Mardi 07/04/2015 Parc de l'Isalo
Visite du parc national de l’Isalo, et Céline dit y avoir vu certainement les plus beaux paysages de Madagascar! La journée commence pourtant difficilement, il a fait chaud cette nuit et à notre lever à 6h30, le soleil est déjà trop haut pour profiter du flamboiement de la falaise face à notre lodge. En revanche il n’est pas trop tard pour se jeter à l’eau afin de s’entrainer pour le triathlon que je dois concourir à l’issue des vacances. Vingt allers/Retours de piscine à 6h45, avec quatre gars autour de la piscine qui bêchent la terre des plates bandes, coupent l’herbe, taillent les plantes, lavent le sol, en se demandant quelle mouche a bien pu piquer le Wasa…
A huit heures et quelques, nous sommes déjà en train d’escalader les contreforts de l’Isalo tout en nous enduisant de crème solaire et en nous emmitouflant dans des couches de tissu protecteur, tant le soleil est déjà bien combatif…
L’entrée du parc est gardée par des défunts qui veillent derrière des tas de pierres dans les anfractuosités qui bordent le chemin. La roche de grès autour de nous est rouge et mitée, dévorée par l’érosion, elle laisse apparaître des sculptures naturelles, où que l’on regarde : là un indien, comme à la Ciotat, là un crocodile, là une tortue, là une tête de mort, là un faucon, il n’y a pas de limites. En effet le grès ça n’est finalement ni plus ni moins que du sable que le vent façonne à sa guise, et que l’eau solidifie en y appliquant une couche de calcite. Chaque sculpture est donc l’œuvre commune de deux artistes : l’eau et le vent.
A huit heures et quelques, nous sommes déjà en train d’escalader les contreforts de l’Isalo tout en nous enduisant de crème solaire et en nous emmitouflant dans des couches de tissu protecteur, tant le soleil est déjà bien combatif…
L’entrée du parc est gardée par des défunts qui veillent derrière des tas de pierres dans les anfractuosités qui bordent le chemin. La roche de grès autour de nous est rouge et mitée, dévorée par l’érosion, elle laisse apparaître des sculptures naturelles, où que l’on regarde : là un indien, comme à la Ciotat, là un crocodile, là une tortue, là une tête de mort, là un faucon, il n’y a pas de limites. En effet le grès ça n’est finalement ni plus ni moins que du sable que le vent façonne à sa guise, et que l’eau solidifie en y appliquant une couche de calcite. Chaque sculpture est donc l’œuvre commune de deux artistes : l’eau et le vent.
Après avoir traversé un chaos minéral peuplé de telles chimères minérales, nous abordons une vallée au cœur du massif qui ne s’apparente ni plus ni moins qu’à la Cappadoce! La pierre est ciselée en lames de scie ou en cheminées de fées, dans des couleurs variant du rose au jaune. Tout ce foisonnement minéral couvre le fond de la vallée, en une sorte de chœur au centre duquel nous nous hâtons, à la recherche de la fameuse piscine naturelle que nous sommes sensés trouver. Mais en fait de piscine naturelle, il n’y a qu’un ruisseau qui se promène au creux d’un petit canyon, et ce ruisseau charrie du sable qui a bouché la piscine. Pour l’heure elle doit être remplie de deux mètre de sable et de 1cm d’eau.
C’est un échec mais Angelo notre guide local poursuit la balade vers les crêtes de la falaise qui entourent le parc. Cet Angelo est un vieillard sec et léger, expert dans l’art de trouver des phasmes ; gageons pourtant qu’il a moins de cinquante ans, car dans le pays, nous avons remarqué que les corps vieillissaient remarquablement vite. S’en suit un paysage de savane, de hautes herbes entrecoupées de Tapioks, arbres à mi chemin entre le chêne liège et l’acacia, et fleuries de jolies fleurs humbles, les pervenches roses, blanches ou violettes, à cinq pétales en étoile, et réputées soigner la leucémie. Au bout de la savane, nous débouchons sur la muraille, d’où le regard peut embrasser le haut plateau immensément vert que nous avons traversé la veille, et admirer le rempart inexpugnable que nous dominons et qui tient tête à toute cette immensité. Dans ce paysage de désolation infinie, nos seuls compagnons sont les corbeaux pie qui crient lamentablement en tournoyant au dessus de nos têtes. Seules ces bêtes seules paraissent capables de résister à la chaleur de ce lieu. Quand Jésus s’est retiré du monde pour le désert, c’est tout à fait dans ce genre d’endroit qu’il a dû se cacher, et le diable le retrouver… Nous avons bu 2L chacun en trois heures, et encore, en économisant!
