la grande solitude. C’est fou comme un bête ruban de bitume donne un cadre à l’immensité de l’horizon, l’enferme dans un simple rôle de décor. Sur la piste l’horizon devient tout, et le voyageur devient particule de ce tout, poussière parmi les poussières de la piste. On est englouti par l’horizon. Maintenant, et pour des centaines de kilomètres, seule la piste qui coupe la plaine, seules quelques barrières qui séparent des steppes de touffes rases, rappellent la présence de l’homme. En dehors de ces éléments périssables, tout n’est que vide et éternité, en commençant par le ciel immensément bleu dans lequel évoluent des convois de nuages aussi vastes que des continents. Faisant halte au sommet d’une convexité pour nous restaurer, arqueboutés contre le vent de la steppe qui nous fouette la couenne, alors que nous nous acharnons à aplatir la vache qui rit sur des tranches de pain, nous ne voyons qu’une seule voiture passer, et encore celle-ci est-elle celle d’un contrôleur du travail en tournée. A la vue de notre installation il s’arrête, pensant que nous avons des ennuis mécaniques. Nous le recroiserons plus tard à l’hôtel, en cours d’inspection ; inspection qu’il interrompra pendant quelques minutes pour s’enquérir de notre état d’esprit et nous donner des conseils relatifs aux trajets à emprunter pour le reste de notre périple. Ce fonctionnaire modèle en chaussures de sécurité, cravate à rayures bleues sur chemises à rayures blanches nous apprend dans la conversation qu’il a fait ses études à Turin ! Atypique personnage…
Rien ne pourrait laisser suggérer la présence du lodge de Ai-Ais dans le chaos minéral où il se niche : lorsque la route s’enfonce sous le niveau de la plaine, les falaises instables environnantes se rapprochent, les blocs erratiques viennent jusqu’au bord de la route qui tourne, louvoie, hoquète sur les nids de poule, s’affaisse lorsqu’une rivière éphémère l’a emportée entre deux reliefs, et rejoint tout à coup une petite vallée aplanie au fond d’un oued vert. Les falaises abruptes qui se sont entrouvertes laissent juste la place pour le camp avec par ordre d’apparition, la porte d’entrée et son corps de garde, des petites villas avec terrasses et barbecue, une station essence, un bâtiment en trois ailes abritant les locaux administratifs, le restaurant, et des chambres parmi lesquelles les nôtres. Ce bâtiment est entièrement recouvert d’une toiture de chaume sur une charpente élancée et protège en outre ce qui fait le principal attrait du site : des piscines d’eau chaude naturelle (34°C) dans lesquelles débouchent directement nos deux chambres, luxueuses au demeurant. Pour vous donner une idée du standing de l’endroit auquel nous ne nous étions pas préparés, maman avant d’aller faire quelque pas dehors, juge bon de sécuriser son petit pécule sous l’oreiller de son lit si savamment arrangé et décoré de sculptures de serviette-éponges à caractère totémique ; effectivement il paraissait hautement improbable que quiconque vint pour faire le ménage. Grave erreur, car à notre retour les lits ont été défaits et réarrangés de façon à inviter galamment l’hôte au sommeil. Les oreillers aussi ont été visités puisque Céline retrouve même sous le sien son propre pyjama qu’elle avait pourtant mis en tas avec tout le reste de son sac lorsqu’elle l’avait déversé sur une desserte. Mais l'argent, bien entendu, est toujours là.
Aux environs de ces bâtiments on trouve aussi des pelouses de camping, deux cours de tennis abandonnés et une piscine à l’air libre d’eau chaude (24°C). Toutes les installations d’eau chaude du complexe sont alimentées par une source thermale à 65°C dont les bienfaits sont régionalement réputés.
Mais avant de s’aller alanguir dans la piscine couverte et de laisser nos chairs s’attendrir, petite ballade dans l’oued qui longe le Lodge. Cet oued est le lit d’une rivière qui à la saison des pluies doit bien le contenir tout entier, c'est-à-dire une centaine de mètres entre les parois abruptes de schiste marron délité qui l’encadrent. Pour l’heure la rivière est plutôt discrète, passe en sous terrain, se laisse deviner aux traces d’humidité qu’elle laisse dans le sable, et apparaît de ci de là dans des marres irisées par le vent qui forcit au fur et à mesure que décline le soleil. Quelques arbustes au niveau des résurgences, quelques buissons de fleurs fragiles, le tout reste très minéral. Pour renforcer le caractère figé du site, un barrage assez long coupe la vallée de part en part ; surmonté d’une guérite de béton aveugle, court sur ses jambes de forces épaisses, il ne retient plus que du sable, inutile et abandonné. Un petit air de Tatouïne.
Aux environs de ces bâtiments on trouve aussi des pelouses de camping, deux cours de tennis abandonnés et une piscine à l’air libre d’eau chaude (24°C). Toutes les installations d’eau chaude du complexe sont alimentées par une source thermale à 65°C dont les bienfaits sont régionalement réputés.
Mais avant de s’aller alanguir dans la piscine couverte et de laisser nos chairs s’attendrir, petite ballade dans l’oued qui longe le Lodge. Cet oued est le lit d’une rivière qui à la saison des pluies doit bien le contenir tout entier, c'est-à-dire une centaine de mètres entre les parois abruptes de schiste marron délité qui l’encadrent. Pour l’heure la rivière est plutôt discrète, passe en sous terrain, se laisse deviner aux traces d’humidité qu’elle laisse dans le sable, et apparaît de ci de là dans des marres irisées par le vent qui forcit au fur et à mesure que décline le soleil. Quelques arbustes au niveau des résurgences, quelques buissons de fleurs fragiles, le tout reste très minéral. Pour renforcer le caractère figé du site, un barrage assez long coupe la vallée de part en part ; surmonté d’une guérite de béton aveugle, court sur ses jambes de forces épaisses, il ne retient plus que du sable, inutile et abandonné. Un petit air de Tatouïne.
La soirée est calme et reposante, nous nous décrassons de la poussière de la journée dans les longues piscines de l’installation thermale, y compris maman qui n’avait pas de maillot de bain mais à réussi à se faufiler entre les murs, telle panthère rose, et à s’immerger discrètement ; apéritif à la lumière des étoiles qui s’allument une à une, dîner en terrasse de pièces de bœuf ou d’impala ; la viande est tendre est savoureuse, le vin qui l’accompagne, un merlot d’Afrique du Sud, est puissant et aromatique, cet instant gastronomique a la même saveur, la même épaisseur, la même magie, que la nuit qui nous entoure.
Jeudi 18 avril
Pour se mettre en forme au réveil et se lever du bon pied, rien de mieux qu’un copieux petit déjeuner anglo-saxon immédiatement suivi d’un plongeon dans une piscine d’eau chaude ! Les premiers rayons d’un soleil qui sera implacable dorent déjà la peau, l’eau chaude dans laquelle se reflètent les silhouettes des montagnes environnantes, donnent au baigneur l’impression d’être en suspension dans le ciel.
Mais ne tardons pas trop et reprenons la route. A nouveau la piste, 150km, puis la nationale, 150 km encore jusqu’à Aus. Le trajet qui se fait encore sous le signe de la minéralité, longe dans premier temps le Fish River Canyon, deuxième pus grand canyon du monde après celui des Etats Unis. D’aspect plus gris, c’est un gouffre immense, large et profond, qui déchire la plaine caillouteuse sur une centaine de kilomètres ; il serpente, obtus, jusqu’à perte de vue. A observer depuis son extrémité nord, c’est pour le moins impressionnant !
Pour se mettre en forme au réveil et se lever du bon pied, rien de mieux qu’un copieux petit déjeuner anglo-saxon immédiatement suivi d’un plongeon dans une piscine d’eau chaude ! Les premiers rayons d’un soleil qui sera implacable dorent déjà la peau, l’eau chaude dans laquelle se reflètent les silhouettes des montagnes environnantes, donnent au baigneur l’impression d’être en suspension dans le ciel.
Mais ne tardons pas trop et reprenons la route. A nouveau la piste, 150km, puis la nationale, 150 km encore jusqu’à Aus. Le trajet qui se fait encore sous le signe de la minéralité, longe dans premier temps le Fish River Canyon, deuxième pus grand canyon du monde après celui des Etats Unis. D’aspect plus gris, c’est un gouffre immense, large et profond, qui déchire la plaine caillouteuse sur une centaine de kilomètres ; il serpente, obtus, jusqu’à perte de vue. A observer depuis son extrémité nord, c’est pour le moins impressionnant !
Cette curiosité géologique passée, la route continue par de longues séries de lignes droites qui nous permettent d’anticiper les voitures arrivant en face, toujours un peu dangereuses à cause des projections de cailloux. Mais en fait de rencontres, nous ne croisons que trois véhicules et une autruche ! Et tout au long de notre pause déjeuner qui durera une demi heure au milieu du lit asséché d’une rivière traversant la piste, nul bruit ne viendra perturber le calme de notre repas, hormis le bellement des chèvres errantes.
A partir du tiers du trajet, la route longe une voie ferrée que nous croisons et décroisons à l’envi. Ces rails resserrés installés là par nos cousins germains auront été fatals à deux autochtones à l’un des « passages à niveau » que nous empruntons. Ce devait être leur jour, à ces deux hommes dont il ne reste plus rien aujourd’hui que leur casquettes sur les croix de bois ; dans cette plaine caillouteuse où les collines proches ne dépassent pas la taille d’un tertre, où le regard porte parfois à l’infini, où les trains circulent à 25km/h au rythme de un par jour, ils ont réussi à se faire percuter !
Nous saluons deux autres victimes de ce pays, deux authentiques chevaliers teutoniques tombés là à l’époque de la colonisation et se reposent dorénavant à l’ombre de deux accacias touffus, le long d’un joli pont de chemin de fer en poutrelles métalliques. Nés dans les années 1870, tombés en 1906, leur des tin est un mystère…
A partir du tiers du trajet, la route longe une voie ferrée que nous croisons et décroisons à l’envi. Ces rails resserrés installés là par nos cousins germains auront été fatals à deux autochtones à l’un des « passages à niveau » que nous empruntons. Ce devait être leur jour, à ces deux hommes dont il ne reste plus rien aujourd’hui que leur casquettes sur les croix de bois ; dans cette plaine caillouteuse où les collines proches ne dépassent pas la taille d’un tertre, où le regard porte parfois à l’infini, où les trains circulent à 25km/h au rythme de un par jour, ils ont réussi à se faire percuter !
Nous saluons deux autres victimes de ce pays, deux authentiques chevaliers teutoniques tombés là à l’époque de la colonisation et se reposent dorénavant à l’ombre de deux accacias touffus, le long d’un joli pont de chemin de fer en poutrelles métalliques. Nés dans les années 1870, tombés en 1906, leur des tin est un mystère…
Après avoir rejoint le bitume, si la fréquentation de la voie augmente dans la proportion d’une voiture toutes les 5 à 10 minutes (nous sommes sur un des axes principaux du pays), le paysage évolue insensiblement. Toujours la plaine immense, mais les montagnes lointaines s’effacent, tandis que relief des collines proche s’accidente. Les roches ocre se teintent de jaune, couleur des touffes d’herbes qui les noient. Au final le paysage prend un aspect duveteux joliment jaune-orangé, dont les reflets ondoyants invitent le voyageur à de folles cavalcades imaginaires jusqu’aux portes de royaumes depuis longtemps disparus.
La gardienne de cette étendue de plaines cavalières est la localité de Aus, où nous nous arrêtons pour deux nuits. Aus, quoi qu’il en paraisse à la vue de ces amas de cahutes en tôles, est une cité ancienne, antérieure à la colonisation allemande. Pour autant ce sont les allemands qui ont pérennisé cette localité en en faisant la tête de pont de leur conquête des terres de l’intérieur de l’Afrique. Débarqués à Lüderitz dans les années 1875, leur ambition était, comme les autres européens, de s’offrir des débouchés commerciaux. Mais si Lüderitz offrait l’avantage quasi unique en Namibie d’un mouillage sécurisé, c’était un mouillage habité seulement d’oiseaux marins et d’éléphants de mer, débouchant sur une terre ravagée. La bande côtière au nord rappelle le Sahara, la bande côtière au sud rappelle, ou anticipe la planète Mars. Entre les deux, balayée par les vents, une bande plate, si jaune que l’on croirait des champs de blé, mais uniquement recouvertes de cailloux, et habitée par toute la remarquable faune namibienne : autruches, émeus, gemsboks ressemblant à des gazelles qui auraient pris de la testostérone pour ressembler à des taureaux, et armés, à la place de deux bêtes cornes, de deux pointes de licorne d’une envergure de un mètre, springboks, petites antilopes très graciles, blanches avec des raies brunes très seyantes. Toutes ces espèces se côtoient, cohabitent, partagent leurs points d’eau suivant des codes sociaux bien définis que nous avons eu le loisir d’observer. Sans parler des autruches réputées pour leur bonne autonomie et leur rapidité qui leur permet d’attendre au loin qu’une disponibilité du marigot s’offre à elles, chevaux et gemsboks, de corpulence équivalente, jouent quant à eux un spectacle de nonchalance, d’intimidation, de circonvolutions, d’excréments bien placés, qui n’en disent pas moins qu’une franche ruade. Et parmi les troupeaux de chacune des espèces, seuls quelques individus sont habilités à représenter leurs congénères face aux hérauts des rivaux. Ces ébats d’animaux sont peut être une métaphore du pays et du continent, confrontation d’une population et de sa culture millénaire (les Gemsboks par exemple), face aux pièces rapportées, issues de la culture européenne, mais qui ne s’en sentent pas moins habitants de plein droit : les chevaux sauvages. Selon toute vraisemblance, ils sont des descendants de près de trois mille bêtes alliées dont l’enclos a été bombardé par un avion allemand et qui leur a par la même, offert la liberté.
Aus donc, était la tête de pont de Lüderitz dans les terres intérieures, c'est-à-dire là où l’herbe peut commencer à pousser. Afin de rendre ce voyage plus aisé et moins cher, les allemands avaient même construit une voie de chemin de fer que leur successeurs namibiens sont en train de reconstruire un siècle plus tard, et autant d’abandon progressif. De la voie ferrée originelle, il reste des gares abandonnées, délavées mais intactes, sentinelles centenaires d’un désert étranger. Parfois ce n’est plus qu’un panneau blanc, dressé solitaire dans l’immensité et dont la lecture soigneuse fait apparaître les silhouettes délavées de fiers caractères gothiques.
Vendredi 19 avril.
A défaut d’une bonne nuit, c’est le petit déjeuner au Lodge (Klein Aus Vista) qui nous permet de nous lever de bon pied. Il est proprement mirifique : croissants, jus de goyave, œufs brouillés, vrai café noir, pâtisseries en tous genres avec vue sur la plaine qui se réchauffe, l’horizon qui semble se redresser après une nuit recroquevillée. Les os se réchauffent, on enlève les épaisseurs unes à unes et la chaleur combinée à la luminosité finissent de dissiper les brumes qui s’amoncelaient dans nos cerveaux. Même papa et maman, qui pourtant ont dormi dans une maison en dur, ont lutté pendant la nuit contre le froid !
Aujourd’hui nous nous intéresserons à cette baie côtière, témoignage des balbutiements de la Namibie moderne, qui y connut ses premiers découvreurs, ses premières infrastructures, ses premières luttes d’indépendance.
De l’ouest à l’est, dans l’ordre inverse duquel nous les avons visités :
Diaz Point, une pointe dans l’océan déchaîné, de moins en moins atlantique et de plus en plus polaire antarctique, ravagé par des rafales de vent contre lesquelles Céline fait à peine le poids. Elle s’accroche éperdument à la croix plantée là par Diaz, explorateur portugais qui, en 1488, fut le premier européen à mettre les pieds en Namibie, au retour de sa découverte du cap de Bonne Espérance. Mais, pas fou le portugais : quand il a vu la mer sombre, les phoques, le chamboulement minéral partant à l’affront de la mer d’un côté, de l’autre les dunes de sables s’affalant depuis des hauteurs vertigineuses, quand en sortant la tête de son galion il a senti le vent lui retourner les paupières, quand débouchant de sa moelleuse cabine il s’est fait surprendre par un silence spécial, un silence né de la confusion des bruits, un silence causé par la saturation de l’ouïe du fracas des éléments, un silence de fin du monde, comme une explosion qui dure ; alors le portugais a dédaigné ce rivage peu accueillant et a laissé le soin aux allemands, 500 ans plus tard, d’en tirer parti.
A défaut d’une bonne nuit, c’est le petit déjeuner au Lodge (Klein Aus Vista) qui nous permet de nous lever de bon pied. Il est proprement mirifique : croissants, jus de goyave, œufs brouillés, vrai café noir, pâtisseries en tous genres avec vue sur la plaine qui se réchauffe, l’horizon qui semble se redresser après une nuit recroquevillée. Les os se réchauffent, on enlève les épaisseurs unes à unes et la chaleur combinée à la luminosité finissent de dissiper les brumes qui s’amoncelaient dans nos cerveaux. Même papa et maman, qui pourtant ont dormi dans une maison en dur, ont lutté pendant la nuit contre le froid !
Aujourd’hui nous nous intéresserons à cette baie côtière, témoignage des balbutiements de la Namibie moderne, qui y connut ses premiers découvreurs, ses premières infrastructures, ses premières luttes d’indépendance.
De l’ouest à l’est, dans l’ordre inverse duquel nous les avons visités :
Diaz Point, une pointe dans l’océan déchaîné, de moins en moins atlantique et de plus en plus polaire antarctique, ravagé par des rafales de vent contre lesquelles Céline fait à peine le poids. Elle s’accroche éperdument à la croix plantée là par Diaz, explorateur portugais qui, en 1488, fut le premier européen à mettre les pieds en Namibie, au retour de sa découverte du cap de Bonne Espérance. Mais, pas fou le portugais : quand il a vu la mer sombre, les phoques, le chamboulement minéral partant à l’affront de la mer d’un côté, de l’autre les dunes de sables s’affalant depuis des hauteurs vertigineuses, quand en sortant la tête de son galion il a senti le vent lui retourner les paupières, quand débouchant de sa moelleuse cabine il s’est fait surprendre par un silence spécial, un silence né de la confusion des bruits, un silence causé par la saturation de l’ouïe du fracas des éléments, un silence de fin du monde, comme une explosion qui dure ; alors le portugais a dédaigné ce rivage peu accueillant et a laissé le soin aux allemands, 500 ans plus tard, d’en tirer parti.
Et c’est donc à Lüderitz, vingt kilomètres plus au nord, que les allemands ont installé une ville. Le coin n’est pas différent de Diaz Point, hormis la présence des maisons et d’un port. La ville n’est pas immense, à peine un chef lieu de canton chez nous, mais exhale un caractère bien spécial par ses ruelles poussiéreuse en pente, bordées de maisons allemandes aux couleurs vives. Une église typiquement protestante domine la cité et sert d’ailleurs d'amer dans toute la région, que l’on soit à mer ou sur terre. Le vent embrasse la ville avec une telle constance que, de même que le bruit à Diaz Point, on finit par l’oublier, du moins tant que l’on reste dehors. C’est en trouvant un abri que l’on réalise l’état de fatigue psychologique dans lequel il nous a mis : la porte une fois fermée, sans que rien n’ait apparemment changé, une sensation de silence, de libération! On se sent grandi, comme à la sortie d’un tunnel !On ferme la porte d’un café comme on refermerait le couvercle de la boîte de Pandore !
La ville est proprette. Les habitants passent lentement, les maisons de couleur sont pimpantes, la poussière des rues descend des rochers hostiles jusqu’à la mer menaçante en contrebas ; tout est en suspens, peut être dans l’attente que les dunes de sable alentours finissent d’engloutir la ville, dans laquelle on erre comme dans un miracle. Cité improbable née de la volonté d’un homme, elle tient par la force de la volonté des hommes qui s’y accrochent, et il ne serait pas moins improbable de déambuler dans la même ville en Terre Adélie.
La ville est proprette. Les habitants passent lentement, les maisons de couleur sont pimpantes, la poussière des rues descend des rochers hostiles jusqu’à la mer menaçante en contrebas ; tout est en suspens, peut être dans l’attente que les dunes de sable alentours finissent d’engloutir la ville, dans laquelle on erre comme dans un miracle. Cité improbable née de la volonté d’un homme, elle tient par la force de la volonté des hommes qui s’y accrochent, et il ne serait pas moins improbable de déambuler dans la même ville en Terre Adélie.
Au temps de la splendeur de la Namibie allemande, Lüderitz était le fer de lance du dispositif impérial, la gare a même du être rapidement agrandie, tant le trafic s’était développé. Outre les bienfaits de la civilisation que la mer patrie diffusait, celle-ci envoyait surtout des prospecteurs miniers et le matériel accompagnant, pour en faire revenir des diamants.
