Mercredi 08/04/2015 Route vers le canal du Mozambique
Départ à 8h. D'abord la route traverse les massifs uniformes de l'Isalo, puis petit à petit ils s'estompent. Dans l'espace laissé vide et colonisé par les herbes jaunes, poussent de loin en loin des palmiers éthiques, endémiques de Madagascar paraît-il. Le paysage s'aplanit de plus en plus, seuls quelques rochers énormes apparaissent encore, vestiges de montagnes dans lesquels pourraient fort bien se cacher des factions rebelles de la guerre des étoiles.
Et je ne crois pas si bien dire, car un peu plus loin, effectivement, ça grouille d'une vie rebelle : la route descend dans une dépression, c'est le lit d'une rivière qui stigmatise la plaine. Autour de cette rivière, une ville de 100 000 habitants qui, il y a vingt ans encore, n'en comptait que 400 à tout casser ! Nous sommes entrés dans le far west malgache, épicentre de la ruée vers le saphir !
Et je ne crois pas si bien dire, car un peu plus loin, effectivement, ça grouille d'une vie rebelle : la route descend dans une dépression, c'est le lit d'une rivière qui stigmatise la plaine. Autour de cette rivière, une ville de 100 000 habitants qui, il y a vingt ans encore, n'en comptait que 400 à tout casser ! Nous sommes entrés dans le far west malgache, épicentre de la ruée vers le saphir !
Ici les rivières sont écumées par des milliers d'hommes qui font une véritable fourmilière dans la boue. Il y a des mines aussi, que nous ne voyons pas. Ce que nous voyons en revanche, c'est que la rue ici ne ressemble pas du tout à la rue malgache habituelle. Des magasins bien achalandés en outils modernes, des magasins de pièces auto, des bars, et tous les quinze mètres, des deux côtés de la rue, toutes les fenêtres défendues par d'épaisses grilles, des comptoirs d'achat de saphirs. Ces bâtiments sont imposants, en béton, et peints de couleurs criardes. Généralement le Rez de Chaussée est aménagé de la façon suivante : entre quatre murs blancs, un immense bureau de bois sombre derrière lequel on trouve un vaste fauteuil en cuir. Dans la pièce, des rangées de canapés en cuir, vides. Ces comptoirs sont généralement tenus par des sri lankais ou des indiens.
Il faut croire que le sous sol n'est pas encore épuisé, tant la ville arbore un parc automobile bien fourni ! Du jamais vu pour Madagascar où généralement notre 4x4 représente tout le parc automobile des localités que nous traversons. Ici on se croirait à la sortie d'une chaîne de montage à Belfort dans les années 70-80. Des 305 alignées les unes derrière les autres, quelques 505 aussi. Toutes ces voitures sont rutilantes, mieux que neuves, et arborent plus de phares anti brouillard que de raison, des béquets, des chromes, des lions en relief sur le capot, à la façon Mercedes. Des groupes d'hommes jeunes vont et viennent autour de ces bolides, ça rit fort, ça roule des épaules. Autour, la végétation est blanche de poussière. Peu ou pas d'enfants, ce qui est à l'opposé du schéma habituel malgache. On doit vraiment toucher du doigt l'ambiance des villes de la ruée vers l'or américaines !
Après avoir traversé cette capitale du saphir, nous passons plusieurs autres petites localités champignons, sans passé et sans avenir, où les mêmes comptoirs de béton côtoient de misérables huttes de terre et de bois.
Et puis, petit à petit, nous quittons ces lieux maudits (ou bénis) pour retrouver la campagne malgache, sereine et pauvre, et sèche dorénavant.
Les baobabs ont fait leur apparition et ponctuent le paysage de leurs silhouettes massives. Mais sur la route, comme depuis le départ, les mêmes villages poussent les mêmes caisses à savon surchargées, les mêmes hommes avancent une pelle sur l'épaule, les mêmes femmes cambrées marchent, un colis sur la tête, variant du petit pot de fèves au sac de ciment. Nous remarquons que dans cette contrée, nombreuses sont celles qui arborent ce masque de beauté jaune préparé à base de terre et de plantes, et qu'on laisse sécher sur la peau du visage.
Finalement, alors que la plaine s'abaisse lentement, elle se couvre d'un maquis anémique, jusqu'à ce que le regard embrasse au loin le miroitement bleu d'acier du canal du Mozambique.
Il faut croire que le sous sol n'est pas encore épuisé, tant la ville arbore un parc automobile bien fourni ! Du jamais vu pour Madagascar où généralement notre 4x4 représente tout le parc automobile des localités que nous traversons. Ici on se croirait à la sortie d'une chaîne de montage à Belfort dans les années 70-80. Des 305 alignées les unes derrière les autres, quelques 505 aussi. Toutes ces voitures sont rutilantes, mieux que neuves, et arborent plus de phares anti brouillard que de raison, des béquets, des chromes, des lions en relief sur le capot, à la façon Mercedes. Des groupes d'hommes jeunes vont et viennent autour de ces bolides, ça rit fort, ça roule des épaules. Autour, la végétation est blanche de poussière. Peu ou pas d'enfants, ce qui est à l'opposé du schéma habituel malgache. On doit vraiment toucher du doigt l'ambiance des villes de la ruée vers l'or américaines !
Après avoir traversé cette capitale du saphir, nous passons plusieurs autres petites localités champignons, sans passé et sans avenir, où les mêmes comptoirs de béton côtoient de misérables huttes de terre et de bois.
Et puis, petit à petit, nous quittons ces lieux maudits (ou bénis) pour retrouver la campagne malgache, sereine et pauvre, et sèche dorénavant.