A midi, après avoir désescaladé la crête au corps à corps avec le rocher épuisant de chaleur, comme s’il redistribuait toute l’énergie emmagasinée depuis des millénaires, nous aboutissons au creux d’un canyon. Mais cette fois-ci, ce n’est plus un mini canyon, c’en est un immense, le confluent de toutes les gorges du massif. Une petite rivière y coule, rafraichissante et nourrissante pour toutes sortes de plantes et de feuillus, dont le pandanus, toujours au rendez vous lorsqu’il s’agit de révéler la présence d’une nappe phréatique bien garnie. C’est dans ce cadre enchanteur que nous déjeûnons, et de la plus belle des manières. Car Mario a bien organisé les choses! Il a réservé un cuistot en ville qui nous attendait avec sa popote. A notre arrivée il étend une nappe sur une pierre, face à la rivière et aux arbres, et se met au travail, non sans nous avoir servi un coca chaud à chacun. Quand je dis chaud, je ne sous entends aucun ressentiment : jamais coca n’a été bu si vite, et pourtant en temps normal je n’aime pas le coca. Chaud, la boisson n’avait pas ce petit caractère contrefait, déplacé et qui passe bien vite. chaud, elle accompagnait parfaitement ce moment, les bulles étaient une vie retrouvée sur la langue, et le breuvage providentiel fut un délice.
A midi, après avoir désescaladé la crête au corps à corps avec le rocher épuisant de chaleur, comme s’il redistribuait toute l’énergie emmagasinée depuis des millénaires, nous aboutissons au creux d’un canyon. Mais cette fois-ci, ce n’est plus un mini canyon, c’en est un immense, le confluent de toutes les gorges du massif. Une petite rivière y coule, rafraichissante et nourrissante pour toutes sortes de plantes et de feuillus, dont le pandanus, toujours au rendez vous lorsqu’il s’agit de révéler la présence d’une nappe phréatique bien garnie. C’est dans ce cadre enchanteur que nous déjeûnons, et de la plus belle des manières. Car Mario a bien organisé les choses! Il a réservé un cuistot en ville qui nous attendait avec sa popote. A notre arrivée il étend une nappe sur une pierre, face à la rivière et aux arbres, et se met au travail, non sans nous avoir servi un coca chaud à chacun. Quand je dis chaud, je ne sous entends aucun ressentiment : jamais coca n’a été bu si vite, et pourtant en temps normal je n’aime pas le coca. Chaud, la boisson n’avait pas ce petit caractère contrefait, déplacé et qui passe bien vite. chaud, elle accompagnait parfaitement ce moment, les bulles étaient une vie retrouvée sur la langue, et le breuvage providentiel fut un délice.
Vers la fin du coca, alors que le sang recommence à irriguer notre cerveau, nous réalisons que des dizaines de paires d’yeux sont braqués sur nous : nous sommes en plein sur le territoire de ses autochtones, les lémuriens du parc! Deux espèces nous entourent : les makis cata, gris et blancs, pelucheux à souhait, mignons comme des chatons, et paisibles par nature. Et des lémuriens marron, au museau plus proéminent, au regard chafouin, à l’œil jaune et fielleux, de mœurs plus violentes. Ils sont souvent en train d’humilier les makis kata en les chassant de leur territoire supposés et surtout, ont tendance à en vouloir à nos provisions. Mais nous ne nous laissons pas faire. Nous déjeunons de boulettes de zébu et de riz cantonnais avec une salade de légumes en entrée, et de l’ananas ô combien sublime au dessert ; l’ananas à Madagascar, c’est vraiment une extase gustative que l’ananas européen ne peut qu’à peine suggérer, comme un ersatz de café pendant la guerre ou la margarine par rapport au beurre. Bref, c’est encore mieux que le coca, même assoiffé!
De toute façon à partir de maintenant , s’il est encore question de chaleur, il n’est plus question de déshydratation, car nous longeons désormais le ruisseau en fond de canyon (et heureusement, car notre gourde s’est éventrée dans mon sac!). Humidité assurée! Nous cheminons sur les rochers mousseux, ou des langues de sable millénaires, sous des fougères ruisselantes, des bambous décamétriques, des palmes souveraines. Parfois l’eau goutte des parois, à gauche et à droite, ou des deux côtés, nous progressons sous une bruine rafraichissante, irisée par les rayons du soleil. Le canyon est tortueux et sombre, les rayons sont rectilignes et font des tâches de lumière. En dehors de ces puits aveuglants, c’est une pénombre colorée d’arcs en ciel verticaux, comme autant de parois immatérielles à traverser, comme si le canyon se moquait de l’intransigeance du soleil en en tirant un profit purement esthétique. Le contraste avec notre randonnée de tout à l’heure est saisissant, et nous sommes donc tout à fait préparés pour ce que le canyon des nymphéas a finalement à nous offrir : de magnifiques et profondes vasques cristallines alimentées par des cascades impétueuses. Chacune des vasques a son caractère propre : la vasque bleue n’est que transparence, le baigneur pourrait se croire flotter dans l’air, dans l’immatérialité. La vasque noire est insondable et la puissance de sa cataracte attire autant qu’elle inquiète, il faut mettre la tête dessous pour en évaluer la sauvagerie. On va dans cette vasque pour se l’approprier, pour la dompter, comme on s’attache à percer à jour un mystère de la nature.