Les environs de Lüderitz sont donc parsemés de villes minières abandonnées au gré de l’augmentation des coûts d’exploitation. Les africains du sud qui colonisèrent la Namibie se frottèrent eux aussi au mirage diamantifère, et quittèrent le pays lorsque la guerre leur coûta plus cher que les gains tirés de l’exploitation minière. Aujourd’hui une vaste zone au sud de Lüderitz est interdite, pour la protection de la nature bien sûr, mais surtout des conditions d’exploitation apaisées et discrètes.
Ces villes fantômes, du fait de la sécheresse du climat, sont littéralement minéralisées, le vent seul a un effet délétère et ponce les couleurs, les aspérités : ainsi Kolmanskop, où nous nous arrêtons, qui a été rendue célèbre par le film La Piste de Eric Valli. Ancienne ville diamantifère fondée par les allemands à seulement 10km de Lüderitz, elle a fonctionné jusque dans les années 50. On y trouve toutes les structures d’une cité industrielle classique : les belles maisons bourgeoises des cadres dirigeants, les dortoirs des ouvriers, la salle de théâtre, la boucherie et la clinique, la fabrique de glace et le magasin général, les entrepôts, les châteaux d’eau, les voies ferrées de petits train d’extraction. Tout cela s’est arrêté soudain, et depuis soixante ans, seul le sable habite, ou plutôt hante ces lieux ;il remplit les pièces, ronge les bois, frotte les tapisseries, enfouit les souvenirs, les objets qui, hétéroclites, surnagent parfois plus loin, au milieu d’une dune, telle cette baignoire en fonte, tels ces outils tellement rouillés qu’on en a oublié l’usage. L’urbanisme y est, bien rangé, tous les bâtiments sont encore là, au garde à vous, comme à la parade devant la maison du directeur général, mais le désert absorbe tout, aplanit la cité, et va jusqu’à avaler des maisons qui sont désormais à moitié enfouies. Bientôt, la vanité des hommes aura été oubliée. Peut être que dans 3000 ans, au gré des vents et des saisons, nos descendants retrouveront-ils cette ville ou une autre, comme on a retrouvé Les grottes de Dunhuang, et s’interrogeront sur nos mode de vie, notre économie, et concluront sur le caractère autoritaire de notre modèle.
Les environs de Lüderitz sont donc parsemés de villes minières abandonnées au gré de l’augmentation des coûts d’exploitation. Les africains du sud qui colonisèrent la Namibie se frottèrent eux aussi au mirage diamantifère, et quittèrent le pays lorsque la guerre leur coûta plus cher que les gains tirés de l’exploitation minière. Aujourd’hui une vaste zone au sud de Lüderitz est interdite, pour la protection de la nature bien sûr, mais surtout des conditions d’exploitation apaisées et discrètes.
Ces villes fantômes, du fait de la sécheresse du climat, sont littéralement minéralisées, le vent seul a un effet délétère et ponce les couleurs, les aspérités : ainsi Kolmanskop, où nous nous arrêtons, qui a été rendue célèbre par le film La Piste de Eric Valli. Ancienne ville diamantifère fondée par les allemands à seulement 10km de Lüderitz, elle a fonctionné jusque dans les années 50. On y trouve toutes les structures d’une cité industrielle classique : les belles maisons bourgeoises des cadres dirigeants, les dortoirs des ouvriers, la salle de théâtre, la boucherie et la clinique, la fabrique de glace et le magasin général, les entrepôts, les châteaux d’eau, les voies ferrées de petits train d’extraction. Tout cela s’est arrêté soudain, et depuis soixante ans, seul le sable habite, ou plutôt hante ces lieux ;il remplit les pièces, ronge les bois, frotte les tapisseries, enfouit les souvenirs, les objets qui, hétéroclites, surnagent parfois plus loin, au milieu d’une dune, telle cette baignoire en fonte, tels ces outils tellement rouillés qu’on en a oublié l’usage. L’urbanisme y est, bien rangé, tous les bâtiments sont encore là, au garde à vous, comme à la parade devant la maison du directeur général, mais le désert absorbe tout, aplanit la cité, et va jusqu’à avaler des maisons qui sont désormais à moitié enfouies. Bientôt, la vanité des hommes aura été oubliée. Peut être que dans 3000 ans, au gré des vents et des saisons, nos descendants retrouveront-ils cette ville ou une autre, comme on a retrouvé Les grottes de Dunhuang, et s’interrogeront sur nos mode de vie, notre économie, et concluront sur le caractère autoritaire de notre modèle.
Retour à Aus par la grande fournaise. Mais il est déjà tard, à 17h30 le soleil est couché, à 18h30 il fait nuit noire, pour ainsi dire, la Croix du Sud est notre seul guide. Et pour le coup, s’en est bien fini de la fournaise ! A 18h30 dans ce pays, les gens sont déjà en pyjama… Et nous sommes encore en voiture, et il va nous falloir allumer le barbecue, faire cuire les deux barquettes de viande de bœuf (l’équivalent de 6 steaks pour 6€), cuire les petits poids sur notre réchaud à la paraffine, matraqués par le vent qui va nous assaillir des l’ouverture des portières. Heureusement que nous avons acheté un petit vin du cru, un Ste Céline !
Le soir venu, papa et maman attendent paresseusement dans leur Lodge clos, cadenassé et étanché des agressions atmosphériques extérieures, que Céline et moi ayons préparé le dîner. Heureusement il fait un peu moins froid que la veille, la viande cuit à merveille dans le profond chaudron percé qui tient lieu de barbecue, et puis les flammes nous réchauffent. Le vin lui, est malheureusement trop sucré pour nous seconder efficacement. En tout cas, quand les parents arrivent, la viande est une merveille de tendresse et de saveur, mais le vent a repris de la vigueur, si bien qu’à peine servis, les petits poids sont déjà froids. Et puis nous ne trouvons que trois assiettes, deux fourchettes, deux couteaux et une petite cuillère. Le dîner se fait donc à la bonne franquette, en se serrant les coudes. Une orange et au lit, nous sommes tous contents de nous retirer dans nos appartements pour nous mettre au chaud, sauf peut être papa qui aurait pu continuer à deviser gaiement en bras de chemise, à peine audible dans les rafales glaciales, mais visiblement heureux !
Le soir venu, papa et maman attendent paresseusement dans leur Lodge clos, cadenassé et étanché des agressions atmosphériques extérieures, que Céline et moi ayons préparé le dîner. Heureusement il fait un peu moins froid que la veille, la viande cuit à merveille dans le profond chaudron percé qui tient lieu de barbecue, et puis les flammes nous réchauffent. Le vin lui, est malheureusement trop sucré pour nous seconder efficacement. En tout cas, quand les parents arrivent, la viande est une merveille de tendresse et de saveur, mais le vent a repris de la vigueur, si bien qu’à peine servis, les petits poids sont déjà froids. Et puis nous ne trouvons que trois assiettes, deux fourchettes, deux couteaux et une petite cuillère. Le dîner se fait donc à la bonne franquette, en se serrant les coudes. Une orange et au lit, nous sommes tous contents de nous retirer dans nos appartements pour nous mettre au chaud, sauf peut être papa qui aurait pu continuer à deviser gaiement en bras de chemise, à peine audible dans les rafales glaciales, mais visiblement heureux !
Samedi 20 avril
Nous quittons notre campement vers 08h30, direction quelques 300kms au nord : Sesriem. Sesriem tient son nom des premiers colons et des six longueurs de corde qu’il leur fallut pour atteindre le fond d’un canyon pour étancher leur soif. Mais Sesriem est surtout aujourd’hui la porte d’entrée d’un parc naturel bordant le désert du Namib.
La route pour atteindre notre destination évolue encore par rapport aux jours précédents. Toujours les immenses plaines, les reliefs lointains, une dominante d’ocre et de jaune amplifiée par le bleu absolu du ciel qui nous environne avec le poids d’un casque d’acier ; mais à défaut de devenir grasses, les terres en sont plus riches : aujourd’hui le sol cumule les cailloux, l’herbe rase ET les buissons secs. Jusqu’alors c’était l’un ou l’autre. Une bonne partie de ces terres est donc dévolue à l’élevage extensif, notamment des bœufs. Mais nous profitons aussi d'une forte présence d’animaux sauvages qui ne broutent pas moins que les grégaires : des gemsboks, des springboks qui sont des petites gazelles blanches très graciles rayées de marron, des autruches et même des zèbres ! Si la terre est plus riche, la piste elle est plus pauvre ! C’est le début du règne de la tôle ondulée sur laquelle il ne faut pas aller trop lentement. Mais trop vite c’est perdre l’adhérence, c’est se faire surprendre en haut des côtes et bringuebaler à la traversée des cours d’eau asséchés. C’est aussi risquer la crevaison, ce qui nous arrive à mi-parcours ! Un caillou plus pointu qu1e les autres a réussi à traverser la roue arrière gauche. Et nous voici arrêtés sous le soleil implacable, l’immensité du ciel semble enflammée et cuit la tête du malheureux sans couvre chef. Chef au demeurant saturé de la présence des mouches satellites. Par-dessus, par-dessous, dans les oreilles, le nez, la bouche, sur la nuque, engluées dans la moiteur de la transpiration, elles chatouillent, gênent, picotent en permanence. Rien n’y fait pour les faire fuir, c’est à devenir fou !
Nous quittons notre campement vers 08h30, direction quelques 300kms au nord : Sesriem. Sesriem tient son nom des premiers colons et des six longueurs de corde qu’il leur fallut pour atteindre le fond d’un canyon pour étancher leur soif. Mais Sesriem est surtout aujourd’hui la porte d’entrée d’un parc naturel bordant le désert du Namib.
La route pour atteindre notre destination évolue encore par rapport aux jours précédents. Toujours les immenses plaines, les reliefs lointains, une dominante d’ocre et de jaune amplifiée par le bleu absolu du ciel qui nous environne avec le poids d’un casque d’acier ; mais à défaut de devenir grasses, les terres en sont plus riches : aujourd’hui le sol cumule les cailloux, l’herbe rase ET les buissons secs. Jusqu’alors c’était l’un ou l’autre. Une bonne partie de ces terres est donc dévolue à l’élevage extensif, notamment des bœufs. Mais nous profitons aussi d'une forte présence d’animaux sauvages qui ne broutent pas moins que les grégaires : des gemsboks, des springboks qui sont des petites gazelles blanches très graciles rayées de marron, des autruches et même des zèbres ! Si la terre est plus riche, la piste elle est plus pauvre ! C’est le début du règne de la tôle ondulée sur laquelle il ne faut pas aller trop lentement. Mais trop vite c’est perdre l’adhérence, c’est se faire surprendre en haut des côtes et bringuebaler à la traversée des cours d’eau asséchés. C’est aussi risquer la crevaison, ce qui nous arrive à mi-parcours ! Un caillou plus pointu qu1e les autres a réussi à traverser la roue arrière gauche. Et nous voici arrêtés sous le soleil implacable, l’immensité du ciel semble enflammée et cuit la tête du malheureux sans couvre chef. Chef au demeurant saturé de la présence des mouches satellites. Par-dessus, par-dessous, dans les oreilles, le nez, la bouche, sur la nuque, engluées dans la moiteur de la transpiration, elles chatouillent, gênent, picotent en permanence. Rien n’y fait pour les faire fuir, c’est à devenir fou !
Démontage, remontage, nous avalons des tranches de viande cuites la veille, une tomate, une banane, et nous reprenons la route avant que nos os ne commencent à blanchir. Cette pause nous permet tous de même de comprendre l’origine des étourneaux qui nous font la fête tous les matins et dont le pépiement annonce l’heure du réveil. Ils habitent d’immenses huttes de paille accrochées à des branches d’acacias, vénérables de préférence. Il existe des nids plus exigus, accrochés à tout ce que la plaine peu offrir d’élevé : poteaux téléphoniques, arbre mort pointu. Ces colonies d’étourneaux chaque matin attendent le lever du soleil pour nous inviter à nous lever par un concert privé aussi bruyant et mélodieux que si l’on avait équipé un orchestre philharmonique de peluche coincoin Sophie la Girafe et qu’on lui avait demandé d’interpréter du Wagner ! Étonnant !
Pendant quelques minutes nous hésitons sur la conduite à tenir : devons nous réparer maintenant ou attendre d’être arrivés à destination pour remettre la roue à neuf ? Réparer sur place, c’est possible : les garages existent, puisqu’en 350km de piste, plusieurs fermes perdues dans l’immensité et seulement indiquées par leur portail d’accès proclamaient sur des panneaux fantaisistes : « Tyre Repair ». Cette option a le charme de l’exotisme, de la rencontre des autochtones, mais est surtout la porte ouverte à toutes les surprises que peut offrir l’Afrique, tous les délais incongrus nés de la bonne volonté et de l’indigence mélangées. La deuxième option consiste à rouler sur la roue de secours, avec la possibilité de recrever, mais dans la négative, avec la certitude d’avoir un endroit où dormir cette nuit, car le camp ferme ses portes au coucher du soleil, et le soleil ici a une certaine propension à se coucher tôt et à forcer les décisions !
Nous roulerons donc sur la roue de secours. Et puis nous sommes impatients de récupérer les bagages de papa et maman qui doivent nous attendre à Sesriem depuis 24h !
Ça c’était dans nos rêves ! A l’accueil du camp, personne n’ a jamais entendu parler de leurs bagages, par contre le cas n’est pas inconnu et allume dans les yeux un reflet de pitié. La mine assombrie, les phrases équivoques du personnel, laissent présager de délais incertains. Papa appelle donc le service bagages au Cap, qui fournit une réponse évasive, peut être une livraison le lendemain ? Papa appelle alors Air France à Paris, mais ils ne peuvent rien hormis s’apitoyer sur leur propre impotence. Papa essaie alors l’appel à American Express, afin de savoir s’ils pourraient prendre en charge une éventuelle chambre d’hôtel, fort chère car fort rare dans la région. Ils ne peuvent rien eux non plus. Papa et maman sont donc définitivement à la rue : sans tente, sans sac de couchage, sans matelas, sans vêtements, sans équipements, sans rien, à la frontière d’un des déserts les plus hostiles au monde, le désert du Namib. Pourtant, s’ils avaient eu leur matériel, l’emplacement de camping était des plus avenants : au pied et à l’ombre d’un gros acacia, à la frontière de la grande plaine où paissent paisiblement des springboks à moitié camouflés dans les herbes hautes, avec une vision à 360° sur les montagnes et les dunes aux quelles nous sommes adossés, c’est un vrai campement à la Kipling. Nous avons un petit âtre personnel et comble du bien être, une piscine à quelques mètres. Comme nous sommes en saison creuse, peu de touristes se partagent le campement, nous n’avons donc rien d’autre que l’infini de la steppe africaine sous les yeux ! Au soleil couchant, nous sommes tous d’accord pour nous considérer Lost In Africa, surtout lorsqu’un petit coucou nous survole en vrombissant et part se poser plus loin quelque part dans la brousse.
Pendant quelques minutes nous hésitons sur la conduite à tenir : devons nous réparer maintenant ou attendre d’être arrivés à destination pour remettre la roue à neuf ? Réparer sur place, c’est possible : les garages existent, puisqu’en 350km de piste, plusieurs fermes perdues dans l’immensité et seulement indiquées par leur portail d’accès proclamaient sur des panneaux fantaisistes : « Tyre Repair ». Cette option a le charme de l’exotisme, de la rencontre des autochtones, mais est surtout la porte ouverte à toutes les surprises que peut offrir l’Afrique, tous les délais incongrus nés de la bonne volonté et de l’indigence mélangées. La deuxième option consiste à rouler sur la roue de secours, avec la possibilité de recrever, mais dans la négative, avec la certitude d’avoir un endroit où dormir cette nuit, car le camp ferme ses portes au coucher du soleil, et le soleil ici a une certaine propension à se coucher tôt et à forcer les décisions !
Nous roulerons donc sur la roue de secours. Et puis nous sommes impatients de récupérer les bagages de papa et maman qui doivent nous attendre à Sesriem depuis 24h !
Ça c’était dans nos rêves ! A l’accueil du camp, personne n’ a jamais entendu parler de leurs bagages, par contre le cas n’est pas inconnu et allume dans les yeux un reflet de pitié. La mine assombrie, les phrases équivoques du personnel, laissent présager de délais incertains. Papa appelle donc le service bagages au Cap, qui fournit une réponse évasive, peut être une livraison le lendemain ? Papa appelle alors Air France à Paris, mais ils ne peuvent rien hormis s’apitoyer sur leur propre impotence. Papa essaie alors l’appel à American Express, afin de savoir s’ils pourraient prendre en charge une éventuelle chambre d’hôtel, fort chère car fort rare dans la région. Ils ne peuvent rien eux non plus. Papa et maman sont donc définitivement à la rue : sans tente, sans sac de couchage, sans matelas, sans vêtements, sans équipements, sans rien, à la frontière d’un des déserts les plus hostiles au monde, le désert du Namib. Pourtant, s’ils avaient eu leur matériel, l’emplacement de camping était des plus avenants : au pied et à l’ombre d’un gros acacia, à la frontière de la grande plaine où paissent paisiblement des springboks à moitié camouflés dans les herbes hautes, avec une vision à 360° sur les montagnes et les dunes aux quelles nous sommes adossés, c’est un vrai campement à la Kipling. Nous avons un petit âtre personnel et comble du bien être, une piscine à quelques mètres. Comme nous sommes en saison creuse, peu de touristes se partagent le campement, nous n’avons donc rien d’autre que l’infini de la steppe africaine sous les yeux ! Au soleil couchant, nous sommes tous d’accord pour nous considérer Lost In Africa, surtout lorsqu’un petit coucou nous survole en vrombissant et part se poser plus loin quelque part dans la brousse.
Tout est donc bel et beau, mais nous ne pouvons laisser papa et maman sans solution pour la nuit, car si en cette fin d’après midi la température avoisine les 30°C à l’ombre, il n’en sera certainement pas de même durant la nuit, et si ici il vente comme il ventait la veille, ils ne passeront pas la nuit ! Le Lodge de la réserve dont les chambres sont à 200€ minimum sont complètes, pas d’espoir donc de ce côté-là ; il existe quelque part dans le sud un autre Lodge avec des tarifs du même ordre, et comme nous n’arrivons pas à les joindre au téléphone, il va falloir lancer une expédition pour rallier ce possible asile. Notons à ce propos qu’en Namibie, les rares fois où nos appareils ont suffisamment capté pour lancer un appel, les téléphones en face étaient systématiquement en dérangement. Le seul moyen de communication reste donc la piste et nous reprenons la voiture direction le sud.
Mais au portail de la réserve, revirement du destin, un miracle comme sait les faire l’Afrique aussi bien que les catastrophes : la dame barbue du poste de garde à qui nous expliquons nos malheurs, en se grattant le menton, nous suggère qu’un ami aurait peut être une tente à louer.
« Ah bon ? Et des sacs de couchage ? » Elle ne sait pas, elle appelle. S’en suit une conversation téléphonique hurlante dans le grésillement du haut parleur, dont il ressort que quelqu’un viendra nous trouver à notre emplacement de camping. « Il aura des sacs de couchage ? » Elle ne sait pas.
Un quart d’heure plus tard, deux hommes se garent à côté de notre tente solitaire, à bord d’une vieille Volkswagen rapiécé. Un jeune en sort, le regard fuyant, il a une étoile d’or collée à chacune de ses incisives. Il tient à la main un sac poubelle contenant « la tente » : c'est-à-dire six jeux d’arceaux, soit quatre de trop pour soutenir l’unique toile intérieure d’une petite tente igloo... « Et des sacs de couchage ? C’est trouvable ? Et des matelas, c’est trouvable ? » Regard fuyant, bref silence hésitant. « Attendez, on revient ». Un nouveau quart d’heure plus tard ; un couple en uniforme du parc nous rejoint au volant d’un pick up siglé. A l’arrière du pick up, deux épais matelas de lit une place. Nous leur montrons la tente qui ne doit pas faire plus de soixante dix centimètre de large, pas besoin d’un long discours pour comprendre que les deux matelas ne rentreront pas. Déjà que un seul est près de la faire éclater ! « Et pour les sacs de couchage ? » A cette question, le regard de nos vis-à-vis semble parcourir en accéléré le trajet qui les sépare d’un éventuel sac de couchage, à l’autre bout du pays à en croire le battement de leurs paupières. Une quinzaine de secondes de réflexion, puis un silence dramatique et gêné s’installe, vraisemblablement, ils n’osent pas nous dire non… Il n’y aura donc pas de sacs de couchage. Qu’à cela ne tienne, nous passerons nos sacs de couchage aux parents et dormirons habillés dans nos sacs à viande, que l’aventure commence !
