Voici la dernière étape de notre voyage. Yacha notre chauffeur nous conduit toujours aussi tranquillement, ne dépassant jamais les 80km/h, ce qui nous permet d’ailleurs d’éviter deux accidents. Le départ a été un peu sportif, car sous le noyer pluri séculaire de Mashaf, il a fallu négocier sévère afin de lui faire admettre notre taux de conversion dollar-soum. Lui voulait le dollar à 6100 soums, nous à 6000, ce qui est déjà généreux. D’après lui, le dollar était en pleine chute! Chaque jour c’est la même chose, en fonction que nous payions en dollars ou en soums, nos vis à vis nous apprennent la brutale chute ou hausse du dollar! Mais il semble que pour une fois la chute soit effective, car à notre arrivée à Samarcande nous avons toutes les peines du monde à changer nos soums à un taux convenable. Quelle plaie! Car nous n’avons plus un soum et il nous faut encore manger!
Nous marchons, nous marchons, passons devant tous les monuments culturels où tous les factionnaires veulent nous faire rentrer, cassant les prix en voyant notre déroute ; ils nous proposent même de changer des dollars! Mais rien n’y fait, à chaque fois ce sont des coups de téléphone pour vérifier le cours du marché noir, mais il y a trop d’intermédiaires et le sum s’envole ! Au soleil couchant nous finissons par ratisser le bazar à la recherche de changeurs d’argent en gros, de ceux qui se promènent avec des sacs de sport remplis d’argent. Il est 17h quand nous réussissons à changer notre argent, nous pouvons enfin nous offrir un petit beignet pour ne pas s’évanouir de fatigue! Nous avons traversé toute la ville à pied et nous sommes sur les rotules. Mais vu que le soleil est bientôt sur l’horizon, nous continuons en direction du cimetière où une enfilade de tombeaux du XVIème siècle hissent leurs dômes d’azur au sommet d’une colline, et à la face du ciel!
Nous marchons, nous marchons, passons devant tous les monuments culturels où tous les factionnaires veulent nous faire rentrer, cassant les prix en voyant notre déroute ; ils nous proposent même de changer des dollars! Mais rien n’y fait, à chaque fois ce sont des coups de téléphone pour vérifier le cours du marché noir, mais il y a trop d’intermédiaires et le sum s’envole ! Au soleil couchant nous finissons par ratisser le bazar à la recherche de changeurs d’argent en gros, de ceux qui se promènent avec des sacs de sport remplis d’argent. Il est 17h quand nous réussissons à changer notre argent, nous pouvons enfin nous offrir un petit beignet pour ne pas s’évanouir de fatigue! Nous avons traversé toute la ville à pied et nous sommes sur les rotules. Mais vu que le soleil est bientôt sur l’horizon, nous continuons en direction du cimetière où une enfilade de tombeaux du XVIème siècle hissent leurs dômes d’azur au sommet d’une colline, et à la face du ciel!
Comme nous sommes en mode somnambules, avec pour seul objectif la recherche du rayon d’or, nous filons tout droit à travers les tombes erratiques du cimetière millénaire. Les visages des disparus des vingt dernières années nous scrutent du haut de leurs pied d'estale de marbre où ils ont été sculptés, parfois même en pied. Les figures vénérables de la grande guerre patriotique nous émeuvent, des tumulus anciens aux épitaphes de marbre polis par les ans nous ramènent dans le siècle précédent, tout cela est assez intimidant.
Arrivés tout en haut du labyrinthe nous avons un beau point de vue sur les dômes des tombeaux de la garde rapprochée de Tamerlan, et profitons comme il se doit de toutes les nuances des rayons dorés que le soleil du désert sait déployer, encore enrichies par les reflets sur les montagnes alentour. Et puis comme le flamboiement se calme comme le ferait une tempête, nous nous accordons de déambuler parmi les riches caveaux d’émaux et d’or. Il devient alors indubitable que nous n’avons rien à faire ici, ou du moins, pas sans payer! Le cimetière est strictement interdit aux infidèles de notre espèce, et puis surtout il est interdit de ne pas payer pour aller voir les tombeaux anciens. Commence alors un jeu du chat et de la souris pour éviter tous les policiers en vert qui comme d’habitude, hantent les espaces publics! On s’en sort finalement sans dommages, mais en se faisant une sortie beaucoup plus discrète que notre entrée! |
Le soir est maintenant là, et comme tous les soirs commence la quête du restaurant. Mais ici la quête devient supplice : dans le quartier touristique il n’y a rien, ou plus rien, et tous les restos sympas sont dans le quartier russe, c'est à dire de l’autre côté de la ville. Rendus impatients par la famine et la fatigue qui nous rongent, nous finissons dans un de ces débits de glaces et de coca qui ont tant de succès en cas contrées. C’est même un phénomène massif! En ville les gens ont de préférence chaque main prise par une bouteille de Pepsi et une glace, que juste l’un des deux ou rien du tout. Bref ce soir ce sera poulet-frites, triste…
En fait Samarcande est assez décevante pour le voyageur qui veut retrouver la magie de l’orient, le fantasme de la route de la Soie et les aubes dorées de Samarcande! En effet dorénavant la ville est triple : elle est
Au demeurant les monuments sont effectivement fascinants, et il est difficile d’imaginer comment de telles structures peuvent tenir. Les portiques des médersas s’élèvent à 60m de haut, les dômes font bien 20m de diamètre. Le secret c’est que ça ne tenait effectivement pas et que du vivant de Tamerlan lui même, toutes ces structures commençaient déjà à s’effondrer. Les soviétiques, ces salops acculturés, ont commencé les restaurations et stabilisé les ouvrages avec des tirants. Mais les ouzbèques modernes ont coupé les tirants! Espérons qu’ils savent ce qu’ils font!