De toute façon à partir de maintenant , s’il est encore question de chaleur, il n’est plus question de déshydratation, car nous longeons désormais le ruisseau en fond de canyon (et heureusement, car notre gourde s’est éventrée dans mon sac!). Humidité assurée! Nous cheminons sur les rochers mousseux, ou des langues de sable millénaires, sous des fougères ruisselantes, des bambous décamétriques, des palmes souveraines. Parfois l’eau goutte des parois, à gauche et à droite, ou des deux côtés, nous progressons sous une bruine rafraichissante, irisée par les rayons du soleil. Le canyon est tortueux et sombre, les rayons sont rectilignes et font des tâches de lumière. En dehors de ces puits aveuglants, c’est une pénombre colorée d’arcs en ciel verticaux, comme autant de parois immatérielles à traverser, comme si le canyon se moquait de l’intransigeance du soleil en en tirant un profit purement esthétique. Le contraste avec notre randonnée de tout à l’heure est saisissant, et nous sommes donc tout à fait préparés pour ce que le canyon des nymphéas a finalement à nous offrir : de magnifiques et profondes vasques cristallines alimentées par des cascades impétueuses. Chacune des vasques a son caractère propre : la vasque bleue n’est que transparence, le baigneur pourrait se croire flotter dans l’air, dans l’immatérialité. La vasque noire est insondable et la puissance de sa cataracte attire autant qu’elle inquiète, il faut mettre la tête dessous pour en évaluer la sauvagerie. On va dans cette vasque pour se l’approprier, pour la dompter, comme on s’attache à percer à jour un mystère de la nature.
L’ambiance est toute différente à la cascade des nymphes. On y accède à l’issue d’une escalade dans les blocs. Elle se cache mieux que les autres, elle est plus intimiste, car on la trouve au bout d’un corridor. Et encore n’est elle pas directement accessible : fine et longiligne, elle ne se dévoile qu’à moitié dans un tube minéral, tout juste entrouvert pour qu’on la devine. Et la vasque qu’elle alimente ne fait pas partie du même espace, pas même du même monde, car une fine paroi rocheuse, haute comme un muret les sépare, l’eau passe vraisemblablement par un siphon. Et cette eau est grise ; pas grise seule, mais un peu de sable en fond de la vasque et tout le vert en guirlandes qui descend des parois suffit à donner cette couleur inquiétante à l’eau.
De retour en ville, nous baguenaudons encore, tentant de sentir l’ambiance de la petite localité qui nous accueille. C’est une sorte de ville-rue où chacune des maisons abrite un petit commerce et dont pas plus d’une douzaine sont construits en dur, et régulièrement séparés d’églises de diverses obédiences. Il y a en général autant d’églises évangélistes que de débits de boissons, mais ce ne sont pas les poivrots qui assurent l’ambiance sonore. Derrière les enseignes sont édifiées de petites maisons qui tiennent plutôt de la hutte, et des cours dans lesquelles on trouve parfois un zébu, parfois une voiture d’ordre penta-décennique, ou ce qu’il en reste.
A cette heure de grande respiration, avant que le soleil ne se couche, mais après que tout le monde soit rentré des champs, on se retrouve : autour de la fontaine d’abord, où l’on échange les nouvelles, on rit, tout en faisant la queue avec ses bidons. Dans la rue ensuite, lorsque toutes les contingences sont accomplies, elle est toute entière livrée aux piétons. Les jeunes gars marchent en bandes, ils ont mis leur belle casquette américaine, ils jouent des mécaniques, les filles bien sages se promènent avec leurs petites sœurs. Ici il y a du courant en soirée, alors des divers bouibouis il sort de la musique créole et sirupeuse. Nous nous essayons aux opérations de base de la vie malgache et tentons d’acheter des cacahuètes pour l’apéro de ce soir. Ce devrait être facile. Nous avisons une sorte de guichet bleu où deux femmes sont assises derrière deux bassines de cacahuètes, l’une sous la forme de chouchous, l’autre natures, pas encore décortiquées. Première constatation : personne autour de nous ne parle un mot de français. Comment leur dire quelle quantité de cacahuètes nous voulons? Et dans quel récipient les mettre, et combien ça coûte? Ah si ça c’est la langue universelle, 1000F!