Vu que le soleil est déjà fort bas sur l’horizon, nous avons juste le temps de poser la roue de la voiture dans un garage et de grimper sur la dune la plus proche pour voir le soleil se coucher : à 5km de notre tente à travers le bush se dresse la première dune de sable rouge du désert du Namib. Et le sable rougit d’autant plus que le soleil s’abaisse, que les montagnes s’embrasent et que la plaine aride se transforme en mer d’or liquide. Nous qui pensions gravir la dune en quelques minutes et quelques enjambées, nous nous sommes bien fourvoyés ! Il nous faut peut être trois quart d’heures pour nous hisser de soixante dix mètres, moulinant comme des mulets dans le sable qui se dérobe. Chacun de nos pas provoque une petite coulée de sable d’une dizaine de mètres d’amplitude, si bien que notre progression poussive allonge la balafre que nous imposons à la virginité de ces pans de désert ocre. Nous prenons de la hauteur, le paysage s’enflamme toujours plus, un souffle vulcanien s’engouffre dans la plaine à nos pieds tandis que les montagnes lointaines, pourtant éclaboussées de pourpre, s’en tiennent à l’écart. Le sommet de la dune se dérobe pourtant systématiquement, et force nous est de retourner à la voiture sans avoir pu l’atteindre.
Mais au portail de la réserve, revirement du destin, un miracle comme sait les faire l’Afrique aussi bien que les catastrophes : la dame barbue du poste de garde à qui nous expliquons nos malheurs, en se grattant le menton, nous suggère qu’un ami aurait peut être une tente à louer.
« Ah bon ? Et des sacs de couchage ? » Elle ne sait pas, elle appelle. S’en suit une conversation téléphonique hurlante dans le grésillement du haut parleur, dont il ressort que quelqu’un viendra nous trouver à notre emplacement de camping. « Il aura des sacs de couchage ? » Elle ne sait pas.
Un quart d’heure plus tard, deux hommes se garent à côté de notre tente solitaire, à bord d’une vieille Volkswagen rapiécé. Un jeune en sort, le regard fuyant, il a une étoile d’or collée à chacune de ses incisives. Il tient à la main un sac poubelle contenant « la tente » : c'est-à-dire six jeux d’arceaux, soit quatre de trop pour soutenir l’unique toile intérieure d’une petite tente igloo... « Et des sacs de couchage ? C’est trouvable ? Et des matelas, c’est trouvable ? » Regard fuyant, bref silence hésitant. « Attendez, on revient ». Un nouveau quart d’heure plus tard ; un couple en uniforme du parc nous rejoint au volant d’un pick up siglé. A l’arrière du pick up, deux épais matelas de lit une place. Nous leur montrons la tente qui ne doit pas faire plus de soixante dix centimètre de large, pas besoin d’un long discours pour comprendre que les deux matelas ne rentreront pas. Déjà que un seul est près de la faire éclater ! « Et pour les sacs de couchage ? » A cette question, le regard de nos vis-à-vis semble parcourir en accéléré le trajet qui les sépare d’un éventuel sac de couchage, à l’autre bout du pays à en croire le battement de leurs paupières. Une quinzaine de secondes de réflexion, puis un silence dramatique et gêné s’installe, vraisemblablement, ils n’osent pas nous dire non… Il n’y aura donc pas de sacs de couchage. Qu’à cela ne tienne, nous passerons nos sacs de couchage aux parents et dormirons habillés dans nos sacs à viande, que l’aventure commence !
Vu que le soleil est déjà fort bas sur l’horizon, nous avons juste le temps de poser la roue de la voiture dans un garage et de grimper sur la dune la plus proche pour voir le soleil se coucher : à 5km de notre tente à travers le bush se dresse la première dune de sable rouge du désert du Namib. Et le sable rougit d’autant plus que le soleil s’abaisse, que les montagnes s’embrasent et que la plaine aride se transforme en mer d’or liquide. Nous qui pensions gravir la dune en quelques minutes et quelques enjambées, nous nous sommes bien fourvoyés ! Il nous faut peut être trois quart d’heures pour nous hisser de soixante dix mètres, moulinant comme des mulets dans le sable qui se dérobe. Chacun de nos pas provoque une petite coulée de sable d’une dizaine de mètres d’amplitude, si bien que notre progression poussive allonge la balafre que nous imposons à la virginité de ces pans de désert ocre. Nous prenons de la hauteur, le paysage s’enflamme toujours plus, un souffle vulcanien s’engouffre dans la plaine à nos pieds tandis que les montagnes lointaines, pourtant éclaboussées de pourpre, s’en tiennent à l’écart. Le sommet de la dune se dérobe pourtant systématiquement, et force nous est de retourner à la voiture sans avoir pu l’atteindre.
Car il nous faut nous hâter, la roue a été confiée à la station service juste à la sortie du parc, et le parc ferme au coucher du soleil, nous risquons de ne pas avoir de roue de secours demain… Heureusement nous nous en sortons bien, réussissons à négocier avec le gardien qu’il nous fasse passer (à pied), tandis que le garagiste nous attend pour fermer. Nous voici donc sur le bord de la piste, comme d’authentiques africains, guère plus que des ombres sur la plaine grise, et marchons, ou courrons derrière notre roue, effrayant sur les bas côtés, de mini-springboks qui bondissent sur leur frêles pattes comme sur des ressorts.
Comme il fait nuit, que la qualité de notre sommeil à venir est incertaine, l’avenir des bagages tout autant, nous nous remontons le moral au restaurant du campement en savourant des pièces de bœuf d’une taille et d’une saveur incomparable.
Comme il fait nuit, que la qualité de notre sommeil à venir est incertaine, l’avenir des bagages tout autant, nous nous remontons le moral au restaurant du campement en savourant des pièces de bœuf d’une taille et d’une saveur incomparable.
Dimanche 21 avril
Papa et Maman, bien au chaud sur leur édredon, ont excellemment bien dormi. Céline et moi, avons suivi la progression de la nuit, degré après degré, heure après heure, y répondant par l’ajout systématique d’une nouvelle épaisseur, qui une serviette, qui un pull, qui un deuxième bonnet.
06h20, levés. 06h25, l’eau boue sur le réchaud à paraffine. 06h26, l’accident ! Alors que le réchaud prend feu comme à chaque fois depuis que je l’alimente avec de la paraffine artisanale achetée dans une station service, maman se jette dessus pour éviter l’incendie et clouc ! Se coince le dos ! Ce qu’elle redoutait tant est donc arrivé, le lumbago ! Et tous ses médicaments qui sont restés, par mesure de sécurité à l’aéroport, dans les valises ! Et elles sont où les valises ? Une série d’appels dans la journée ne nous avancera pas plus, au contraire avivera notre inquiétude. Une hystérique basée au Cap est notre correspondante, elle réclame absolument une adresse à Sesriem, alors que lors de leur passage à l’aéroport, on leur avait certifié qu’il n’en n’était pas besoin, puisqu’il n’y avait qu’un endroit à Sesriem, où apporter des valises ! Et cet endroit nous y sommes, puisque Sesriem se résume au campement et la station service ! La correspondante argue du fait que nous ne parlons pas suffisamment bien anglais (C'est-à-dire Papa, Céline, puis le personnel administratif de la réserve) pour finaliser l’envoi des bagages. Nous commençons à douter qu’ils ne soient même définitivement perdus et que nous puissions un jour les recouvrer.
Papa et Maman, bien au chaud sur leur édredon, ont excellemment bien dormi. Céline et moi, avons suivi la progression de la nuit, degré après degré, heure après heure, y répondant par l’ajout systématique d’une nouvelle épaisseur, qui une serviette, qui un pull, qui un deuxième bonnet.
06h20, levés. 06h25, l’eau boue sur le réchaud à paraffine. 06h26, l’accident ! Alors que le réchaud prend feu comme à chaque fois depuis que je l’alimente avec de la paraffine artisanale achetée dans une station service, maman se jette dessus pour éviter l’incendie et clouc ! Se coince le dos ! Ce qu’elle redoutait tant est donc arrivé, le lumbago ! Et tous ses médicaments qui sont restés, par mesure de sécurité à l’aéroport, dans les valises ! Et elles sont où les valises ? Une série d’appels dans la journée ne nous avancera pas plus, au contraire avivera notre inquiétude. Une hystérique basée au Cap est notre correspondante, elle réclame absolument une adresse à Sesriem, alors que lors de leur passage à l’aéroport, on leur avait certifié qu’il n’en n’était pas besoin, puisqu’il n’y avait qu’un endroit à Sesriem, où apporter des valises ! Et cet endroit nous y sommes, puisque Sesriem se résume au campement et la station service ! La correspondante argue du fait que nous ne parlons pas suffisamment bien anglais (C'est-à-dire Papa, Céline, puis le personnel administratif de la réserve) pour finaliser l’envoi des bagages. Nous commençons à douter qu’ils ne soient même définitivement perdus et que nous puissions un jour les recouvrer.
Mais ces désagréments n’altèreront pas notre envie d’aller de l’avant, et il ne doit pas être 07h30 lorsque nous nous engouffrons dans la voiture en direction du royaume des dunes : Sossusvlei.
Ce lieu dit est l’endroit le plus connu du désert du Namib, bande littorale d’une centaine de kilomètre de large et dont l’aridité n’a rien à envier au désert d’Atacama, et dont les dunes se jettent languides dans l’océan. Lorsque d’aventure il pleut, il se forme des rivières, des lacs, qui vont jusqu’à gonfler des fleuves saisonniers. Pour le moment c’est la fin de l’été, la saison des pluies tarde à venir et nous ne verrons que les vestiges des déluges passés.
A traverser le désert d’est en ouest, nous réalisons qu’il existe des vallées, si ce n’est luxuriantes, au moins pas complètements sèches : de rares acacias tentent d’y coloniser le pied des dunes où, pensent-ils, ils collecteront l’eau de rosée et des improbables intempéries. Le calcul est risqué , et les carcasses tordues et noircies d’arbres morts sont plus nombreuses que les pousses vigoureuses. Derrière le rempart des premières dunes, un spectacle de désolation à plus grande échelle s’offre à nous : des étangs fantômes, des salars : zones de vie éteinte, ce sont d’anciens étangs, ou plutôt ça été de fugitifs étangs dont l’eau jusqu’à la trace la plus infime s’est évaporée. Les écosystèmes qui s’y sont trop goulument développés se sont éteints, mais non pas disparu : tout est encore là, minéralisé, flore momifiée, pompei végétale. Des troncs tordus hérissent une plaine immensément plate et misérablement craquelée, croutée de blanc, des branches cassées si misérables qu’elles ne sont plus que brandons calcinés jonchent le sol éblouissant sous le soleil éreintant. Des traces de pattes moulées dans la glaise calcinée attestent qu’un animal est venu là en des temps révolus chercher son salut. Les dunes sont rouges, la cuvette d’un blanc étincelant, éblouissant, et l’on se prend à penser que c’est dans ce type d’endroits que l’on a retrouvé les traces de nos aïeux, comme à Laetoli, ce si fameux site de Tanzanie où un adulte et son enfant ont laissé leurs empreintes 3,75 millions d’années au paravant. Et la sécheresse a figé l’histoire, et le sable l’a recouverte, et tout est oublié.
Ce lieu dit est l’endroit le plus connu du désert du Namib, bande littorale d’une centaine de kilomètre de large et dont l’aridité n’a rien à envier au désert d’Atacama, et dont les dunes se jettent languides dans l’océan. Lorsque d’aventure il pleut, il se forme des rivières, des lacs, qui vont jusqu’à gonfler des fleuves saisonniers. Pour le moment c’est la fin de l’été, la saison des pluies tarde à venir et nous ne verrons que les vestiges des déluges passés.
A traverser le désert d’est en ouest, nous réalisons qu’il existe des vallées, si ce n’est luxuriantes, au moins pas complètements sèches : de rares acacias tentent d’y coloniser le pied des dunes où, pensent-ils, ils collecteront l’eau de rosée et des improbables intempéries. Le calcul est risqué , et les carcasses tordues et noircies d’arbres morts sont plus nombreuses que les pousses vigoureuses. Derrière le rempart des premières dunes, un spectacle de désolation à plus grande échelle s’offre à nous : des étangs fantômes, des salars : zones de vie éteinte, ce sont d’anciens étangs, ou plutôt ça été de fugitifs étangs dont l’eau jusqu’à la trace la plus infime s’est évaporée. Les écosystèmes qui s’y sont trop goulument développés se sont éteints, mais non pas disparu : tout est encore là, minéralisé, flore momifiée, pompei végétale. Des troncs tordus hérissent une plaine immensément plate et misérablement craquelée, croutée de blanc, des branches cassées si misérables qu’elles ne sont plus que brandons calcinés jonchent le sol éblouissant sous le soleil éreintant. Des traces de pattes moulées dans la glaise calcinée attestent qu’un animal est venu là en des temps révolus chercher son salut. Les dunes sont rouges, la cuvette d’un blanc étincelant, éblouissant, et l’on se prend à penser que c’est dans ce type d’endroits que l’on a retrouvé les traces de nos aïeux, comme à Laetoli, ce si fameux site de Tanzanie où un adulte et son enfant ont laissé leurs empreintes 3,75 millions d’années au paravant. Et la sécheresse a figé l’histoire, et le sable l’a recouverte, et tout est oublié.
Pour avoir un meilleur aperçu de la situation, Céline et moi décidons de monter en haut des dunes, cette forêt figée doit être fantastique avec de l’altitude ! Hier l’ascension était fatigante, aujourd’hui elle devient héroïque ! A 11h, sous un soleil au zenith, attaquer de front une dune lisse comme un tas de sable, c’est s’attaquer au mythe de Sisyphe : on fait un pas, le pied aussitôt redescend d’autant dans le terrain qui s’affaisse. Chaque pas est alourdi d’une nouvelle masse de sable brûlant qui s’insinue dans les chaussures, la pente est rude, 45°, la réverbération maximale, la poussière fait pleurer les yeux, et d’autant plus à l’approche de la crête où le vent tourbillonnant s’entête à nous fouetter tant et si bien que nous en méditons sur les nuances du terme sablage !
Arrivés à la crête, le spectacle va au-delà de nos espérances : car si nous pouvons contempler l’oasis brûlé à nos pieds dans toute misère blanche, il s’avère qu’au sud, c’est un enchaînement de telles désolations : nous en voyons quatre consécutivement, isolés par des dunes, jusqu’à ce qu’une plus haute que les autres interrompe l’entrelacs des vallées. L’un des salars n’est pas tout à fait mort : une extrémité est recouvert de moignons noueux, noircis, l’autre est encore verte d’acacias et d’arbustes resserrés comme les membres d’une cohorte encerclée par un danger mortel, celui du soleil et de sa sécheresse implacable.
Notre position dominante nous permet aussi de mieux comprendre la zone : la grande plaine dans laquelle est posé notre campement est uniquement arrosée par les eaux en provenance de cet amas de dunes. Inutile de préciser que ce ne doit pas être bien fréquent et que ça explique bien la théorie de cailloux à la quelle nous tournons le dos. Mais lorsqu’il pleut, ce sont des quantités énormes d’eaux freinées par nulle végétation, nul accident de terrain, qui dévalent les pentes aigues des dunes et s’engouffrent entre celles –ci en un débit énorme qui débouche sur la plaine, et la laboure la foultitude de cailloux. La répétition de ces cataclysmes a creusé des canyons invisibles à l’œil nu, si ce n’est le faîte d’un arbre qui pointe accidentellement ici où la à travers l’uniformité jaune. Ces canyons conservent une relative fraîcheur, quelques feuillus habitent leurs anfractuosités, de même que pigeons et tourterelles, quelques points bas savent même garder de l’eau. Et c’est ainsi que nous découvrons un de ces petits miracles de la nature : à plus de 160 kilomètres de la mer, 500 km du fleuve orange qui autrefois alimentait cette zone, au milieu d’un désert minéral, au fond d’un canyon, nous dénichons un trou d’eau d’une dizaine de mètre carrés, et des dizaines de poissons chat à l’intérieur. Comment sont-ils arrivés là, et comment ont-ils survécu jusqu’ici alors qu’ils témoignent de temps géologiques révolus et oubliés ?
Nous sortons du canyon comme nous débouchons d’un passage secret : nous avons l’impression d’ouvrir une trappe et de nous retrouver en lieu complètement incongru, et en l’occurrence, sur une nouvelle planète. Nous étions partis du pied d’un escarpement rocheux servant d’appui à un îlot de dunes, et nous débouchons dans la plaine, où tout est plat sur des dizaines de kilomètres alentours, où rien ne bouge, rien ne dépasse les 50 cm de haut, et rien ne dénonce la présence la présence du canyon, qui s’est effacé derrière nous comme un souvenir. Pour retrouver notre route, force nous est pourtant de le retrouver et de le suivre par au dessus. La magie de marcher dans cette plaine immense au soleil couchant et de voir les ombres s’allonger, les couleurs s’assombrir, rendant l’horizon plus vaste encore, n’est pas vraiment exprimable ; on se sent vivre et c’est suffisant.
Comme le soleil s’est finalement caché, une atmosphère intimiste se pose sur le bush, en même temps qu’un voile de brume dans la cuvette abritant l’oasis où est basé notre campement. Les springboks disparaissent dans les herbes hautes, on n’entend plus que leurs grognements affamés, si peu distingués au regard de leurs frêles silhouettes à tête altière. Ils arrachent les touffes d’herbe avec hargne. Nous de notre côté allumons notre feu qui répond aux derniers rougeoiements des montagnes à l’ouest. Bientôt la croix du Sud apparaît, la fraîcheur de la nuit se mêle à la chaleur de la terre pour faire naître une douce quiétude que l’on reconnaîtra avec gourmandise comme l’instant after height, hommage au fameux chocolat.
Arrivés à la crête, le spectacle va au-delà de nos espérances : car si nous pouvons contempler l’oasis brûlé à nos pieds dans toute misère blanche, il s’avère qu’au sud, c’est un enchaînement de telles désolations : nous en voyons quatre consécutivement, isolés par des dunes, jusqu’à ce qu’une plus haute que les autres interrompe l’entrelacs des vallées. L’un des salars n’est pas tout à fait mort : une extrémité est recouvert de moignons noueux, noircis, l’autre est encore verte d’acacias et d’arbustes resserrés comme les membres d’une cohorte encerclée par un danger mortel, celui du soleil et de sa sécheresse implacable.
Notre position dominante nous permet aussi de mieux comprendre la zone : la grande plaine dans laquelle est posé notre campement est uniquement arrosée par les eaux en provenance de cet amas de dunes. Inutile de préciser que ce ne doit pas être bien fréquent et que ça explique bien la théorie de cailloux à la quelle nous tournons le dos. Mais lorsqu’il pleut, ce sont des quantités énormes d’eaux freinées par nulle végétation, nul accident de terrain, qui dévalent les pentes aigues des dunes et s’engouffrent entre celles –ci en un débit énorme qui débouche sur la plaine, et la laboure la foultitude de cailloux. La répétition de ces cataclysmes a creusé des canyons invisibles à l’œil nu, si ce n’est le faîte d’un arbre qui pointe accidentellement ici où la à travers l’uniformité jaune. Ces canyons conservent une relative fraîcheur, quelques feuillus habitent leurs anfractuosités, de même que pigeons et tourterelles, quelques points bas savent même garder de l’eau. Et c’est ainsi que nous découvrons un de ces petits miracles de la nature : à plus de 160 kilomètres de la mer, 500 km du fleuve orange qui autrefois alimentait cette zone, au milieu d’un désert minéral, au fond d’un canyon, nous dénichons un trou d’eau d’une dizaine de mètre carrés, et des dizaines de poissons chat à l’intérieur. Comment sont-ils arrivés là, et comment ont-ils survécu jusqu’ici alors qu’ils témoignent de temps géologiques révolus et oubliés ?
Nous sortons du canyon comme nous débouchons d’un passage secret : nous avons l’impression d’ouvrir une trappe et de nous retrouver en lieu complètement incongru, et en l’occurrence, sur une nouvelle planète. Nous étions partis du pied d’un escarpement rocheux servant d’appui à un îlot de dunes, et nous débouchons dans la plaine, où tout est plat sur des dizaines de kilomètres alentours, où rien ne bouge, rien ne dépasse les 50 cm de haut, et rien ne dénonce la présence la présence du canyon, qui s’est effacé derrière nous comme un souvenir. Pour retrouver notre route, force nous est pourtant de le retrouver et de le suivre par au dessus. La magie de marcher dans cette plaine immense au soleil couchant et de voir les ombres s’allonger, les couleurs s’assombrir, rendant l’horizon plus vaste encore, n’est pas vraiment exprimable ; on se sent vivre et c’est suffisant.
Comme le soleil s’est finalement caché, une atmosphère intimiste se pose sur le bush, en même temps qu’un voile de brume dans la cuvette abritant l’oasis où est basé notre campement. Les springboks disparaissent dans les herbes hautes, on n’entend plus que leurs grognements affamés, si peu distingués au regard de leurs frêles silhouettes à tête altière. Ils arrachent les touffes d’herbe avec hargne. Nous de notre côté allumons notre feu qui répond aux derniers rougeoiements des montagnes à l’ouest. Bientôt la croix du Sud apparaît, la fraîcheur de la nuit se mêle à la chaleur de la terre pour faire naître une douce quiétude que l’on reconnaîtra avec gourmandise comme l’instant after height, hommage au fameux chocolat.
Lundi 22 avril.
Nous partons ce matin pour le Zebra River Lodge, au beau milieu des monts Tsaris.