En fait Samarcande est assez décevante pour le voyageur qui veut retrouver la magie de l’orient, le fantasme de la route de la Soie et les aubes dorées de Samarcande! En effet dorénavant la ville est triple : elle est
- La banlieue industrielle où se succèdent dans une odeur de souffre des processions d’usines flambant neuves.
- Le quartier russe, dit russe par moi même car l’urbanisme a tout de la ville russe, on y touve le GUM, les universités, le boulevard qui autrefois devait être la prospkt Karl Marx, les parcs anciens et ombrageux, le cinéma, la poste et le théâtre. Cette partie de la ville est vivante, belle, moderne même. Les jeunes finissent de passer leurs examens, ils sont sur leur 31et fêtent ça en se jetant à la figure des bouteilles d’encre diluée.
- La vieille ville dont l’entrée est symbolisée par l’immense statue d’un Amour Timour assis en vieux sage ; plus que la vieille ville, c’est surtout la ville touristique. C’en est fini des ruines silencieuses et de la poussière mystérieuse. Tout est pavé, refait à neuf. Des allées de gazon et des murs de briques dirigent le touriste d’un monument à l’autre où il pourra se restaurer et acheter des souvenirs. L’artisanat n’a aucun intérêt vis à vis de celui de Boukhara, et d’ailleurs il n’y a aucun artisan et les vendeurs dorment, à croire qu’ils sont payés par l’agence de tourisme nationale ouzbèque. Tous les monuments sont payants, mais le prix peut être négocié si l’on ne veut pas s’embarrasser d’un ticket d’entrée. Ici, à la différence de Boukhara, on ne traversera pas de Medersa abandonnée dans laquelle nous pourrions sonder les coupoles chancelantes. Tout a été restauré à la va-vite et les placages gonflent dangereusement. Ici, à la différence de Boukhara, nous ne nous ferons pas courser par un barbu dans les couloirs d’une médersa sous prétexte qu’elle est encore en activité et que nous ne ressemblons pas à des étudiants de l’Islam. Ici ce n’est qu’un lieu de consommation. Ici, à la différence de Boukhara, nous n’irons pas sourire aux jeunes filles graciles ou aux babouchkas aux dents dorées, les habitants eux mêmes nous interdisent l’accès à leurs quartiers! Et pourtant il n’y a pas tellement de touristes occidentaux, il y a même une majorité d’ouzbèques et de russes, mais l’endroit est devenu une vitrine de l’Ouzbékistan moderne et nous ne sommes ici que les acteurs involontaires d’un scénario médiatique.
Au demeurant les monuments sont effectivement fascinants, et il est difficile d’imaginer comment de telles structures peuvent tenir. Les portiques des médersas s’élèvent à 60m de haut, les dômes font bien 20m de diamètre. Le secret c’est que ça ne tenait effectivement pas et que du vivant de Tamerlan lui même, toutes ces structures commençaient déjà à s’effondrer. Les soviétiques, ces salops acculturés, ont commencé les restaurations et stabilisé les ouvrages avec des tirants. Mais les ouzbèques modernes ont coupé les tirants! Espérons qu’ils savent ce qu’ils font!
Pour le reste les restaurations sont généralement réussies et donnent une bonne idée de la magnificence des monuments à l’époque de leur construction. Il en ressort des façades où les faïences bleu nuit sont rehaussées de réseaux géométriques dorés, que toute la science mathématique des savants d’alors a permis de complexifier en fractales de toutes sorte. Ce sont des étoiles, des lignes sans fin, des dentelles de couleurs que l’on peut voir brièvement en s’écriant “Oh c’est beau!” ou dans lesquels on peut s'abîmer pendant de longues minutes sans s‘en détacher. Des dômes à l’arrière de ces ensembles s’élèvent, bleu lagon, ou en tresses bleues outre mer corsetées de faïences vertes et or. Ce ne serait pas assez laudatif de les comparer à des artichauts décorés comme des boules de Noël, mais on est dans l’idée, l’idée de fruits extraordinaires qui se referment et orientent leur force et leur beauté vers le ciel. Des minarets d’angle somptueusement enturbannés de diverses nuances de bleu renforcent le sentiment d’élévation. Mais tout cet élan est gâché par la mise en scène, le côté artificiel de tout cet ensemble qui petit à petit se dirige vers Disneyland chez les mollahs.
Nous quittons cette ville qui ne nous voulait pas du bien en train, avec le “Reghistan”, express Samarcande Tashkent, qui relie cette dernière ville en 3h. Nous avons pris des billets en classe business, ce qui nous donne accès à la salle d’attente VIP de la gare. Gare qui d’ailleurs est une manifestation d’architecture soviétique tout à fait réussie. Le salon VIP est la quintessence du luxe à la russe lui aussi, dans la démesure. Plafonds lointains, canapés de cuir profonds, tapis épais, aquarium où paraissent des poissons chats. Des petites jeunes femmes russes languides et à épaulettes strictes nous servent le thé entre les cloison de bois sombre, tandis que les informations évoquent une crue historique à Paris. L’heure de prendre le train arrive finalement. On est là encore bien dans un train de l’époque soviétique, mais la locomotive est neuve. Dans les compartiments, chacun sort son repas, on s’installe comme à la maison, tandis que le personnel du wagon vient contrôler les billets et allumer les télés, pour nous divertir de feuilletons de propagande à la gloire de l’état ouzbèque.
La voie suit l’axe névralgique de l’Ouzbékistan, celui qui a vu se dérouler tant de batailles, depuis que l’homme est homme, une vallée fertile entre deux déserts, confinée par deux chaînes de montagnes qui se resserrent jusqu’à ne faire qu’un goulet d’étranglement large de 40m au sud de Jizzakh : les portes de Tamerlan.