-1000F? Mais nous n’avons que des Ariarys! Combien d’Ariary? Conciliabule dans la rue, tout le monde est mis à contribution, mais personne n’a la moindre idée de combien peut valoir une poignée de cacahuètes dans la monnaie nationale en vigueur depuis 2002. Je sors mes ariarys un par un. Au troisième, les cacahuètes sont mis dans un sac, affaire conclue, je les ai eus pour 750F, soit 300 ariarys.
Nous pouvons maintenant continuer notre chemin et goûter notre acquisition.
“Tiens ça a goût de petits poids frais!
-Mais ils sont crus!”
Raté pour l’apéro.
Le dîner restera dans les annales pour son ambiance particulière :
l’hôtel est vide et nous dînons dans la grande salle de restaurant au mobilier simplissime éclairée assez crûment de néons suspendus façon trapèze, le temps semble suspendu à nos respirations ; le garçon immobile dans son coin rêve qu’il est ailleurs et nous qui devons tenir notre rang de touristes occidentaux nous cachons pour remplir nos verres de notre propre bouteille d’eau car nous n’avons plus un rond et que les sous ne peuvent être retirés que dans les capitales régionales.
De retour en ville, nous baguenaudons encore, tentant de sentir l’ambiance de la petite localité qui nous accueille. C’est une sorte de ville-rue où chacune des maisons abrite un petit commerce et dont pas plus d’une douzaine sont construits en dur, et régulièrement séparés d’églises de diverses obédiences. Il y a en général autant d’églises évangélistes que de débits de boissons, mais ce ne sont pas les poivrots qui assurent l’ambiance sonore. Derrière les enseignes sont édifiées de petites maisons qui tiennent plutôt de la hutte, et des cours dans lesquelles on trouve parfois un zébu, parfois une voiture d’ordre penta-décennique, ou ce qu’il en reste.
A cette heure de grande respiration, avant que le soleil ne se couche, mais après que tout le monde soit rentré des champs, on se retrouve : autour de la fontaine d’abord, où l’on échange les nouvelles, on rit, tout en faisant la queue avec ses bidons. Dans la rue ensuite, lorsque toutes les contingences sont accomplies, elle est toute entière livrée aux piétons. Les jeunes gars marchent en bandes, ils ont mis leur belle casquette américaine, ils jouent des mécaniques, les filles bien sages se promènent avec leurs petites sœurs. Ici il y a du courant en soirée, alors des divers bouibouis il sort de la musique créole et sirupeuse. Nous nous essayons aux opérations de base de la vie malgache et tentons d’acheter des cacahuètes pour l’apéro de ce soir. Ce devrait être facile. Nous avisons une sorte de guichet bleu où deux femmes sont assises derrière deux bassines de cacahuètes, l’une sous la forme de chouchous, l’autre natures, pas encore décortiquées. Première constatation : personne autour de nous ne parle un mot de français. Comment leur dire quelle quantité de cacahuètes nous voulons? Et dans quel récipient les mettre, et combien ça coûte? Ah si ça c’est la langue universelle, 1000F!
-1000F? Mais nous n’avons que des Ariarys! Combien d’Ariary? Conciliabule dans la rue, tout le monde est mis à contribution, mais personne n’a la moindre idée de combien peut valoir une poignée de cacahuètes dans la monnaie nationale en vigueur depuis 2002. Je sors mes ariarys un par un. Au troisième, les cacahuètes sont mis dans un sac, affaire conclue, je les ai eus pour 750F, soit 300 ariarys.
Nous pouvons maintenant continuer notre chemin et goûter notre acquisition.
“Tiens ça a goût de petits poids frais!
-Mais ils sont crus!”
Raté pour l’apéro.
Le dîner restera dans les annales pour son ambiance particulière :
l’hôtel est vide et nous dînons dans la grande salle de restaurant au mobilier simplissime éclairée assez crûment de néons suspendus façon trapèze, le temps semble suspendu à nos respirations ; le garçon immobile dans son coin rêve qu’il est ailleurs et nous qui devons tenir notre rang de touristes occidentaux nous cachons pour remplir nos verres de notre propre bouteille d’eau car nous n’avons plus un rond et que les sous ne peuvent être retirés que dans les capitales régionales.