GoogleEarth me l’avait déjà suggéré lors de mes recherches en France, mais c’est la confirmation, nous sommes vraiment au milieu de rien, même au regard des espaces que nous avons traversés au paravant. Nous saluons sur la route un berger qui accompagne ses chèvres, doublons un marcheur solitaire qui nous gratifie d’un sourire étincelant, et puis rien d’autre. L’état de la piste s’empire avec les kilomètres, partis à 60km/h, nous ne sommes à mi-chemin plus qu’à 30km/h, les derniers sont négociés à moins de 10.
Cette approche difficile est rendue d’autant plus inquiétante par l’austérité du paysage, si ce n’est sa sévérité : tout autour de nous des collinettes noires, tout justes jaunies de touffes de buissons secs. Et puis le chemin plonge (parce qu’on ne peut plus vraiment parler de piste), et l’on suit un enchevêtrement de larges canyons qui nous conduit dans ce qui doit être le lit principal. Si nous itinéraire ressemble de plus en plus à celui du Camel Trophee, traversant des gués encombrés de troncs entremêlés, des ornières qui tiennent de l’effondrement, finalement la végétation reprend ses droits, nous nous glissons sous le couvert d’arbustes jaunis pour déboucher droit sur l’extrémité d’une piste d’atterrissage ! En fait c’est ni plus ni moins une piste mieux tracée que la notre, et rythmée de manches à air. Au bout de celle-ci nous attend le Lodge, constitué d’un ensemble de maisons bâties de pierres de schiste tirées de la montagne, encastrées à même la falaise, et surplombant un jardin mi rafraichissant mi sauvage, mêlant pelouse anglo-saxonnes et amas de pierres négligemment amoncelés. L’ensemble est miraculeusement accueillant, presque trop ! Aussitôt sortis de la voiture, un autochtone aux allures de guide (short, veste et caquette kaki, le dos droit et le regard franc) vient nous serrer la main, puis c’est le tour d’une petite gouvernante qui nous attend avec un plateau de jus d’orange frais. Finalement ce sont les maîtres des lieux qui nous accordent la bienvenue finale agrémentée d’une franche poignée de main. Des bagagistes nous débarrassent de nos sacs et les montent jusqu’à notre maison, accrochée à un ressaut de falaise pourpre. Notre maison à deux étages (le premier pour les parents, le RdC pour nous) est construite en plaques schisteuses directement ramassées au sol. Des branches noueuses font office de garde corps pour la terrasse, la maison semble vraiment être une excroissance naturelle de la falaise. Les chambres quant à elles seraient plutôt des émanations de nos rêves. Je parlerai donc de la site des parents, dans laquelle on rentre par une terrasse en bois, meublée d’une table basse et de deux chaises longues invitant à la contemplation du canyon en contrebas et des montagnes en face. C’est d’ailleurs ainsi que j’ai pu dans mes jumelles suivre l’évolution d’un groupe de zèbres des montagnes astucieusement camouflée par leur robe blanche noire et jaune (zèbre des steppes). Poussant la porte vitrée, on entre dans la chambre proprement dite, divisée en trois volumes emboîtés les uns dans les autres : d’abord un coin salon, puis la chambre au fond de laquelle trône l’immense lit couronné d’une moustiquaire aérienne, à gauche un coin toilette avec les tuyaux en cuivre ouvragés participant à la décoration. Le sol est en parquet de bois clair, les murs en moellons de pierre sont mis en valeur par des œuvres où le bois représente la matière principale et noble. Les fenêtres s’ouvrent de tout côté sur un espace immense, extratemporel et lumineux. Et sur la piscine qui, carré bleu encadré de pelouse verte au milieu de l’espace figé minéral, sous un ciel dur comme du fer, semble ouvrir une porte sur une autre dimension.
Nous partons ce matin pour le Zebra River Lodge, au beau milieu des monts Tsaris.
GoogleEarth me l’avait déjà suggéré lors de mes recherches en France, mais c’est la confirmation, nous sommes vraiment au milieu de rien, même au regard des espaces que nous avons traversés au paravant. Nous saluons sur la route un berger qui accompagne ses chèvres, doublons un marcheur solitaire qui nous gratifie d’un sourire étincelant, et puis rien d’autre. L’état de la piste s’empire avec les kilomètres, partis à 60km/h, nous ne sommes à mi-chemin plus qu’à 30km/h, les derniers sont négociés à moins de 10.
Cette approche difficile est rendue d’autant plus inquiétante par l’austérité du paysage, si ce n’est sa sévérité : tout autour de nous des collinettes noires, tout justes jaunies de touffes de buissons secs. Et puis le chemin plonge (parce qu’on ne peut plus vraiment parler de piste), et l’on suit un enchevêtrement de larges canyons qui nous conduit dans ce qui doit être le lit principal. Si nous itinéraire ressemble de plus en plus à celui du Camel Trophee, traversant des gués encombrés de troncs entremêlés, des ornières qui tiennent de l’effondrement, finalement la végétation reprend ses droits, nous nous glissons sous le couvert d’arbustes jaunis pour déboucher droit sur l’extrémité d’une piste d’atterrissage ! En fait c’est ni plus ni moins une piste mieux tracée que la notre, et rythmée de manches à air. Au bout de celle-ci nous attend le Lodge, constitué d’un ensemble de maisons bâties de pierres de schiste tirées de la montagne, encastrées à même la falaise, et surplombant un jardin mi rafraichissant mi sauvage, mêlant pelouse anglo-saxonnes et amas de pierres négligemment amoncelés. L’ensemble est miraculeusement accueillant, presque trop ! Aussitôt sortis de la voiture, un autochtone aux allures de guide (short, veste et caquette kaki, le dos droit et le regard franc) vient nous serrer la main, puis c’est le tour d’une petite gouvernante qui nous attend avec un plateau de jus d’orange frais. Finalement ce sont les maîtres des lieux qui nous accordent la bienvenue finale agrémentée d’une franche poignée de main. Des bagagistes nous débarrassent de nos sacs et les montent jusqu’à notre maison, accrochée à un ressaut de falaise pourpre. Notre maison à deux étages (le premier pour les parents, le RdC pour nous) est construite en plaques schisteuses directement ramassées au sol. Des branches noueuses font office de garde corps pour la terrasse, la maison semble vraiment être une excroissance naturelle de la falaise. Les chambres quant à elles seraient plutôt des émanations de nos rêves. Je parlerai donc de la site des parents, dans laquelle on rentre par une terrasse en bois, meublée d’une table basse et de deux chaises longues invitant à la contemplation du canyon en contrebas et des montagnes en face. C’est d’ailleurs ainsi que j’ai pu dans mes jumelles suivre l’évolution d’un groupe de zèbres des montagnes astucieusement camouflée par leur robe blanche noire et jaune (zèbre des steppes). Poussant la porte vitrée, on entre dans la chambre proprement dite, divisée en trois volumes emboîtés les uns dans les autres : d’abord un coin salon, puis la chambre au fond de laquelle trône l’immense lit couronné d’une moustiquaire aérienne, à gauche un coin toilette avec les tuyaux en cuivre ouvragés participant à la décoration. Le sol est en parquet de bois clair, les murs en moellons de pierre sont mis en valeur par des œuvres où le bois représente la matière principale et noble. Les fenêtres s’ouvrent de tout côté sur un espace immense, extratemporel et lumineux. Et sur la piscine qui, carré bleu encadré de pelouse verte au milieu de l’espace figé minéral, sous un ciel dur comme du fer, semble ouvrir une porte sur une autre dimension.
Comme à Sesriem, nous sommes étonnés par le froid de l’eau, et ce n’est pas seulement la conséquence de la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur. Les nuits sont très froides sous la voûte céleste immense, et puis l’eau est directement pompée du sol, ici même sous nos pieds, par l’éolienne en fer qui grince à quelques pas. Les quelques longueurs que nous faisons sont une expérience absolue, le corps gelé par une eau à 12°C tout droit sortie des entrailles de la terre, la tête embrasée par un soleil rageur qui darde sans merci dans un air vibrant de chaleur.
Profiter du temps figé est une chose, mais comprendre notre situation géographique est une obligation intellectuelle que nous ne pourrons remplir en restant immobile sur la pelouse. Ainsi donc, aussitôt secs, ce qui n’est pas long, nous partons par les sentiers, espérant trouver un point de vue sur la région qui nous entoure.
Normalement le chef guide du lodge aurait du nous conseiller, voire nous guider dans notre « périlleuse » aventure, car le propriétaire est très inquiet de nous voir partir seuls à quelques heures du crépuscule, mais le spécialiste est introuvable. Nous choisissons le sentier qui part derrière notre maison, suit une rangée de piquets qui part rectiligne à travers la montagne, escaladons les petits ressauts successifs qui forment le relief de ces montagnes schisteuses, croisons les hôtes de ces espaces, c'est-à-dire des sortes de petites marmottes, des biches effarouchées au corps à peine plus gros que celui de petits chats, évitons sans difficultés les épines des rares acacias obèses aux troncs si gras au regard de leur feuillage maladif, que l’on dirait de mini baobabs. En débouchant en haut du canyon, nous trouvons un sentier siglé de jaune, mais comme le temps passe et que le soleil baisse, nous décidons finalement de couper tout droit à travers la montagne, vers le plus haut si possible. C’est ainsi que nous nous hissons finalement au sommet de la colline la plus haute du coin. Le paysage est saisissant, infini : un labyrinthe de canyons à perte de vue, pas vraiment abrupts, plutôt comme un affaissement généralisé, comme lorsque l’eau passe dans le sable, et l’impression générale est de contempler le réseau veineux, comme si nous étions dans la main d’un géant.
Rare en végétation, les collines grises sont garnies de touffes jaunes qui suffisent à cacher et à nourrir tout un écosystème, et le fond des canyons conduit des rivières, plus souterraines qu’aériennes, qui permettent le développement d’enchevêtrements de buissons d’où percent de ci de là, des arbres dominateurs. Et dans ces sous bois, une faune aussi impressionnante que secrète vient se désaltérer.
Profiter du temps figé est une chose, mais comprendre notre situation géographique est une obligation intellectuelle que nous ne pourrons remplir en restant immobile sur la pelouse. Ainsi donc, aussitôt secs, ce qui n’est pas long, nous partons par les sentiers, espérant trouver un point de vue sur la région qui nous entoure.
Normalement le chef guide du lodge aurait du nous conseiller, voire nous guider dans notre « périlleuse » aventure, car le propriétaire est très inquiet de nous voir partir seuls à quelques heures du crépuscule, mais le spécialiste est introuvable. Nous choisissons le sentier qui part derrière notre maison, suit une rangée de piquets qui part rectiligne à travers la montagne, escaladons les petits ressauts successifs qui forment le relief de ces montagnes schisteuses, croisons les hôtes de ces espaces, c'est-à-dire des sortes de petites marmottes, des biches effarouchées au corps à peine plus gros que celui de petits chats, évitons sans difficultés les épines des rares acacias obèses aux troncs si gras au regard de leur feuillage maladif, que l’on dirait de mini baobabs. En débouchant en haut du canyon, nous trouvons un sentier siglé de jaune, mais comme le temps passe et que le soleil baisse, nous décidons finalement de couper tout droit à travers la montagne, vers le plus haut si possible. C’est ainsi que nous nous hissons finalement au sommet de la colline la plus haute du coin. Le paysage est saisissant, infini : un labyrinthe de canyons à perte de vue, pas vraiment abrupts, plutôt comme un affaissement généralisé, comme lorsque l’eau passe dans le sable, et l’impression générale est de contempler le réseau veineux, comme si nous étions dans la main d’un géant.
Rare en végétation, les collines grises sont garnies de touffes jaunes qui suffisent à cacher et à nourrir tout un écosystème, et le fond des canyons conduit des rivières, plus souterraines qu’aériennes, qui permettent le développement d’enchevêtrements de buissons d’où percent de ci de là, des arbres dominateurs. Et dans ces sous bois, une faune aussi impressionnante que secrète vient se désaltérer.
C’est à ce spectacle que nous aurons le privilège d’assister ce soir, au cours de notre repas. Préalablement mis de bonne humeur par la présence du WIFI dans le Lodge, ce qui nous permet de consulter nos mails et de donner de nos nouvelles pour la première fois depuis notre arrivée en Namibie, nous sommes mis en confiance par l’hôte qui nous prend sous son aile pour nous faire découvrir la voûte étoilée, les constellations, la croix du Sud. Finalement c’est l’émerveillement lorsqu’il nous met dans les mains une paire de jumelles pour fixer un point lumineux à peine perceptible dans l’opacité dense qui se heurte à la balustrade de la terrasse sur laquelle nous dînons.
Dans le cercle des binoculaires, un ballet ralenti, monochrome, un rêve : des bêtes musculeuses, puissantes, sont regroupées, lapent une eau que nous ne voyons pas. Inquiètes, elles lèvent la tête fréquemment et font tourner leurs longues oreilles sur l’horizon comme nous nos jumelles. Leurs cornes torsadées se dressent belliqueuses vers la nuit qui les entoure. Ce sont des koudous, ils rentrent et sortent de la nuit au rythme de leur soif étanchée, et nous félicitons chaleureusement notre hôte d’avoir installé cet éclairage au bord du point d’eau et de nous avoir offert ce spectacle extatique. Maintenant nous pouvons commencer le repas, succulent, dont la viande tendre et savoureuse, est du koudou ! Le vin qui accompagne le repas est aussi une vraie réussite, aromatique, fort mais pas trop charpenté, la douceur énigmatique de cette nuit nous aide à mieux apprécier chacune de ses fragrances.
Dans le cercle des binoculaires, un ballet ralenti, monochrome, un rêve : des bêtes musculeuses, puissantes, sont regroupées, lapent une eau que nous ne voyons pas. Inquiètes, elles lèvent la tête fréquemment et font tourner leurs longues oreilles sur l’horizon comme nous nos jumelles. Leurs cornes torsadées se dressent belliqueuses vers la nuit qui les entoure. Ce sont des koudous, ils rentrent et sortent de la nuit au rythme de leur soif étanchée, et nous félicitons chaleureusement notre hôte d’avoir installé cet éclairage au bord du point d’eau et de nous avoir offert ce spectacle extatique. Maintenant nous pouvons commencer le repas, succulent, dont la viande tendre et savoureuse, est du koudou ! Le vin qui accompagne le repas est aussi une vraie réussite, aromatique, fort mais pas trop charpenté, la douceur énigmatique de cette nuit nous aide à mieux apprécier chacune de ses fragrances.
MARDI 23 AVRIL : A la recherche des sources du Styx
Retour vers la côte. Nous étions au beau milieu des collines Tsaris, nous allons à nouveau droit vers l’ouest, traversant des zones au relief accentué, puis la grande plaine, et finalement la fine bordure de désert pour rejoindre l’océan froid. Cette fois-ci notre trajet flirte avec le tropique du Capricorne que nous couperons avec excitation en un lieu suffisamment aride, enflammé et rouge, sous un ciel suffisamment bleu d’acier, pour mériter ce titre de frontière des hémisphères.
La zone de relief est une zone incertaine, une sorte de rempart minéral avant d’atteindre le glacis de la grande plaine. Ce rempart, comme l’exige la loi des retranchements, est constitué de proéminences et de fossés consécutifs, rendus psychologiquement infranchissables par leur aspect ravagé. Il semble qu’à cet endroit un souffle fantastique, enflammé, a embrasé le sol, si chaud qu’il a rétracté la terre, fendu jusqu’au squelette la croute terrestre. Notre voiture monte et descend sur une roche noire, acérée, comme entre les côtes d’une charogne calcinée.
Au terme d’une dernière ascension c’est la grande plaine, avec comme de bien sûr, sa ville frontière : Solitaire, 96 habitants, c’est la pancarte qui le dit. Solitaire c’est surtout une station service qui fait épicerie, ainsi qu’une boulangerie tenue par un colosse à catogan aux jambes épaisses comme des piliers de cathédrale, enturbannés de bandes visant à les prévenir de l’explosion. Pour le reste, un Lodge avec vue sur la plaine jaune et ses mirages, trois ou quatre buissons à aiguilles, des vieilles voitures rouillées offertes aux vents de sable pour délimiter la localité. Les voisins viennent en quad d’au-delà de l’horizon, ouvrant leur clôture au bord de la piste comme chez nous un portillon au bord de la rue, tapent un bout de discute à l’ombre de l’épicerie, et s’en retournent vers le néant, dans un nuage de poussière.
Retour vers la côte. Nous étions au beau milieu des collines Tsaris, nous allons à nouveau droit vers l’ouest, traversant des zones au relief accentué, puis la grande plaine, et finalement la fine bordure de désert pour rejoindre l’océan froid. Cette fois-ci notre trajet flirte avec le tropique du Capricorne que nous couperons avec excitation en un lieu suffisamment aride, enflammé et rouge, sous un ciel suffisamment bleu d’acier, pour mériter ce titre de frontière des hémisphères.
La zone de relief est une zone incertaine, une sorte de rempart minéral avant d’atteindre le glacis de la grande plaine. Ce rempart, comme l’exige la loi des retranchements, est constitué de proéminences et de fossés consécutifs, rendus psychologiquement infranchissables par leur aspect ravagé. Il semble qu’à cet endroit un souffle fantastique, enflammé, a embrasé le sol, si chaud qu’il a rétracté la terre, fendu jusqu’au squelette la croute terrestre. Notre voiture monte et descend sur une roche noire, acérée, comme entre les côtes d’une charogne calcinée.
Au terme d’une dernière ascension c’est la grande plaine, avec comme de bien sûr, sa ville frontière : Solitaire, 96 habitants, c’est la pancarte qui le dit. Solitaire c’est surtout une station service qui fait épicerie, ainsi qu’une boulangerie tenue par un colosse à catogan aux jambes épaisses comme des piliers de cathédrale, enturbannés de bandes visant à les prévenir de l’explosion. Pour le reste, un Lodge avec vue sur la plaine jaune et ses mirages, trois ou quatre buissons à aiguilles, des vieilles voitures rouillées offertes aux vents de sable pour délimiter la localité. Les voisins viennent en quad d’au-delà de l’horizon, ouvrant leur clôture au bord de la piste comme chez nous un portillon au bord de la rue, tapent un bout de discute à l’ombre de l’épicerie, et s’en retournent vers le néant, dans un nuage de poussière.
Nous continuons plus à l’ouest, la plaine devient plus hostile, le sable devient gris, tout devient gris. Une ligne à haute tension freluquette accompagne notre avancée, tout est mort, inerte, un décor à La route de Cormac McCarthy. Pourtant cette ligne à haute tension conduit forcément quelque part ; en l’occurrence à Walvis Bay, la San Francisco de l’Afrique du Sud, de l’avis même des locaux. En tout cas, Walvis Bay a été la dernière ville rétrocédée par l’Afrique du Sud à la Namibie en 1994, et elle reste pour les anciens colons un lieu de villégiature privilégié. Des villas d’architecte en bord de mer, derrière des pelouses impeccables, succèdent à des conserveries et des poissonneries industrielles. Un port en eaux profondes (le seul du pays), et en périphérie des townships. Le tout sur un impeccable réseau en damier, aucun bâtiment ne dépasse un étage. Aucun caractère quoi, une vraie ville de jeu vidéo ! A 65km plus au nord en longeant la cote, Swakopmund ; le même réseau en damier, les mêmes dunes de sable en arrière plan, les mêmes townships proprets en périphérie (ça n’a rien à voir avec un bidonville, les constructions les plus récentes sont peut être légères, mais le tout est organisé, propre, dispose de l’éclairage public, de rues bitumées pour les quartiers les moins récents, les maisons sont peintes en couleurs vives, autant dire que ça ne respire pas le désespoir), autour desquels les zones pavillonnaires des nouvelles classes moyennes poussent comme du lichen dans les sous bois. Mais la ville a un je ne sais quoi en plus qui lui vaudra que nous l’appelions la Miami de l’Afrique Australe, par opposition avec sa voisine. Sont-ce les mamies permanentées qui se pavanent dans les 4x4, les bords de mer impeccables où les jeunes font du skateboard, les magasins de sport, les anciennes façades germaniques aux vives couleurs dominées par un auguste phare rouge et blanc dressé au milieu des palmiers, toujours est-il qu’il se dégage quelque chose de cette ville. Normalement le climat y est doux, le brouillard venant de la mer tempérant le souffle chaud descendant du désert, mais aujourd’hui exception climatique, grand soleil, nous n’avons droit qu’au souffle chaud du désert !
Et c’est à Swakopmund que s’arrêt la civilisation. S’il arrive comme aujourd’hui, que la brume se lève pour laisser admirer ce lieu d’estivance, plus au nord la brume ne se lève jamais, et le désert ne laisse aucun répit, il se jette directement dans la mer. La pluie ne tombe pas, et si la brume fait espérer la pluie, l’eau n’existe jamais que salée, si bien que les seules traces de vies sont celles de ceux qui y sont morts, c’est la skeleton coast.
Mais avant de nous aventurer là bas et peut être de nous y perdre, profitons du désert autant que possible, et de rattraper le temps perdu de cette saison de ski tronquée pour cause de voyage en Namibie : nous allons tenter le frisson du Sandboard.
Départ à 09h30 de l’auberge de jeunesse où nous avons trouvé refuge, à deux pas des rouleaux de la plage. Nous embarquons dans un van Volkswagen qui ne tarde pas à quitter les routes goudronnées auxquelles nous nous étions déjà presque réhabitués, et à avaler le sable des dunes qui se dressent derrière la ville. Dans un style tout en glissade, nous atteignons la base de la plus haute. Et nous voici tout un groupe, une quinzaine, dont un cheptel de norvégiennes et de suédoises bien girondes. Parmi ces quinze, quatre seulement ont déjà fait du ski, et nous en représentons la moitié. En boots de Snow (les chaussures de snowboard sont normalement conçues pour tenir chaud), nous commençons l’ascension de la dune, planche de snow à la main. Dire qu’il fait chaud alors, est un non sens ; nous sommes dans l’acte de foi et la souffrance ne compte plus, mais quelle récompense de se retrouver là haut, de boire une lampée d’eau bouillante et de profiter du paysage, d’un côté le désert blanc à perte de vue, de l’autre quelques rangées de dunes et les déferlantes de l’Atlantique ; le soleil attaque notre casque de protection en plastique noir, mais ne parvient pas à le faire fondre, notre détermination à rider cette dune est donc plus forte que celle du soleil !
Mais d’abord le cérémonial : plonger la main dans un pot de wax (cire en anglais), en beurrer la semelle de la planche, puis en nettoyer les excédents en la frottant avec du sable. Lorsque la semelle est bien glissante, que nul grain de sable ne peut s’attacher à la surface lisse, c’est le moment de se lancer face à la surface nue, lisse, brillante de la dune. Moment d’appréhension, d’autant que la pente est raide (45°), et que une fois debout, ça ne glisse pas ! Il faut donner un bon coup de reins, se jeter dans la pente, pour que la glissade commence. La « neige » est un peu collante, mais ça passe bien, tout en douceur, les courbes sont fluides, je laisse ma main glisser dans la neige tout en tentant de carver mais « Aïe, c’est chaud et ça brûle », et puis la care s’enfonce trop, me ralentit, et c’est la chute, Dieux que c’est dur, mon coccyx, impossible de se relever ! Il le faut pourtant car à la prochaine descente j’essaierai le tremplin !
Nous nous en sortons finalement avec les honneurs. En tant qu’unique authentique rideuse du sous-continent, une haie d’honneur est faite à Céline lorsqu’elle s’élance vers le tremplin, des hurlements de délire l’accompagnent lorsqu’elle s’élève et vole, chacun retient son souffle tandis qu’elle grabe et disparaît dans l' immense gerbe de sable soulevée par sa réception, et puis tout le monde soupire de douleur, retient un gémissement de souffrance en voyant les contorsions de Céline boulant désarticulée dans la pente.
Une fois chacun de nos os bien rompu, nous tentons les glissades sur le ventre, les mains agrippées à une fine planche de contre plaqué elle aussi badigeonnée de cire. Une pente raide, un ressaut dont la réception projette le casque devant les yeux et du sable dans la bouche, et c’est le record de la journée, 70km/h, quel bonheur !
Tous ces exploits accomplis, le staff nous invite à une dernière descente qui se termine devant une glacière remplie de sodas et de bières glacées ! Nous en avions oubliés notre soif et la chaleur, la peau de notre visage brûlée, nos lèvres gercées, notre gorge tuméfiée, mais recouvertes de glaçons, givrées, luisantes de froid au milieu du désert enflammé, les boissons découvertes par l’ouverture de la précieuse malle nous font l’effet de l’ouverture d’un trésor inestimable, d’une caisse chargée d’or !
Bref c’est un banquet au pied des dunes. La fête est à son comble lorsqu’apparaît un petit avion à hélice, au ras des crêtes, trop bas. Son phare nous éblouit, il nous fonce dessus ! Et dans un vrombissement du tonnerre il nous survole, à nous toucher presque, enivrant nos oreilles de son, saturant nos sens de sensations !
Il file vers le nord, bat des ailes, comme pour nous inviter à suivre son chemin! Swakopmund était une oasis sur la route des enfers, une sorte de piège à miel fait pour attraper les audacieux qui voudraient aller trop loin, et seraient déjà arrivés si loin. Nous nous arrachons donc aux sirènes des sports extrêmes et de la vie facile, claquons les portières et nous engouffrons sur la piste dorée de sable et de sel de la skeleton coast.
Mais avant de nous aventurer là bas et peut être de nous y perdre, profitons du désert autant que possible, et de rattraper le temps perdu de cette saison de ski tronquée pour cause de voyage en Namibie : nous allons tenter le frisson du Sandboard.
Départ à 09h30 de l’auberge de jeunesse où nous avons trouvé refuge, à deux pas des rouleaux de la plage. Nous embarquons dans un van Volkswagen qui ne tarde pas à quitter les routes goudronnées auxquelles nous nous étions déjà presque réhabitués, et à avaler le sable des dunes qui se dressent derrière la ville. Dans un style tout en glissade, nous atteignons la base de la plus haute. Et nous voici tout un groupe, une quinzaine, dont un cheptel de norvégiennes et de suédoises bien girondes. Parmi ces quinze, quatre seulement ont déjà fait du ski, et nous en représentons la moitié. En boots de Snow (les chaussures de snowboard sont normalement conçues pour tenir chaud), nous commençons l’ascension de la dune, planche de snow à la main. Dire qu’il fait chaud alors, est un non sens ; nous sommes dans l’acte de foi et la souffrance ne compte plus, mais quelle récompense de se retrouver là haut, de boire une lampée d’eau bouillante et de profiter du paysage, d’un côté le désert blanc à perte de vue, de l’autre quelques rangées de dunes et les déferlantes de l’Atlantique ; le soleil attaque notre casque de protection en plastique noir, mais ne parvient pas à le faire fondre, notre détermination à rider cette dune est donc plus forte que celle du soleil !
Mais d’abord le cérémonial : plonger la main dans un pot de wax (cire en anglais), en beurrer la semelle de la planche, puis en nettoyer les excédents en la frottant avec du sable. Lorsque la semelle est bien glissante, que nul grain de sable ne peut s’attacher à la surface lisse, c’est le moment de se lancer face à la surface nue, lisse, brillante de la dune. Moment d’appréhension, d’autant que la pente est raide (45°), et que une fois debout, ça ne glisse pas ! Il faut donner un bon coup de reins, se jeter dans la pente, pour que la glissade commence. La « neige » est un peu collante, mais ça passe bien, tout en douceur, les courbes sont fluides, je laisse ma main glisser dans la neige tout en tentant de carver mais « Aïe, c’est chaud et ça brûle », et puis la care s’enfonce trop, me ralentit, et c’est la chute, Dieux que c’est dur, mon coccyx, impossible de se relever ! Il le faut pourtant car à la prochaine descente j’essaierai le tremplin !
Nous nous en sortons finalement avec les honneurs. En tant qu’unique authentique rideuse du sous-continent, une haie d’honneur est faite à Céline lorsqu’elle s’élance vers le tremplin, des hurlements de délire l’accompagnent lorsqu’elle s’élève et vole, chacun retient son souffle tandis qu’elle grabe et disparaît dans l' immense gerbe de sable soulevée par sa réception, et puis tout le monde soupire de douleur, retient un gémissement de souffrance en voyant les contorsions de Céline boulant désarticulée dans la pente.
Une fois chacun de nos os bien rompu, nous tentons les glissades sur le ventre, les mains agrippées à une fine planche de contre plaqué elle aussi badigeonnée de cire. Une pente raide, un ressaut dont la réception projette le casque devant les yeux et du sable dans la bouche, et c’est le record de la journée, 70km/h, quel bonheur !
Tous ces exploits accomplis, le staff nous invite à une dernière descente qui se termine devant une glacière remplie de sodas et de bières glacées ! Nous en avions oubliés notre soif et la chaleur, la peau de notre visage brûlée, nos lèvres gercées, notre gorge tuméfiée, mais recouvertes de glaçons, givrées, luisantes de froid au milieu du désert enflammé, les boissons découvertes par l’ouverture de la précieuse malle nous font l’effet de l’ouverture d’un trésor inestimable, d’une caisse chargée d’or !
Bref c’est un banquet au pied des dunes. La fête est à son comble lorsqu’apparaît un petit avion à hélice, au ras des crêtes, trop bas. Son phare nous éblouit, il nous fonce dessus ! Et dans un vrombissement du tonnerre il nous survole, à nous toucher presque, enivrant nos oreilles de son, saturant nos sens de sensations !
Il file vers le nord, bat des ailes, comme pour nous inviter à suivre son chemin! Swakopmund était une oasis sur la route des enfers, une sorte de piège à miel fait pour attraper les audacieux qui voudraient aller trop loin, et seraient déjà arrivés si loin. Nous nous arrachons donc aux sirènes des sports extrêmes et de la vie facile, claquons les portières et nous engouffrons sur la piste dorée de sable et de sel de la skeleton coast.
Franchir les portes de la Skeleton Coast, c’est obtenir la certitude d’avoir trouvé la porte de l’enfer, ou du moins son antichambre, le Styx n’est pas loin…
Un colosse noir, épais, l’œil jaune sous ses paupières lourdes, se lève en grognant de son bureau abrité par une cabane de tôle au bord de la route. Sa cabane est la seule trace de vie humaine et non humaine depuis le lieu dit mile 108 et son panneau, 40 km auparavant. Il descend dolemment son escalier de bois jusqu’au portail qui barre la route, seul passage possible dans la barrière qui coupe l’horizon, comme pour augmenter la dramaturgie de son geste à venir. Et il ouvre un vantail de son portail dont les deux battants sont frappés chacun d’une tête de mort en fer forgé peint en blanc.
Au pas nous traversons le passage ménagé, juste assez large pour nous, détaillante les immenses vertèbres de cétacés qui s’amoncellent à cet endroit.
Devant nous le fleuve Ugab, serait-il le Styx ? Et plus loin la Skeleton Coast…
Un colosse noir, épais, l’œil jaune sous ses paupières lourdes, se lève en grognant de son bureau abrité par une cabane de tôle au bord de la route. Sa cabane est la seule trace de vie humaine et non humaine depuis le lieu dit mile 108 et son panneau, 40 km auparavant. Il descend dolemment son escalier de bois jusqu’au portail qui barre la route, seul passage possible dans la barrière qui coupe l’horizon, comme pour augmenter la dramaturgie de son geste à venir. Et il ouvre un vantail de son portail dont les deux battants sont frappés chacun d’une tête de mort en fer forgé peint en blanc.
Au pas nous traversons le passage ménagé, juste assez large pour nous, détaillante les immenses vertèbres de cétacés qui s’amoncellent à cet endroit.
Devant nous le fleuve Ugab, serait-il le Styx ? Et plus loin la Skeleton Coast…
Le mot est à peine prononcé que le brouillard se referme sur nous, comme les limbes sur l’ultime voyageur. Le paysage autour de la route se répète à l’infini, blanc de sel, jaune de sable, il disparaît à gauche et à droite, s’imprime sur les yeux comme un film, répétitif et ininterrompu, confinant à l’hypnose. Aussi avoir eu conscience de nous être endormis ou d’avoir traversé un quelconque frontière, nous apercevons nous petit à petit que la symétrie autour de nous a changé : il semble maintenant que qu’à l’ouest nous apercevons l’eau, l’océan, mais de façon confuse, l’écume des rouleaux se confondant avec l’ouate des bancs de brume. A l’est il nous semble aussi apercevoir l’eau, l’eau miroir du ciel, une surface cristalline et fixe, figée et floue, sorte de zone tampon entre ciel et terre.
Puisque la route semble infinie et rectiligne, nous allons vérifier ce que cache la brume sur les côtés. Cap à l’ouest ! Le sable crouteux semble bien supporter le poids de la voiture, l’épaisse couche de sel se laisse à peine marquer par l’empreinte de nos pas. En revanche la mer qui semblait si proche ne se laisse pas amadouer si facilement. N’est-ce pas le bruit du ressac que l’on entend par là ? Alors suivons cette direction. Mais soudain nous sommes projetés de droite et de gauche, en glissade, jusqu’à l’arrêt. La voiture s’est ensablée malgré papa qui, à pied, testait le sable devant nous. Poussons délicatement la voiture jusqu’à une aire plane, dure, profitant du fait que Céline a eu le bon goût de ne pas trop faire patiner les roues, et nous abandonnons là le véhicule
Maintenant toues les perspectives sont faussées, on entend nettement le grondement de l’océan, mais il est toujours invisible. Seule une énorme vertèbre de baleine offre un repère visuel sur la surface crouteuse du sable. Des mouettes aussi, mais elles paraissent énormes et toutes proches, quand il nous faut plusieurs minutes pour arriver à leur niveau et les effaroucher. Leur essor nous permet d’observer que ces oiseaux ont tout d’oiseaux de mauvaise augure, noires ailes noires nouvelles, puisque la moitié de leur corps est recouvert de plumes noires comme le jais. Moitié corbeaux moitié mouettes, ce ne sont pas les mouettes rieuses de nos rivages, mais des charognards que nous avons tirés de leurs funestes repas; car la plage est enfin là. Ce n’est pas une plage d’ouverture sur de grands espaces, ce n’est pas la grève d’une mer vivante qui attire le navigateur et l’homme libre. Cette mer semble boudée des dieux, même morte, et l’eau grise qui s’abat sur la grève brumeuse et morne sonne d’une note grave. On ne voit pas à 10m, mais l’odeur est intense, aussi épaisse que le brouillard, et elle n’est pas que d’iode, elle apporte aussi des effluves douçâtres et écœurantes, des effluves de mort… Un regard à nos pieds nous rejette en arrière ! Nous avons failli piétiner le cadavre d’une otarie, gonflée comme une outre, la chaire violacée et à vif , mise à jour par les becs effilés des mouettes . En fait maintenant que nos yeux se sont habitués à la lumière blanche et diffuse exhalée par le voile de brume, nous nous apercevons que la plage est jonchée de tâches noires, autant de cadavres d’otaries ! C’est un véritable cimetière. L’odeur est étouffante. Au delà des ces monticules sombres, nous apercevons une sorte de relief à notre droite, vers le nord, quelque chose de pas naturel, ni animal, ni végétal. Nous nous dirigeons vers cette pointe après avoir pris soin de laisser des traces dans le sable pour nous rappeler d’où nous venons, car ça fait longtemps que la voiture a été engloutie dans les nuées sans ne nous laisser aucun autre point de repère. Après une centaine de mètres pesants dans le sable friable, nous sommes enfin aux côtés de cette particularité qui déchire le morne horizon. C’est une trace de vie, mais c’est un objet mort. Cest, rouillé jusqu’à l’extrême, un guindeau encore accroché à un bout de proue, avec quelques engrenages arrondis par les couches de rouille. Un vestige de câble électrique est le seul élément ayant gardé une forme tangible et même des couleurs. Le tout est fiché dans le sable, plané là pour l’éternité. Plus loin, ce qui reste d’une chaudière se drape d’un habit de chaleur et d’or lorsqu’un rayon de soleil moins faible que les autres vient à traverser la brume et caresser sa vieille carcasse rouillée. Quelques secondes plus tard, le ciel s’est refermé, et la cuve n’est plus qu’un cadavre parmi les autres, une ombre dans la brume, le souvenir d’une mécanique arrivée jusqu’ici et destinée à disparaître.
Puisque la route semble infinie et rectiligne, nous allons vérifier ce que cache la brume sur les côtés. Cap à l’ouest ! Le sable crouteux semble bien supporter le poids de la voiture, l’épaisse couche de sel se laisse à peine marquer par l’empreinte de nos pas. En revanche la mer qui semblait si proche ne se laisse pas amadouer si facilement. N’est-ce pas le bruit du ressac que l’on entend par là ? Alors suivons cette direction. Mais soudain nous sommes projetés de droite et de gauche, en glissade, jusqu’à l’arrêt. La voiture s’est ensablée malgré papa qui, à pied, testait le sable devant nous. Poussons délicatement la voiture jusqu’à une aire plane, dure, profitant du fait que Céline a eu le bon goût de ne pas trop faire patiner les roues, et nous abandonnons là le véhicule
Maintenant toues les perspectives sont faussées, on entend nettement le grondement de l’océan, mais il est toujours invisible. Seule une énorme vertèbre de baleine offre un repère visuel sur la surface crouteuse du sable. Des mouettes aussi, mais elles paraissent énormes et toutes proches, quand il nous faut plusieurs minutes pour arriver à leur niveau et les effaroucher. Leur essor nous permet d’observer que ces oiseaux ont tout d’oiseaux de mauvaise augure, noires ailes noires nouvelles, puisque la moitié de leur corps est recouvert de plumes noires comme le jais. Moitié corbeaux moitié mouettes, ce ne sont pas les mouettes rieuses de nos rivages, mais des charognards que nous avons tirés de leurs funestes repas; car la plage est enfin là. Ce n’est pas une plage d’ouverture sur de grands espaces, ce n’est pas la grève d’une mer vivante qui attire le navigateur et l’homme libre. Cette mer semble boudée des dieux, même morte, et l’eau grise qui s’abat sur la grève brumeuse et morne sonne d’une note grave. On ne voit pas à 10m, mais l’odeur est intense, aussi épaisse que le brouillard, et elle n’est pas que d’iode, elle apporte aussi des effluves douçâtres et écœurantes, des effluves de mort… Un regard à nos pieds nous rejette en arrière ! Nous avons failli piétiner le cadavre d’une otarie, gonflée comme une outre, la chaire violacée et à vif , mise à jour par les becs effilés des mouettes . En fait maintenant que nos yeux se sont habitués à la lumière blanche et diffuse exhalée par le voile de brume, nous nous apercevons que la plage est jonchée de tâches noires, autant de cadavres d’otaries ! C’est un véritable cimetière. L’odeur est étouffante. Au delà des ces monticules sombres, nous apercevons une sorte de relief à notre droite, vers le nord, quelque chose de pas naturel, ni animal, ni végétal. Nous nous dirigeons vers cette pointe après avoir pris soin de laisser des traces dans le sable pour nous rappeler d’où nous venons, car ça fait longtemps que la voiture a été engloutie dans les nuées sans ne nous laisser aucun autre point de repère. Après une centaine de mètres pesants dans le sable friable, nous sommes enfin aux côtés de cette particularité qui déchire le morne horizon. C’est une trace de vie, mais c’est un objet mort. Cest, rouillé jusqu’à l’extrême, un guindeau encore accroché à un bout de proue, avec quelques engrenages arrondis par les couches de rouille. Un vestige de câble électrique est le seul élément ayant gardé une forme tangible et même des couleurs. Le tout est fiché dans le sable, plané là pour l’éternité. Plus loin, ce qui reste d’une chaudière se drape d’un habit de chaleur et d’or lorsqu’un rayon de soleil moins faible que les autres vient à traverser la brume et caresser sa vieille carcasse rouillée. Quelques secondes plus tard, le ciel s’est refermé, et la cuve n’est plus qu’un cadavre parmi les autres, une ombre dans la brume, le souvenir d’une mécanique arrivée jusqu’ici et destinée à disparaître.
Revenons vers la voiture. Nos esprits alertés s’arrêtent alors sur une multitude de détails fichés dans la croûte salée : il n’y a pas que le sel qui craque sous nos pieds, mais aussi des coquilles, des coques, et des os ! Des crânes, des côtes, des pattes entières, bref des squelettes désassemblés, innombrables, fichés dans le sol et blanchis par l’air marin.
Fuyons, et partons plutôt à l’est, où le miroitement des eaux cristallines semblait plus accueillant. Saurons fuir ce tartare inhospitalier et pour rallier les Champs Elysées ? Cap à l'est donc, vers les sources de ce fameux fleuve Ugab.
Mais alors que nous nous rapprochons de la voiture, une silhouette sortie du brouillard s'approche de nous par la direction opposée. Qui est cet homme, d'où vient-il ? Où vit-il ? Nous faisons jonction à la voiture. C'est un noir, les cheveux courts qui bouclent en petites boules ocres. Il est habillé comme un skateur babacool. Son visage n'exprime rien. Il a une bouteille d'eau à la main. On se regarde avec Circonspection, quelle est cette âme damnée ? « Do you have water, something to eat ? » Qu'est ce que c'est que cet esprit perdu au milieu des volutes sulfuriques qui cherche un repas ? Vit-il une malédiction de fin et de soif jusqu'à la fin des temps ? Avons nous vraiment franchi les portes de l'enfer ? Allons-nous pouvoir rompre son enchantement ? Nous lui versons de l'eau dans sa bouteille , lui faisons don d'une boîte de corned beef, format militaire, et reprenons la route tandis qu'il disparaît de son côté dans la brume, dans de grands gestes d'adieux et de remerciements.
Fonçant sur la croûte jaune parsemée de cailloux rouges, droit ver l'est, la voiture quitte soudain le banc de brume et l'horizon s'offre tout entier à notre regard, nu, plat, aussi plat que le désert d'Atacama.
Sans la brume pour voiler la réalité, elle apparaît toute nue : le plan d'eau que nous avions observé est un mirage, reflet du ciel sur la terre, et que des souffles d'air chaud faisaient vibrer. Ainsi comme nous quittons la brume qui se referme derrière nous comme un rideau d'opéra, l'horizon devant nous disparaît aussi vite, avalé par un reflet bleu ; si bien que nul obstacle ne s'oppose à notre vue, nous sommes face au vide. Quoi qu'en plissant les paupières à la limite de la perception, une forme noire semble voler en apesanteur au dessus d'une ligne d'horizon supposée. Peut être est-ce par là bas que nous devons nous diriger ? A nouveau nous filons sur la plaine vide, le mirage succédant au mirage, le décor fixe, seule la jauge à essence bouge et descend. Et soudain, sans que nous puissions dire à quel moment l'évocation est devenue réalité, l'ombre noire suspendue au ciel est devenue montagne, et nous arrivons à son pied. Solitaire sur la plaine, elle est belle et bien noire comme le charbon. En s'approchant de plus près, il apparaît qu'elle est constituée de roches basaltiques, les hexagones dressés en escaliers chaotiques attestent que cette formation est le fruit des entrailles de la terre. Nous entamons l'escalade de la singularité, sûrs d'y trouver une réponse à nos questions. Où sommes nous ? Est-ce la bouche de enfers ? Arrivés au sommet, nous sommes en tout cas sûrs d'une chose : nous en sommes très proches, sans conteste, et nous sommes sur un des avant postes. Toutes les épreuves passées en sont le meilleur témoignage, nous avons passé la zone lagunaire du Léthée où errent les âmes perdues, nous avons vraisemblablement franchi le Styx en passant l'Ugab avec la bénédiction d'un Charon noir et massif arque bouté sur ses barrières à tête de mort, la dépression désertique inondée de souffles chauds et méphitiques ne pouvait être que l'Achéron, et ces orgues basaltiques sont les premiers plis d'un accès au monde sous terrain plus lointain : dressés sur la crête de l'éperon rocheux, nous apercevons au loin une ombre plus impressionnante encore que celle que nous chevauchons maintenant ; en apesanteur au dessus de l'horizon, c'est presque un noir continent que nous voyons flotter ! Est-ce le Brandberg, littéralement la montagne de feu , ancien gigantesque cratère volcanique de cent vingt millions d'années, ou bien est-ce le Messum creater, réputé comme le plus grand cratère de météorite émergé du monde ? Toujours est-il que l'un des ces deux phénomène géologiques se dresse devant nous, dans l'ombre qui nous observe, et doit donner l'accès au royaume d'Hadès ! Si nous continuions tout droit, nous trouverions forcément le passage !
Fuyons, et partons plutôt à l’est, où le miroitement des eaux cristallines semblait plus accueillant. Saurons fuir ce tartare inhospitalier et pour rallier les Champs Elysées ? Cap à l'est donc, vers les sources de ce fameux fleuve Ugab.
Mais alors que nous nous rapprochons de la voiture, une silhouette sortie du brouillard s'approche de nous par la direction opposée. Qui est cet homme, d'où vient-il ? Où vit-il ? Nous faisons jonction à la voiture. C'est un noir, les cheveux courts qui bouclent en petites boules ocres. Il est habillé comme un skateur babacool. Son visage n'exprime rien. Il a une bouteille d'eau à la main. On se regarde avec Circonspection, quelle est cette âme damnée ? « Do you have water, something to eat ? » Qu'est ce que c'est que cet esprit perdu au milieu des volutes sulfuriques qui cherche un repas ? Vit-il une malédiction de fin et de soif jusqu'à la fin des temps ? Avons nous vraiment franchi les portes de l'enfer ? Allons-nous pouvoir rompre son enchantement ? Nous lui versons de l'eau dans sa bouteille , lui faisons don d'une boîte de corned beef, format militaire, et reprenons la route tandis qu'il disparaît de son côté dans la brume, dans de grands gestes d'adieux et de remerciements.
Fonçant sur la croûte jaune parsemée de cailloux rouges, droit ver l'est, la voiture quitte soudain le banc de brume et l'horizon s'offre tout entier à notre regard, nu, plat, aussi plat que le désert d'Atacama.
Sans la brume pour voiler la réalité, elle apparaît toute nue : le plan d'eau que nous avions observé est un mirage, reflet du ciel sur la terre, et que des souffles d'air chaud faisaient vibrer. Ainsi comme nous quittons la brume qui se referme derrière nous comme un rideau d'opéra, l'horizon devant nous disparaît aussi vite, avalé par un reflet bleu ; si bien que nul obstacle ne s'oppose à notre vue, nous sommes face au vide. Quoi qu'en plissant les paupières à la limite de la perception, une forme noire semble voler en apesanteur au dessus d'une ligne d'horizon supposée. Peut être est-ce par là bas que nous devons nous diriger ? A nouveau nous filons sur la plaine vide, le mirage succédant au mirage, le décor fixe, seule la jauge à essence bouge et descend. Et soudain, sans que nous puissions dire à quel moment l'évocation est devenue réalité, l'ombre noire suspendue au ciel est devenue montagne, et nous arrivons à son pied. Solitaire sur la plaine, elle est belle et bien noire comme le charbon. En s'approchant de plus près, il apparaît qu'elle est constituée de roches basaltiques, les hexagones dressés en escaliers chaotiques attestent que cette formation est le fruit des entrailles de la terre. Nous entamons l'escalade de la singularité, sûrs d'y trouver une réponse à nos questions. Où sommes nous ? Est-ce la bouche de enfers ? Arrivés au sommet, nous sommes en tout cas sûrs d'une chose : nous en sommes très proches, sans conteste, et nous sommes sur un des avant postes. Toutes les épreuves passées en sont le meilleur témoignage, nous avons passé la zone lagunaire du Léthée où errent les âmes perdues, nous avons vraisemblablement franchi le Styx en passant l'Ugab avec la bénédiction d'un Charon noir et massif arque bouté sur ses barrières à tête de mort, la dépression désertique inondée de souffles chauds et méphitiques ne pouvait être que l'Achéron, et ces orgues basaltiques sont les premiers plis d'un accès au monde sous terrain plus lointain : dressés sur la crête de l'éperon rocheux, nous apercevons au loin une ombre plus impressionnante encore que celle que nous chevauchons maintenant ; en apesanteur au dessus de l'horizon, c'est presque un noir continent que nous voyons flotter ! Est-ce le Brandberg, littéralement la montagne de feu , ancien gigantesque cratère volcanique de cent vingt millions d'années, ou bien est-ce le Messum creater, réputé comme le plus grand cratère de météorite émergé du monde ? Toujours est-il que l'un des ces deux phénomène géologiques se dresse devant nous, dans l'ombre qui nous observe, et doit donner l'accès au royaume d'Hadès ! Si nous continuions tout droit, nous trouverions forcément le passage !
Mais bon, difficile d'évaluer la distance, et maman nous attend à l'hôtel, reposant son dos douloureux. Si nous continuons jusqu'aux enfers elle risque de s'inquiéter . Nous rentrons donc, repoussés par notre instinct grégaire, à deux pas d'une découverte capitale sur les origines de la vie et de la mort.
Nous nous en retournons donc vers notre camp de base, à Cape Cross ; Papa et Maman y ont une chambre en premier étage débouchant directement sur la plage et et l'immensité désolée de cette côte décharnée, quant à nous, nous campons. Il faut situer Cape Cross, à 75km de quelconque hameau, c'est un bourg de quelques maison dont l'hôtel, établi à deux pas d'une colonie d'éléphants de mer, au bout d'un cap d'où l'on embrasse une baie au nord, formant un arc de cercle jaune parfaitement arrondi, avec le désert en arrière plan, et des montagnes tout au fond, et rien du tout au sud : la pointe de la baie doit détourner les vents qui viennent qui ricochent sur la péninsule et sont projetés au large avec leurs épais bancs de brume.
Vue du cœur de la baie, Cape Cross a des allures de hameau islandais, avec l'océan d'airain qui s’abat au pied des maisons. elles sont recroquevillées au pied d'une haute antenne qui semble les prémunir de malédictions méphitiques conduites par l'épais brouillard blanc qui encercle uniformément les pauvres bâtisses. Maman y est restée seule une journée, à compter les vagues s'abattre sur la grève. Depuis sa retraite, elle a aperçu trois personnes, et s'est imprégnée du romantisme du lieu, apprenant même à l'apprécier malgré son appréhension première.
Prosaïquement, Cape Cross est le centre de gravité du paradis des pêcheurs, beaucoup moins romantiques. Aussi ne croise-t-on que des sud africains ou namibiens blancs nageant dans le bonheur des grands espaces : au volant d'énormes pick up 4x4, ils dévorent les étendues sableuses, prêts à camper n'importe où avec leurs tentes sur le toit, la bouteille de gaz accrochée à l'arrière, et leurs quatre à six cannes à pêche fichées verticalement dans le pare buffle. Ils peuvent ainsi, face à la mer, surveiller leurs lignes tout en restant dans leur voiture en engloutissant des packs de bière ! D'un site de pêche à l'autre, ils foncent dans la brume, descendant leurs canettes avec les kilomètres, jetant les bouteilles vides au petit bonheur. Brisées, elles vont rejoindre les os blanchis des animaux marins échoués sur la bien nommée « skeleton coast ».
En arrivant sur place nous pensions que cette langue de terre avait été ainsi nommée du fait des innombrables naufrages qu'elle avait causée depuis les débuts de l'histoire de la marine, dans les rets de ses bancs de brumes et de ses courants poissonneux remontant de l'Antartique. Depuis l'arrivée du GPS le rythme des naufrages a considérablement diminué, mais il n'en reste pas moins que plusieurs centaines de kilomètres de côtes sont parsemées d'épaves rouillées en plus ou moins bon état de conservation. Nous avons ainsi trouvé un chalutier presque neuf, et cette machinerie issue d'un cargo est allemand échoué dans les années 70. Mais en fait, la skeleton coast, il fallait le prendre au sens littéral !
Toujours est-il que ce passage au porte des enfers nous aura profondément marqué, et c'est plutôt fiers que nous nous préparons à revenir dans le monde des hommes.
Nous nous en retournons donc vers notre camp de base, à Cape Cross ; Papa et Maman y ont une chambre en premier étage débouchant directement sur la plage et et l'immensité désolée de cette côte décharnée, quant à nous, nous campons. Il faut situer Cape Cross, à 75km de quelconque hameau, c'est un bourg de quelques maison dont l'hôtel, établi à deux pas d'une colonie d'éléphants de mer, au bout d'un cap d'où l'on embrasse une baie au nord, formant un arc de cercle jaune parfaitement arrondi, avec le désert en arrière plan, et des montagnes tout au fond, et rien du tout au sud : la pointe de la baie doit détourner les vents qui viennent qui ricochent sur la péninsule et sont projetés au large avec leurs épais bancs de brume.
Vue du cœur de la baie, Cape Cross a des allures de hameau islandais, avec l'océan d'airain qui s’abat au pied des maisons. elles sont recroquevillées au pied d'une haute antenne qui semble les prémunir de malédictions méphitiques conduites par l'épais brouillard blanc qui encercle uniformément les pauvres bâtisses. Maman y est restée seule une journée, à compter les vagues s'abattre sur la grève. Depuis sa retraite, elle a aperçu trois personnes, et s'est imprégnée du romantisme du lieu, apprenant même à l'apprécier malgré son appréhension première.
Prosaïquement, Cape Cross est le centre de gravité du paradis des pêcheurs, beaucoup moins romantiques. Aussi ne croise-t-on que des sud africains ou namibiens blancs nageant dans le bonheur des grands espaces : au volant d'énormes pick up 4x4, ils dévorent les étendues sableuses, prêts à camper n'importe où avec leurs tentes sur le toit, la bouteille de gaz accrochée à l'arrière, et leurs quatre à six cannes à pêche fichées verticalement dans le pare buffle. Ils peuvent ainsi, face à la mer, surveiller leurs lignes tout en restant dans leur voiture en engloutissant des packs de bière ! D'un site de pêche à l'autre, ils foncent dans la brume, descendant leurs canettes avec les kilomètres, jetant les bouteilles vides au petit bonheur. Brisées, elles vont rejoindre les os blanchis des animaux marins échoués sur la bien nommée « skeleton coast ».
En arrivant sur place nous pensions que cette langue de terre avait été ainsi nommée du fait des innombrables naufrages qu'elle avait causée depuis les débuts de l'histoire de la marine, dans les rets de ses bancs de brumes et de ses courants poissonneux remontant de l'Antartique. Depuis l'arrivée du GPS le rythme des naufrages a considérablement diminué, mais il n'en reste pas moins que plusieurs centaines de kilomètres de côtes sont parsemées d'épaves rouillées en plus ou moins bon état de conservation. Nous avons ainsi trouvé un chalutier presque neuf, et cette machinerie issue d'un cargo est allemand échoué dans les années 70. Mais en fait, la skeleton coast, il fallait le prendre au sens littéral !
Toujours est-il que ce passage au porte des enfers nous aura profondément marqué, et c'est plutôt fiers que nous nous préparons à revenir dans le monde des hommes.
Vendredi 26 avril : Le BrandBerg
Pour revenir au monde des hommes, il faut parcourir les champs de désolation à l'envers : des pans de brume, puis des infinis de jaune, de blanc, de gris où les ondulations des mirages sont les seuls mouvements perceptibles. Au bout de quelques heures nous arrivons en vue de la montagne du Brandberg, dont nous nous étions approchés par par le versant opposé lors de notre quête mystique la veille. Pour se faire une idée de cette splendeur géologique, il faut penser à Uluru en Australie, en peut être moins parfaitement arrondi, mais en beaucoup plus gros et avec un désert absolu à ses pieds, ce qui en renforce le caractère inexpugnable. Car le Brandberg n'est pas qu'un rocher, c'est un rocher creux, un rempart, une montagne vallée. Causée par l'effondrement d'un volcan, ou alors à dessin pour le passage des morts dans le monde inférieur, l'intérieur abrite une végétation relativement riche, notamment au regard de l'absence totale de vie tout autour. Généralement il y a même de l'eau, mais cette année les ruisseaux sont asséchés... Preuve que la sécheresse qui a aussi sévi en Europe est générale et massive, puisque depuis des temps immémoriaux les hommes sont venus dans cette vallée s'y protéger de l'aridité. Et c'est cette fonction refuge qui a permis la réalisation d'un miracle artistique : des fresques de plus de 5000 ans, un peu partout, à fleur de roche dans la vallée, ont été réalisées par des hommes d'alors à l'adresse de leurs contemporains ou de leurs successeurs immédiats. Ce sont des chroniques, des modes d'emploi de la nature, monochromes ou colorées, et certaines sont restées intactes pour nous révéler tout un pan d'une civilisation disparue ici au milieu d'un désert absolu, au cœur d'un havre mystérieux.
Pour revenir au monde des hommes, il faut parcourir les champs de désolation à l'envers : des pans de brume, puis des infinis de jaune, de blanc, de gris où les ondulations des mirages sont les seuls mouvements perceptibles. Au bout de quelques heures nous arrivons en vue de la montagne du Brandberg, dont nous nous étions approchés par par le versant opposé lors de notre quête mystique la veille. Pour se faire une idée de cette splendeur géologique, il faut penser à Uluru en Australie, en peut être moins parfaitement arrondi, mais en beaucoup plus gros et avec un désert absolu à ses pieds, ce qui en renforce le caractère inexpugnable. Car le Brandberg n'est pas qu'un rocher, c'est un rocher creux, un rempart, une montagne vallée. Causée par l'effondrement d'un volcan, ou alors à dessin pour le passage des morts dans le monde inférieur, l'intérieur abrite une végétation relativement riche, notamment au regard de l'absence totale de vie tout autour. Généralement il y a même de l'eau, mais cette année les ruisseaux sont asséchés... Preuve que la sécheresse qui a aussi sévi en Europe est générale et massive, puisque depuis des temps immémoriaux les hommes sont venus dans cette vallée s'y protéger de l'aridité. Et c'est cette fonction refuge qui a permis la réalisation d'un miracle artistique : des fresques de plus de 5000 ans, un peu partout, à fleur de roche dans la vallée, ont été réalisées par des hommes d'alors à l'adresse de leurs contemporains ou de leurs successeurs immédiats. Ce sont des chroniques, des modes d'emploi de la nature, monochromes ou colorées, et certaines sont restées intactes pour nous révéler tout un pan d'une civilisation disparue ici au milieu d'un désert absolu, au cœur d'un havre mystérieux.
On voit donc des hommes qui chassent, qui dansent, des guérisseurs affublés de masques qui invoquent des figures totémiques, tout ça dessiné avec un détail bluffant. Oryx, kudus ; zèbres, girafes, tout le monde est là, chacun avec un pouvoir particulier aujourd'hui oublié.
Pour contempler un tel trésor, il a fallu crapahuter pendant deux heures sous le soleil d'Afrique qui au Zénith, en compagnie d'une guide en ceinte sous alimentée, à qui nous ferons l'offrande d'un petit repas à notre départ. Toujours est-il que maman n'a plus face au soleil son indolence de ses année tchadiennes, et à l'issue de la balade elle nous fait une bonne crise d'hypoglycémie qu'un thé chaud sucré permet heureusement éradiquer.
Pour contempler un tel trésor, il a fallu crapahuter pendant deux heures sous le soleil d'Afrique qui au Zénith, en compagnie d'une guide en ceinte sous alimentée, à qui nous ferons l'offrande d'un petit repas à notre départ. Toujours est-il que maman n'a plus face au soleil son indolence de ses année tchadiennes, et à l'issue de la balade elle nous fait une bonne crise d'hypoglycémie qu'un thé chaud sucré permet heureusement éradiquer.
Notre route continue vers le nord, et tout du long nous distribuons de ci de là de l'eau ou des aliments à des auto-stoppeurs esseulés et assommés d'insolation à l'ombre de panneaux indicateurs. Petit à petit la végétation réapparaît, notre chemin flirte avec l'Ugab que nous avons retrouvé, et l'horizon cesse de devenir infini. Aux touffes d'herbes arides succèdent des acacias épars, puis des arbustes, et même des arbres dans le lit des rivières ; en fait nous pénétrons dans la savane ! La fameuse savane africaine, succession de longues plaines d'herbes hautes et d'espaces boisés de petits arbres à petites feuille set grosses épines. Quelques zones sèches sont recouvertes uniquement d’acacias sporadiques et torturés.
Avec la savane, c'est le retour de l'homme et de ses activités, notamment l'élevage. Nous traversons une zone où la savane se niche entre de gros blocs rouges et arrondis. Des groupes de chèvres aux flancs faméliques se pressent sur des sentiers escarpés , sous le haut patronage de villages de huttes de boue et de bois perchées sur les hauteurs. Sur le plat, le long de la route, des masures de tôles. Les habitants de ces différents types d'habitations se retrouvent sur la route et les sentiers, conduisant bêtes et enfants. Les femmes ont des styles particuliers : les himbas, tout leur corps recouvert d'ocre rouge, seins nus, les cheveux tressés, serrés ; les modernes en costume traditionnel, à savoir robe victorienne colorée à carreaux et coiffe assortie en forme de banane ; dans la brousse monotone, on ne peut pas les rater.
Avec la savane, c'est le retour de l'homme et de ses activités, notamment l'élevage. Nous traversons une zone où la savane se niche entre de gros blocs rouges et arrondis. Des groupes de chèvres aux flancs faméliques se pressent sur des sentiers escarpés , sous le haut patronage de villages de huttes de boue et de bois perchées sur les hauteurs. Sur le plat, le long de la route, des masures de tôles. Les habitants de ces différents types d'habitations se retrouvent sur la route et les sentiers, conduisant bêtes et enfants. Les femmes ont des styles particuliers : les himbas, tout leur corps recouvert d'ocre rouge, seins nus, les cheveux tressés, serrés ; les modernes en costume traditionnel, à savoir robe victorienne colorée à carreaux et coiffe assortie en forme de banane ; dans la brousse monotone, on ne peut pas les rater.
Mais finalement les hameaux se resserrent de plus en plus, la poussée démographique est telle que nous arrivons à en croiser des VILLES, presque tous les 150km ! Vis, Khorixas, Outjo. Des bourgades plates aux bâtiments bas et fonctionnels, des rues poussiéreuses ou des groupes de gens désoeuvrés attendent assis par terre à l'ombre de murs sales et de palissades décolorées. Une église moderne au clocher élancé, une ou deux stations service, des garages, un ou deux distributeurs de billets, un ou deux cafés, une superette obscure où le temps semble figé et à partir de laquelle la brousse reprend, inexorable.
Nous faisons une pause dans un lodge étudié pour la clientèle allemande et où deux jeunes commerciaux blancs aux dents longues se les aiguisent au contact du terrain. Ils font tourner l'entreprise comme une horloge suisse, de sorte que le client consomme aussi vite et et aussi bien que lui permettent ses brefs instants de liberté hors du car climatisé. Bienvenue au Mopana Lodge, sa piscine, sa pelouse, ses petites villas proprettes entourées de potagers exotiques, se plate forme avec vue sur la vie sauvage des animaux et distribution de boissons payantes.
Nous faisons une pause dans un lodge étudié pour la clientèle allemande et où deux jeunes commerciaux blancs aux dents longues se les aiguisent au contact du terrain. Ils font tourner l'entreprise comme une horloge suisse, de sorte que le client consomme aussi vite et et aussi bien que lui permettent ses brefs instants de liberté hors du car climatisé. Bienvenue au Mopana Lodge, sa piscine, sa pelouse, ses petites villas proprettes entourées de potagers exotiques, se plate forme avec vue sur la vie sauvage des animaux et distribution de boissons payantes.
Samedi 27 avril : le parc Etosha
Nous continuons plus au nord jusqu'au parc Etosha, plus grande réserve animalière d'Afrique. Vingt deux mille kilomètres carré de savane autour d'un ancien lac salé asséché, plat comme la main. Autant vous dire que quand un coyote s'esquive discrètement de l'autre côté du lac écrasé sous le brasier du soleil, on le voit comme le nez au milieu de la figure !
Nous sommes d'abord déstabilisés par ce décor de nulle part, nous avons comme l'impression de débarquer au bord de la mer d'Aral, à la recherche d'une faune et d'une flore fossilisée depuis longtemps. D'ailleurs durant nos premières heures de présence, nous ne voyons pas un animal digne de ce nom ; nous en sommes réduits à photographier des écureuils et disserter sur les infimes différences entre le goupil et le chacal. Pourtant à l'heure du dîner, de premières surprises nous attendent, de premiers émerveillements pour nous ouvrir les portes de la savane. Au coucher du soleil il nous faut être à l'intérieur du campement qui se dresse dans la sauvagerie africaine comme le village d'Astérix dans la Gaulle romaine, retranchés derrière de hautes barrières, préparant nos barbecues dans un confort sécurisé, tandis qu'à l'extérieur la brousse s'enflamme aux derniers rayons du soleil. C'est aussi l'heure où quelques dizaines d'êtres humains s'agglutinent derrière une grille , à quelques mètres d'un trou d'eau où par la force des choses, viennent s'abreuver les hôtes des sous bois. C'est ainsi que dans un ciel orangé, nous voyons avancer au dessus des bosquets épineux la haute silhouette des girafes. Les éléphants sont déjà là, ils sont arrivés en colonne, rapidement, terriblement, véritable Panzer division, débouchant de la brousse comme on enfonce une porte. Force fut alors aux autres bêtes assoiffées, springbocks, gazelles, émeus, de laisser la place. S'en suivent des jeux d'eau, des batifolages qui durent suffisamment longtemps pour que les girafes, longtemps immobiles, s'impatientent. Elles tentent quelques pas vers la mare. Les éléphants se replient en bon ordre, par petits groupes qui se séparent vers toutes les directions du couchant. Mais la partie n'est pas gagnée pour autant pour les girafes, car voilà les goujats du règne animal, les rhinocéros. Avec les rhinos, il n'est pas question d'attendre son tour, ou de se soucier de ceux qui patientent derrière. Ils débarquent dans un bruit de pierrailles chamboulées, véritables tractopelles, et boivent pendant des heures. Et puis ils partent. Mais non finalement, ils font demi tour, ils ont encore soif. Un certain temps s'écoule et ils s'en vont finalement, mais d'autres arrivent qu'on n'attendait plus, c'est le même manège, et les girafes attendent.
Nous continuons plus au nord jusqu'au parc Etosha, plus grande réserve animalière d'Afrique. Vingt deux mille kilomètres carré de savane autour d'un ancien lac salé asséché, plat comme la main. Autant vous dire que quand un coyote s'esquive discrètement de l'autre côté du lac écrasé sous le brasier du soleil, on le voit comme le nez au milieu de la figure !
Nous sommes d'abord déstabilisés par ce décor de nulle part, nous avons comme l'impression de débarquer au bord de la mer d'Aral, à la recherche d'une faune et d'une flore fossilisée depuis longtemps. D'ailleurs durant nos premières heures de présence, nous ne voyons pas un animal digne de ce nom ; nous en sommes réduits à photographier des écureuils et disserter sur les infimes différences entre le goupil et le chacal. Pourtant à l'heure du dîner, de premières surprises nous attendent, de premiers émerveillements pour nous ouvrir les portes de la savane. Au coucher du soleil il nous faut être à l'intérieur du campement qui se dresse dans la sauvagerie africaine comme le village d'Astérix dans la Gaulle romaine, retranchés derrière de hautes barrières, préparant nos barbecues dans un confort sécurisé, tandis qu'à l'extérieur la brousse s'enflamme aux derniers rayons du soleil. C'est aussi l'heure où quelques dizaines d'êtres humains s'agglutinent derrière une grille , à quelques mètres d'un trou d'eau où par la force des choses, viennent s'abreuver les hôtes des sous bois. C'est ainsi que dans un ciel orangé, nous voyons avancer au dessus des bosquets épineux la haute silhouette des girafes. Les éléphants sont déjà là, ils sont arrivés en colonne, rapidement, terriblement, véritable Panzer division, débouchant de la brousse comme on enfonce une porte. Force fut alors aux autres bêtes assoiffées, springbocks, gazelles, émeus, de laisser la place. S'en suivent des jeux d'eau, des batifolages qui durent suffisamment longtemps pour que les girafes, longtemps immobiles, s'impatientent. Elles tentent quelques pas vers la mare. Les éléphants se replient en bon ordre, par petits groupes qui se séparent vers toutes les directions du couchant. Mais la partie n'est pas gagnée pour autant pour les girafes, car voilà les goujats du règne animal, les rhinocéros. Avec les rhinos, il n'est pas question d'attendre son tour, ou de se soucier de ceux qui patientent derrière. Ils débarquent dans un bruit de pierrailles chamboulées, véritables tractopelles, et boivent pendant des heures. Et puis ils partent. Mais non finalement, ils font demi tour, ils ont encore soif. Un certain temps s'écoule et ils s'en vont finalement, mais d'autres arrivent qu'on n'attendait plus, c'est le même manège, et les girafes attendent.
Mais finalement le rhino va laisser sa place, car voilà que l'on entend au loin comme un ronflement, le ronflement d'un dormeur particulièrement corpulent et asthmatique. Un mot circule parmi les badauds, personne n'y croit vraiment, mais voilà que le rhino s'écarte, que les girafes s'esquivent, et qu'une ombre s'est glissée jusqu'au plan d'eau : une lionne ! Tout en finesse, c'est un souffle qui passe. Lorsqu’elle se déplace, lorsqu'elle boit, on ne l'entend pas, pas une ride sur l'eau... Pourtant après avoir longtemps bu, elle s'écarte, s'enfonce dans la nuit du côté opposé où elle était apparue, et une nouvelle lionne apparaît, pour un même manège. Mais cette fois ci le silence est rompu. On entend à nouveau le ronflement caractéristique, depuis la direction qu'a prise la première lionne. La seconde se relève alors et disparaît d'où elle est venue. Quelques secondes passent, puis c'est la seconde lionne (pense-t-on) qui se met à ronfler. Un instant passe où le monde semble retenir sa respiration, quand soudain de l'obscurité surgit une lionne au galop qui traverse le paysage en limite de notre champ de vision. Un instant encore et ce sont pour le coup d'authentiques grognements sanguinaires qui explosent dans les fourrés, des mouvements dans les feuillages, un cri inidentifiable, et finalement de nouveaux grognements assagis. Avec les jumelles nous avons essayé de suivre l'histoire, mais hormis un remue ménage d'ombres et de buissons, rien d'intelligible. A force de fouiller nous les trouvons finalement, ou plutôt nous les devinons, tâches sombres sous l'ombre de buissons lointains éclairés seulement par les étoiles, quatre ou cinq lionnes, maintenant allongées, et que l'on imagine à leur repas.
Le plan d'eau est maintenant vide de toute présence animale, le seul son audible est à nouveau le ronflement des lionnes ; il doit être pour nous aussi l'heure de dîner, car les ruminants ne sont pas près de s'aventurer à nouveau par là. Nous partons préparer le barbecue dans le jardin de la villa où papa et maman ont leurs quartiers, accompagnés par chacals et genets impatients de nous voir finir, tandis que la brousse se rassérénée.
Sur la route du coucher (parce que pour Céline et moi notre abri est un sol de cailloux aride au camping), nous retournons au plan d'eau pour observer que les lionnes s'en sont finalement retournées vers leur repaire et que les girafes, finalement, ont le trou d'eau pour elles. Mais craintives, elles hésitent , se ravisent, avancent, reculent... Quand l'une d'elle commence finalement à écarter ses pattes avant pour s'abreuver, elle lève la tête une dernière fois , hume l'air, et se redresse soudainement pour reculer de quelques pas. Une demi-heure de ce manège n'aura permis qu'à une des six girafes de boire. Un trou d'eau à haute tension...
Sur la route du coucher (parce que pour Céline et moi notre abri est un sol de cailloux aride au camping), nous retournons au plan d'eau pour observer que les lionnes s'en sont finalement retournées vers leur repaire et que les girafes, finalement, ont le trou d'eau pour elles. Mais craintives, elles hésitent , se ravisent, avancent, reculent... Quand l'une d'elle commence finalement à écarter ses pattes avant pour s'abreuver, elle lève la tête une dernière fois , hume l'air, et se redresse soudainement pour reculer de quelques pas. Une demi-heure de ce manège n'aura permis qu'à une des six girafes de boire. Un trou d'eau à haute tension...
La preuve est donc faite qu'il y a bien des animaux dans ce parc, et nous partons ragaillardis au matin, prêts à en découdre avec les seigneurs de la brousse. Durant deux jours nous la sillonnerons le sud du pan, alternant les grandes étendues herbeuses où paissent paisiblement zèbres, oryx, gnous et springbocks, avec les taillis de savane au dessus desquels se dressent le hautes silhouettes de girafes et les rondeurs métamorphiques des éléphants. Il arrive que dissimulés dans les branchages, le regard curieux d'un kudu nous dévisage, ou que tel un fruit trop mur prêt à tomber de l'arbre, la lourde présence d'un vautour nous domine.
Nous avons la joie d'avoir à freiner en urgence lorsque, comme de comédiens surgissant sur la scène, une troupe de zèbres, une famille de girafes, une horde d'éléphants, une colonie de springbocks, débouche sur la route. Le plus gros, le plus mâle du troupeau reste au milieu à faire la circulation, nous dévisageant d'un air furieux (pour les éléphants). En ce qui concerne les zèbres et les springbocks, hormis la veille permanente de la mère sur sa progéniture, nulle prudence particulière, le nombre fait la force ! Ce sont d'ailleurs parfois des centaines de zèbres qui se succèdent à la queue leu leu, sur une file dont nous n'apercevons pas la fin, et que nous franchissons aussi doucement que possible, comme on le ferait à gué d'une rivière tumultueuse. Ces animaux en mouvement ont tous le même objectif, le point d'eau. Car hormis ce but, ongulidés et ruminants n'ont d'autre objectif que celui que leur donne leur estomac et qui les pousse en avant au petit bonheur, touffe d'herbe après touffe d'herbe.
Nous avons la joie d'avoir à freiner en urgence lorsque, comme de comédiens surgissant sur la scène, une troupe de zèbres, une famille de girafes, une horde d'éléphants, une colonie de springbocks, débouche sur la route. Le plus gros, le plus mâle du troupeau reste au milieu à faire la circulation, nous dévisageant d'un air furieux (pour les éléphants). En ce qui concerne les zèbres et les springbocks, hormis la veille permanente de la mère sur sa progéniture, nulle prudence particulière, le nombre fait la force ! Ce sont d'ailleurs parfois des centaines de zèbres qui se succèdent à la queue leu leu, sur une file dont nous n'apercevons pas la fin, et que nous franchissons aussi doucement que possible, comme on le ferait à gué d'une rivière tumultueuse. Ces animaux en mouvement ont tous le même objectif, le point d'eau. Car hormis ce but, ongulidés et ruminants n'ont d'autre objectif que celui que leur donne leur estomac et qui les pousse en avant au petit bonheur, touffe d'herbe après touffe d'herbe.
Ainsi par des itinéraires différents, toutes les bêtes du parc débouchent das les mêmes lieu, à savoir les quelques dizaines de points d'eau que recèle cette zone grande comme un département. Petits, gros, longs, larges, volant ou courant, ce sont tous les pensionnaires de l'arche de Noë qui passent par là ! Mais suivant des codes précis acceptés de tous. Il en est qui ont un accès permanent et illimité : les pintades, sortes de poules obèses à robe noire à poids blancs, qui pour ce privilège, le paient de quelques coups de pattes assassins des autres visiteurs. Les chacals, à la bonne mine de goupil, que tout le monde semble accepter de voir traîner entre ses pattes. Ensuite viennent les grandes familles. Celle des gazelles d’abord avec les springbocks, les oryx, les kudus, les impalas, qui se désaltèrent ensemble, pas de problème, et monopolisent le trou d’eau sur la durée. Puis, en fonction de la taille et du nombre des nouveaux arrivants, ils laissent la place avec plus ou moins de bonne volonté. Les zèbres préviennent longtemps à l’avance de leur arrivée. Ils vont par centaines dans un nuage de poussière, oragnisés en bataillons que des des zèbres héraults coordonnent à force de galopades et d’aboiements comiques. Lorsque la densité de zèbres en arrière plan de la pièce d’eau devient trop importante, les premiers se retirent et les zèbres boievent groupe par groupe. Il arrive que, s’ils sont assez nombreux, les oryx de corpulence à peu près équivalente et aux cornes suffisament imposantes, fassent de la résistance et se gardent un petit coin de la mare. Les Eléphants quant à eux, ne font pas dans le détail : ils n’attendent pas comme les zèbres, ils sont toujours assez nombreux, même à un ! Encore que lorsqu’un pachiderme arrive seul, les oryx se permettent encore quelques espiègleries, et d’ailleurs celui là ne refuse pas unecertaine présence autour de lui. Les rhinocéros, on en a déjà parlé, arrivent plus tard et vont en groupes plus petits. Mais il n’est pas interdit de boire en leur compagnie, seules les girafes n’osent pas s’approcher. Les girafes donc, passent la journée en arrière fond, puisque jamais elles n’osent s’avancer. Si vraiment il n’y a que de petits cervidés autrour du trou, peut être trouverait-on de la place pour l’une d’elle. Sinon il faut attendre que toute la plaine soit vide !
Mais il peut y avoir bouchon : quand le lion est là ! Lorsque le lion daigne se lever pour baisser ses augustes babines jusqu’à la surface christalline, il est bien évident que plus personne est là (hormis le goupil et la pintade), et que toute la savane fait silence, retient son souffle. Mais il arrive aussi que le lion prenne ses quartiers de villégiature près d’un point d’eau, comme un bourgeois s’installe en terrasse d’un café pour voir passer le petit peuple laborieux. Et le peuple dans ce cas présent, perd tout son naturel. On boit une gorgée et on relève la tête, tourne les oreilles dans tous les sens avant un regard dans la direction du grand fauve, comme pour demander l’autorisation de rebaisser la tête vers la mare. Le lion ouvre-t-il une paupière, que tout le monde s’enfuit dans un sauve qui peut général avant de reprendre sa place quelques instants plus tard quand on a compris que c’était une fausse alerte. Et puis les zèbres qui habituellement boivent de front, groupe par groupe, ont adopté la formation en rond, tous les regards tournés vers l’extérieur à la recherche du danger. Les héraults courent aux quatre coins de l’horizon pour alerter du péril. Du coup il ne boivent que deux par deux, les groupes en rond veillant sur les buveurs ! Forcément c’est l’embouteillage ! On a bientôt des centaines de zèbres, des kudus par dizaines (alors qu’il est rares d’en voir plus de trois en même temps), sept ou huit girafes, des springboks partout comme les moutons sur la mer tempêtueuse ; même les éléphants ont changé de comportement ! L’éléphant solitaire qui était passé par là, mesurant la situation, est revenu avec ses copains ! Les pachidermes, d’habitude si dolents, si lourdeaux, ils jouent maintenant des mécaniques, font rouler des épaules, lèvent le torse comme s’ils marchaient sur la pointe des pattes, s’avancent à petites foulées sportives, comme des boxeurs qui veulent en découdre. Ils traversent l’assemblée figée, boivent comme par bravade, et s’en retournent bien vite... Le lion lui dort, lève à peinte une papière, se retourne ; mais qui sait quand il se réveillera ?
Mais il peut y avoir bouchon : quand le lion est là ! Lorsque le lion daigne se lever pour baisser ses augustes babines jusqu’à la surface christalline, il est bien évident que plus personne est là (hormis le goupil et la pintade), et que toute la savane fait silence, retient son souffle. Mais il arrive aussi que le lion prenne ses quartiers de villégiature près d’un point d’eau, comme un bourgeois s’installe en terrasse d’un café pour voir passer le petit peuple laborieux. Et le peuple dans ce cas présent, perd tout son naturel. On boit une gorgée et on relève la tête, tourne les oreilles dans tous les sens avant un regard dans la direction du grand fauve, comme pour demander l’autorisation de rebaisser la tête vers la mare. Le lion ouvre-t-il une paupière, que tout le monde s’enfuit dans un sauve qui peut général avant de reprendre sa place quelques instants plus tard quand on a compris que c’était une fausse alerte. Et puis les zèbres qui habituellement boivent de front, groupe par groupe, ont adopté la formation en rond, tous les regards tournés vers l’extérieur à la recherche du danger. Les héraults courent aux quatre coins de l’horizon pour alerter du péril. Du coup il ne boivent que deux par deux, les groupes en rond veillant sur les buveurs ! Forcément c’est l’embouteillage ! On a bientôt des centaines de zèbres, des kudus par dizaines (alors qu’il est rares d’en voir plus de trois en même temps), sept ou huit girafes, des springboks partout comme les moutons sur la mer tempêtueuse ; même les éléphants ont changé de comportement ! L’éléphant solitaire qui était passé par là, mesurant la situation, est revenu avec ses copains ! Les pachidermes, d’habitude si dolents, si lourdeaux, ils jouent maintenant des mécaniques, font rouler des épaules, lèvent le torse comme s’ils marchaient sur la pointe des pattes, s’avancent à petites foulées sportives, comme des boxeurs qui veulent en découdre. Ils traversent l’assemblée figée, boivent comme par bravade, et s’en retournent bien vite... Le lion lui dort, lève à peinte une papière, se retourne ; mais qui sait quand il se réveillera ?
On pourrait encore dire beaucoup sur ces animaux de la brousse, de leur dolence qui ne se dément qu’au contact d’un danger mortel, des règles multiséculaires qui semblent y régner, des familles éléphants, de leurs gestes de tendresse ou de colère, de leur façon de se maquiller pour se protéger du soleil, de ce calme immense, à la portée du paysage, sur lequel souffle un courant de nervosité, discernable par les ondulations des herbes sous le vent et les contractions musculaires sur les flancs des animaux ; mais finalement je vous conseillerais plutôt de regarder le reportage animalier qui passera cette nuit sur France 5 aux alentours de 3h du matin.
Notre dernière nuit à Etosha ressemble fort à la réalisation d’un rêve ! Au pied d’un fort allemand à l’épaisse silhouette blanche, nous prenons nos quartiers dans une chambre grand luxe avec baignoire immense encastrée dans le sol de la salle option balnéothérapie, le tout caché dans les herbes hautes et à portée d’un jet de pierre d’un point d’eau où s’ébrouent les rhinocéros. Lorsque le soleil couchant drape le fortin d’ocre, que les hautes herbes scintillent dans le vent chaud du soir comme les risées de la mer, que l’on dîne avec un bon vin à la lueur mystérieuse d’un braséro fulminant les flammes de l’enfer sous les vieilles murailles surannées, comment ne pas se sentir hors du temps et de l’espace, tout simplement comme un héros à la Kipling, attendant que l’aventure reprenne ? Mais bon finalement, le seul danger qui nous guette, c’est la piqure d’un moustique paludéen, c’est moins romantique…
Notre dernière nuit à Etosha ressemble fort à la réalisation d’un rêve ! Au pied d’un fort allemand à l’épaisse silhouette blanche, nous prenons nos quartiers dans une chambre grand luxe avec baignoire immense encastrée dans le sol de la salle option balnéothérapie, le tout caché dans les herbes hautes et à portée d’un jet de pierre d’un point d’eau où s’ébrouent les rhinocéros. Lorsque le soleil couchant drape le fortin d’ocre, que les hautes herbes scintillent dans le vent chaud du soir comme les risées de la mer, que l’on dîne avec un bon vin à la lueur mystérieuse d’un braséro fulminant les flammes de l’enfer sous les vieilles murailles surannées, comment ne pas se sentir hors du temps et de l’espace, tout simplement comme un héros à la Kipling, attendant que l’aventure reprenne ? Mais bon finalement, le seul danger qui nous guette, c’est la piqure d’un moustique paludéen, c’est moins romantique…
Mardi 30 avril
Nous redescendons dans le sud, suivant l’étoile du sud, direction Windhoek, direction notre quotidien.
La route est une longue bande de bitume rectiligne de 1900km jusqu’au Cap ; sur le premier tronçon jusqu’à Keetmanshop, son unique ponctuation est la répétition de la haute stature des relais télé en béton, sortes d’immenses totems tombés du ciel en plein désert, énigmatiques. Sur 400km, un escarpement nous borde à l’est, un aplomb aussi abrupt qu’une falaise côtière, si bien que nous pourrions être un esquif sur un océan d’herbes sèches. Les blocs erratiques qui poivrent la steppe semblent d’ailleurs indiquer qu’à une époque lointaine une immense moraine devait régner là, peut être même la glace des pôles ? Aujourd’hui ce ne sont plus qu’arbres rabougris, troupeaux de moutons et de vaches, et pâles maisons de fer blanc que relient des équipages en charrettes tirées par des couples d’ânes. Mais globalement, les premières centaines de kilomètres de notre retour traverseront les espaces les plus riches que nous ayons vus de Namibie, ne serait-ce que parce que nous sommes entre le désert du Namib et celui du Kalahari, un endroit plus ou moins béni des Dieux puisque massivement bombardé par des météorites dont on trouve des éclats un peu partout.
Au milieu de cette rectitude, les collines de Windhoek. Tout était plat, tout était vide, tout était sauvage, et soudain la route devient une quatre voies. Bientôt un panneau annonce Windhoek nord. S’en suit un grand boulevard, un rond point, un gros carrefour et nous filons sur une pénétrante qui descend entre les vallées de Windhoek. A ce stade, nous en sommes encore à nous dire « Voici Windhoek, la ville aux mille collines du sud, réputée pour sa créativité et son quartier des musiciens ». Les couleurs des quartiers résidentiels qui s’épanouissent autour des déclivités nous enchantent, et nous nous faisons une fête de la forte aura culturelle qu’a du conserver cette ancienne capitale germanique.
Nous redescendons dans le sud, suivant l’étoile du sud, direction Windhoek, direction notre quotidien.
La route est une longue bande de bitume rectiligne de 1900km jusqu’au Cap ; sur le premier tronçon jusqu’à Keetmanshop, son unique ponctuation est la répétition de la haute stature des relais télé en béton, sortes d’immenses totems tombés du ciel en plein désert, énigmatiques. Sur 400km, un escarpement nous borde à l’est, un aplomb aussi abrupt qu’une falaise côtière, si bien que nous pourrions être un esquif sur un océan d’herbes sèches. Les blocs erratiques qui poivrent la steppe semblent d’ailleurs indiquer qu’à une époque lointaine une immense moraine devait régner là, peut être même la glace des pôles ? Aujourd’hui ce ne sont plus qu’arbres rabougris, troupeaux de moutons et de vaches, et pâles maisons de fer blanc que relient des équipages en charrettes tirées par des couples d’ânes. Mais globalement, les premières centaines de kilomètres de notre retour traverseront les espaces les plus riches que nous ayons vus de Namibie, ne serait-ce que parce que nous sommes entre le désert du Namib et celui du Kalahari, un endroit plus ou moins béni des Dieux puisque massivement bombardé par des météorites dont on trouve des éclats un peu partout.
Au milieu de cette rectitude, les collines de Windhoek. Tout était plat, tout était vide, tout était sauvage, et soudain la route devient une quatre voies. Bientôt un panneau annonce Windhoek nord. S’en suit un grand boulevard, un rond point, un gros carrefour et nous filons sur une pénétrante qui descend entre les vallées de Windhoek. A ce stade, nous en sommes encore à nous dire « Voici Windhoek, la ville aux mille collines du sud, réputée pour sa créativité et son quartier des musiciens ». Les couleurs des quartiers résidentiels qui s’épanouissent autour des déclivités nous enchantent, et nous nous faisons une fête de la forte aura culturelle qu’a du conserver cette ancienne capitale germanique.
Mais la réalité est tout autre : Windhoek, capitale africaine et orgueilleuse, n’a à offrir que des villas américaines entourées de rouleaux de barbelés, une nuit d’insécurité et de milices privées, un désert humain dans l’ombre de ruelles assassines. Le centre ville, que dis-je le centre d’affaires, s’affiche entre deux boulevards bordés de bâtiments assez hauts pour mériter le titre d’Immeubles, aux trottoirs larges et propres, vrombissant des bolides que les autochtones astiquent et décorent avec plus d’amour que l’on pourrait donner à la plus belle des princesses, et qu’ils conduisent d’une main négligente. Si bien que les passages piétons sont des passages de vie à trépas, le petit bonhomme vert ne durant qu’une seconde, il n’indique en vérité que l’espérance de vie du piéton.
Il est possible que le choc du passage des grands espaces à la petite ville qui se voulait grande, de la solitude à la multitude, du silence aux pétarades, ns ait assombri tableau, mais le sentiment global est déplorable. Des joyaux architecturaux héritages du passé et qu’ailleurs dans le pays on a su si bien intégrer, il ne reste rien ; tout a été englouti dans un fonctionnalisme rageur, hormis la vielle église germanique, néo gothique et art nouveau, en forme de pain d’épice, isolée sur sa butte, comme mise au ban, ne profitant d’aucune perspective et à l’ombre d’une grosse tour. Elle est dans la ville moderne comme l’aïeule que l’on airait bien oublier, reléguer, mais que l’on n’ose pas encore remiser à l’hospice.
Heureusement c’est encore par le ventre que nous nous raccommoderons avec l’esprit des lieux, retrouvant notre sérénité assis autour d’une table camerounaise où nos papilles s’enchanteront dans un cadre chaleureux. Pourtant de jour, dans la partie déshéritée du boulevard principal, la boutique faisait piètre figure, coincée entre un tas de sable et un barbier à la devanture décorée à la main ; us avons bien failli nous dérober.
Notre dernière vision de Windhoek sera celle d’une voiture ayant réussi l’exploit de se nicher, à l’occasion d’un non respect de priorité, sous un 4x4, bien rangée, bien aplatie, preuve s’il en est que sur ces routes rectilignes à radars automatiques, la sécurité n’est pas au rendez vous !
Il est possible que le choc du passage des grands espaces à la petite ville qui se voulait grande, de la solitude à la multitude, du silence aux pétarades, ns ait assombri tableau, mais le sentiment global est déplorable. Des joyaux architecturaux héritages du passé et qu’ailleurs dans le pays on a su si bien intégrer, il ne reste rien ; tout a été englouti dans un fonctionnalisme rageur, hormis la vielle église germanique, néo gothique et art nouveau, en forme de pain d’épice, isolée sur sa butte, comme mise au ban, ne profitant d’aucune perspective et à l’ombre d’une grosse tour. Elle est dans la ville moderne comme l’aïeule que l’on airait bien oublier, reléguer, mais que l’on n’ose pas encore remiser à l’hospice.
Heureusement c’est encore par le ventre que nous nous raccommoderons avec l’esprit des lieux, retrouvant notre sérénité assis autour d’une table camerounaise où nos papilles s’enchanteront dans un cadre chaleureux. Pourtant de jour, dans la partie déshéritée du boulevard principal, la boutique faisait piètre figure, coincée entre un tas de sable et un barbier à la devanture décorée à la main ; us avons bien failli nous dérober.
Notre dernière vision de Windhoek sera celle d’une voiture ayant réussi l’exploit de se nicher, à l’occasion d’un non respect de priorité, sous un 4x4, bien rangée, bien aplatie, preuve s’il en est que sur ces routes rectilignes à radars automatiques, la sécurité n’est pas au rendez vous !
Mercredi 1er mai : retour vers le sud
Jour férié, jour de fête, et jour d’abstinence ! Impossible de trouver une goutte d’alcool dans le pays, les rayons ont même tout simplement disparu des magasins !
La route continue vers le sud, la végétation achève de disparaître. Comme au début du voyage, c’est l’un ou l’autre, l’herbe sèche ou l’arbuste rabougri, sur un horizon sans limites au milieu duquel s’écoule, fragile, le ruban de bitume. De ci de là une éolienne émerge des taillis et atteste qu’une famille essaie de faire croître quelque chose sur ce sol aride.
Nous passons deux villes en quatre cent kilomètres, Rehoboth et Mariental, deux désespoirs urbains constitués de maisons basses et rectangulaires alignées sans harmonie autour d’une route sableuse ; d’un côté de la route des maisons en dur, de l’autre des maisons en tôle, au milieu les stations service où l’on peut lire la gazette locale mettant en scène les sourires vainqueurs des édiles locaux, blancs et gominés comme des héros de Dallas. Les pages intérieurs détaillent les meilleurs moments des foires animalières ; tout cela a un petit quelque chose d’une Daisy Town quelconque du Middle West américain, quelque chose d’un décor de Western contemporain…
C’est ainsi que finalement nous arrivons à Keetmanshop, capitale du sud Namibien, connue sous le nom de « ville des églises et des garagistes ». Nous ajouterons aussi des banques pour que la description soit complète.
Jour férié, jour de fête, et jour d’abstinence ! Impossible de trouver une goutte d’alcool dans le pays, les rayons ont même tout simplement disparu des magasins !
La route continue vers le sud, la végétation achève de disparaître. Comme au début du voyage, c’est l’un ou l’autre, l’herbe sèche ou l’arbuste rabougri, sur un horizon sans limites au milieu duquel s’écoule, fragile, le ruban de bitume. De ci de là une éolienne émerge des taillis et atteste qu’une famille essaie de faire croître quelque chose sur ce sol aride.
Nous passons deux villes en quatre cent kilomètres, Rehoboth et Mariental, deux désespoirs urbains constitués de maisons basses et rectangulaires alignées sans harmonie autour d’une route sableuse ; d’un côté de la route des maisons en dur, de l’autre des maisons en tôle, au milieu les stations service où l’on peut lire la gazette locale mettant en scène les sourires vainqueurs des édiles locaux, blancs et gominés comme des héros de Dallas. Les pages intérieurs détaillent les meilleurs moments des foires animalières ; tout cela a un petit quelque chose d’une Daisy Town quelconque du Middle West américain, quelque chose d’un décor de Western contemporain…
C’est ainsi que finalement nous arrivons à Keetmanshop, capitale du sud Namibien, connue sous le nom de « ville des églises et des garagistes ». Nous ajouterons aussi des banques pour que la description soit complète.
Ville pionnière allemande, elle présente une belle structure en damier qui a peu évolué depuis l’époque des années 30. Les bâtiments administratifs et régaliens construits dans les années vingt sont toujours là : la poste impériale, la gare, l’école, la piscine, les grandes maisons de notables entourées de jardins à plantes grasses peu friandes en eau, des ateliers. Seules ont poussé banques, supermarchés et églises. Un de chaque par pâté de maisons. La vieille église rurale en pierres sèches est devenue le musée d’histoire poussiéreux de la ville où dorment deux employés municipaux. Quinze clochers ont poussé autour, pour quinze obédiences concurrentes : luthériens, baptistes, presbytériens et que sais-je encore, chacun chantant la gloire de Dieu et offrant la sainteté par kilos : « entrez et recevez l’huile sainte » offre même une affiche alléchante ! Les rues sont animées, surtout en ce début de mois où tous les habitants du district semblent s’être donnés rendez vous pour faire la queue devant les banques. Nous en profitons pour faire un état des lieux sur la mode : les hommes sont plutôt normaux, assez maigres pour les noirs. Souvent en bleu de travail. Les femmes portent le fichu et paraissent être restées bloquées au milieu des années 60, dans leurs grandes robes amples aux couleurs pastel. En ce qui concerne la corpulence, là encore les blanches sont généralement plus lourdes, mais les noires peuvent battre des records invraisemblables de tour de taille. En tout état de cause, ces dames n’ont aucun charme, surtout en comparaison des filles du nord que nous avions croisé du côté d’Etosha.
Pour ces derniers jours passés en Namibie, nous demeurons à 15kilomètres de Keetmanshop, chez un fermier blanc qui exploite au mieux ses terrains.
Papa et maman sont en chalet dans un module d’habitation sphérique, en résine moulé, tout droit sorti d’un film de science fiction. En fait leur logement est recyclé des chantiers de voie ferrée d’Afrique du Sud où il servait de dortoir pour ouvriers. Quant à nous, nous campons tout au bord de la forêt de Kokerbooms. Attention, que le terme « forêt » ne vous induise pas en erreur comme nous le fûmes. Il n’est pas question ici de canopée, mais de rassemblement d’arbres sur une surface donnée. Leurs forêts sont à la sylviculture ce que leurs villes sont à l’urbanisme : une évocation !
Ainsi donc, dans la forêt de Kokerbooms, les arbres à carquois (c’est le nom familier des kokerbooms, issu de leur usage par les boschimans) sont distants de 10 à 20m. Comme en fait ce sont des gros aloès perchés sur un tronc, ça ne pas une grosse impression de densité. Par contre la procession de leurs silhouettes spectrales, à la fin du jour, devient dramatique. D’autant que le sol est un gneiss rouge amassé en blocs ronds érodés, qui réverbèrent chaleureusement les derniers rayons du soleil. Parfois les amas de rochers sont si denses, qu’on obtient un chaos rocheux aux évocations énigmatiques d’architectures oubliées et dans lesquels nous déambulons comme au milieu de palais d’une civilisation oubliée.
Papa et maman sont en chalet dans un module d’habitation sphérique, en résine moulé, tout droit sorti d’un film de science fiction. En fait leur logement est recyclé des chantiers de voie ferrée d’Afrique du Sud où il servait de dortoir pour ouvriers. Quant à nous, nous campons tout au bord de la forêt de Kokerbooms. Attention, que le terme « forêt » ne vous induise pas en erreur comme nous le fûmes. Il n’est pas question ici de canopée, mais de rassemblement d’arbres sur une surface donnée. Leurs forêts sont à la sylviculture ce que leurs villes sont à l’urbanisme : une évocation !
Ainsi donc, dans la forêt de Kokerbooms, les arbres à carquois (c’est le nom familier des kokerbooms, issu de leur usage par les boschimans) sont distants de 10 à 20m. Comme en fait ce sont des gros aloès perchés sur un tronc, ça ne pas une grosse impression de densité. Par contre la procession de leurs silhouettes spectrales, à la fin du jour, devient dramatique. D’autant que le sol est un gneiss rouge amassé en blocs ronds érodés, qui réverbèrent chaleureusement les derniers rayons du soleil. Parfois les amas de rochers sont si denses, qu’on obtient un chaos rocheux aux évocations énigmatiques d’architectures oubliées et dans lesquels nous déambulons comme au milieu de palais d’une civilisation oubliée.
Mais ces dernières heures en Namibie sont surtout consacrées à humer une dernière fois l’air du pays, à laisser couler le temps sur nos épaules nues, si différemment que sous nos latitudes, au rythme du Vläd. Au rythme de la poussière qui s’élève et se repose dans la plaine lorsque par hasard passe une voiture, au rythme de ces petits animaux (écureuils, mangoustes) qui pointent le bout de leur museau et nous saluent d’un air avisé, au rythme du soleil qui n’en finit pas d’être au zénith et de chauffer les pierres comme des charbons ardents, au rythme des oiseaux petits et colorés qui débarquent soudain, pépient et envahissent les arbres avant de repartir en nuées désordonnées, démontrant par leur passage qu’un phase de la journée est achevée, que c’est le moment pour le soleil de redescendre, que c’est le moment pour la nature de prendre des couleurs, que c’est le moment pour les hommes de faire semblant de travailler, que c’est le moment pour le propriétaire de nourrir ses deux guépards câlins (l’un envers l’autre), que c’est le moment pour les petits mammifères de tous pointer le bout de leur nez en même temps, pour les gros d’entamer des cavalcades endiablées, et puis finalement pour le soleil de se coucher comme s’il s’effondrait, comme s’il avait été abattu pour que puissent apparaître les étoiles ; timides d’abord, elles sont quelques unes à s’allumer, puis comme si elles avaient pris confiance, elles s’illuminent toutes en même temps, si bien que le ciel est soudain comme enturbanné d’écharpes de diamants. Où que l’on se tourne, des constellations partout, des formes primaires sur lesquelles l’imagination peut s’accrocher et jouer avec la jubilation du chat sur une pelote de laine. Les barbecues s’allument, les voyageurs vont manger une viande tendre comme un gâteau, avant de se coucher à 20h30, l’esprit serein, aussi détendu que celui d’un enfant.
Et puis la route reprend, le ruban de bitume re-défile. A quarante kilomètres de la frontière nous doublons un homme rond et bonhomme, qui tire sur son épaule une croix christique dont la base roule sur deux roulettes. Il est au milieu du désert, les seuls reliefs sont des collines pelées, les seules mouvements sont le déplacement de notre voiture, du pèlerin hilare et de sa voiture d’assistance. Sa croix est jaune et rouge, nuances criardes, comme le visage écarlate du prophète qui nous fait un salut enjoué à notre passage. Estomaqués, nous le regardons passer sans trouver d’autre idée que de le suivre du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse happé par l’horizon derrière nous. Voilà donc un singulier prophète !
Nous voici maintenant en Afrique du Sud : pendant notre absence l’hiver a débuté, une tempête de pluie a régné, et les plaines que nous avions traversées oranges à l’aller sont maintenant vertes pâles. Toutes les touffes autrefois mourantes et jaunes sont dorénavant rebondies et vertes. Ici et là des trous remplis d’eau reflètent les quelques nuages de traine qui errent encore dans le ciel. Mais ce qui nous choque surtout, c’est la densité des habitations, des villages, des éoliennes. Il nous avait semblé avoir traversé un pays vide, mais au regard de la Namibie, l’Afrique du Sud paraît densément peuplée, moderne, presque coquette ! L’urbanisme n’est pas bien recherché, mais les maisons sont construites en dur. Les campagnes surtout apparaissent comme un poème : encaissés par des collines rousses, nous traversons des vignobles recouverts de leurs habits d’automne, qui entourent avec la splendeur de tapis chatoyants de petites fermes blanches abritées par des haies de grands arbres dignes. Sous les hautes falaises qui rythment notre progression, chaque localité par son patronyme, se réclame d’une fontaine qui permit aux premiers colons d’installer là. Ainsi de ferme en bourgade à nom évocateur, sous le ciel déchiré par les écueils de sobres montagnes, il nous semble ressentir l’émoi des premiers aventuriers qui s’installèrent là.
Nous passons notre dernière nuit dans le carvaning de Varhynsdorp ; pour la première fois, alors que nous grillons notre viande sur le barbecue vespéral, nous y ressentons l'humidité qui passe à travers nos vêtements. Le propriétaire nous a mis à disposition des maisonnettes de vacance à l'ameublement et décoration adorablement kitch et seventies, tant et si bien qu'au réveil nous croyons avoir dormi en Europe de l'Est. Mais non, les hautes falaises qui laissent ruisseler la lumière du matin en faisceaux iridescents jusque sur la plaine originelle nous ramènent dans l’hémisphère sud.
Nous voici maintenant en Afrique du Sud : pendant notre absence l’hiver a débuté, une tempête de pluie a régné, et les plaines que nous avions traversées oranges à l’aller sont maintenant vertes pâles. Toutes les touffes autrefois mourantes et jaunes sont dorénavant rebondies et vertes. Ici et là des trous remplis d’eau reflètent les quelques nuages de traine qui errent encore dans le ciel. Mais ce qui nous choque surtout, c’est la densité des habitations, des villages, des éoliennes. Il nous avait semblé avoir traversé un pays vide, mais au regard de la Namibie, l’Afrique du Sud paraît densément peuplée, moderne, presque coquette ! L’urbanisme n’est pas bien recherché, mais les maisons sont construites en dur. Les campagnes surtout apparaissent comme un poème : encaissés par des collines rousses, nous traversons des vignobles recouverts de leurs habits d’automne, qui entourent avec la splendeur de tapis chatoyants de petites fermes blanches abritées par des haies de grands arbres dignes. Sous les hautes falaises qui rythment notre progression, chaque localité par son patronyme, se réclame d’une fontaine qui permit aux premiers colons d’installer là. Ainsi de ferme en bourgade à nom évocateur, sous le ciel déchiré par les écueils de sobres montagnes, il nous semble ressentir l’émoi des premiers aventuriers qui s’installèrent là.
Nous passons notre dernière nuit dans le carvaning de Varhynsdorp ; pour la première fois, alors que nous grillons notre viande sur le barbecue vespéral, nous y ressentons l'humidité qui passe à travers nos vêtements. Le propriétaire nous a mis à disposition des maisonnettes de vacance à l'ameublement et décoration adorablement kitch et seventies, tant et si bien qu'au réveil nous croyons avoir dormi en Europe de l'Est. Mais non, les hautes falaises qui laissent ruisseler la lumière du matin en faisceaux iridescents jusque sur la plaine originelle nous ramènent dans l’hémisphère sud.