Les baobabs ont fait leur apparition et ponctuent le paysage de leurs silhouettes massives. Mais sur la route, comme depuis le départ, les mêmes villages poussent les mêmes caisses à savon surchargées, les mêmes hommes avancent une pelle sur l'épaule, les mêmes femmes cambrées marchent, un colis sur la tête, variant du petit pot de fèves au sac de ciment. Nous remarquons que dans cette contrée, nombreuses sont celles qui arborent ce masque de beauté jaune préparé à base de terre et de plantes, et qu'on laisse sécher sur la peau du visage.
Finalement, alors que la plaine s'abaisse lentement, elle se couvre d'un maquis anémique, jusqu'à ce que le regard embrasse au loin le miroitement bleu d'acier du canal du Mozambique.
Au bout de la route c'est Tuléar, dont l'entrée, à la différence des autres villes malgaches, est tachetée de sacs plastiques abandonnés, à demi enfouis dans le sol ou accrochés aux branches des buissons blanchis par la poussière du trafic. Cette pollution doit être le témoignage d'une relative richesse. Nous passons devant l'aéroport d'où nous nous envolerons dans deux jours : au milieu d'un no man's land fiévreux, un bungalow long et bas qui doit être le terminal, un vieux hangar rouillé façon écumoire, un avion air Madagascar à moitié dissimulé par des buissons secs, ça sent le fin fond des lignes aériennes. On pense à Saint Ex et ses aérodromes de fortunes de la Terre des Hommes, et on ne serait pas étonné d'entendre ronfler son Latécoère. Mais tout ce qu'on entend ronfler c'est un groupe électrogène, la centrale électrique de la ville ou du quartier...
De prime abord, Tuléar n'est pas très appétissante et d'ailleurs les guides de voyages sont peu indulgents à son égard. Et pourtant, selon moi, c'est la ville avec le plus d'âme qu'il nous ait été donné de traverser à Madagascar ; c'est même une ville unique, qui mériterait d'être accostée , une de ces villes que ne peuvent atteindre et connaître que les marins de fortune, les forbans et les trafiquants. Les laisses de sable immenses sur lesquelles débouche la ville sont d'ailleurs recouvertes de pirogues à balanciers et de goélettes échouées d'où des hommes ahanant extirpent des caisses et des colis siglés des quatre coins du monde. L'immense estran pourrait faire penser à un havre de Normandie, mais il y règne une agitation qu'on n'a pas dû voir là bas depuis le début du XXème siècle. Des enfants jouent, des chars à zébus vont et viennent, à vide ou chargés du butin des entrailles des navires échoués. Les hommes sont sur les matures ou sur les ponts, ça crie et ça chante, le vent du sud souffle, porté par la grande marée.
De prime abord, Tuléar n'est pas très appétissante et d'ailleurs les guides de voyages sont peu indulgents à son égard. Et pourtant, selon moi, c'est la ville avec le plus d'âme qu'il nous ait été donné de traverser à Madagascar ; c'est même une ville unique, qui mériterait d'être accostée , une de ces villes que ne peuvent atteindre et connaître que les marins de fortune, les forbans et les trafiquants. Les laisses de sable immenses sur lesquelles débouche la ville sont d'ailleurs recouvertes de pirogues à balanciers et de goélettes échouées d'où des hommes ahanant extirpent des caisses et des colis siglés des quatre coins du monde. L'immense estran pourrait faire penser à un havre de Normandie, mais il y règne une agitation qu'on n'a pas dû voir là bas depuis le début du XXème siècle. Des enfants jouent, des chars à zébus vont et viennent, à vide ou chargés du butin des entrailles des navires échoués. Les hommes sont sur les matures ou sur les ponts, ça crie et ça chante, le vent du sud souffle, porté par la grande marée.
Le lecteur aura peut être été étonné de l'utilisation du mot goélette, mais c'est une réalité que la côte ouest de Madagascar est desservie par une armada de goélettes tout droit tirées des peintures bretonnes que l'on trouve sur les cheminées des chaumières de la côte. Et pour cause, il paraîtrait que ce soient les goélettes bretonnes qui aient été adoptées et copiées par les charpentiers de marine de Belo s/ Mer, une ville au nord de Tuléar. Là bas les chantiers navals sont directement sur la plage, et les ingénieurs de marine construisent leurs bateaux suivant la tradition orale qui leur a été laissée en héritage.
Derrière le front de mer de lagune et de mangrove, un boulevard littoral Gallieni dont on peut encore déchiffrer le nom sur quelques plaques bleues typiquement françaises, accrochées aux pans de murs d'anciens entrepôts coloniaux effondrés. Les rues sont poussiéreuses, ou plutôt recouvertes de sable. Mais on y retrouve la structure coloniale, avec ses larges rues à angle droit, ses larges carrefours plantés de platanes centenaires et ombrageux, idéal pour faire un somme quand on est chauffeur de pousse-pousse, ou pour échanger les cancans quand on est vendeuse de quatre saisons. Autour de ces rues, dans le centre ville, on trouve des bâtiments administratifs en Béton Armé, typiques des années 30, avec coursives et pare soleil. Il flotte un air de langueur, renforcé par l'ondoiement des palmiers et des bougainvillées. Dans les quartiers périphériques aux rues défoncées, des pavillons coloniaux à la Le Corbusier en relativement bon état, accueillent vraisemblablement les familles aisées de la ville. Autour encore, on retrouve les habitats traditionnels en boue et bambous, et une odeur pestilentielle atteste que le système d'égouts n'a pas été redimensionné depuis l'indépendance.
Au large, au bout d'une digue, le port moderne en eaux profondes semble monter la garde.
Il y a dans cette ville à la fois languissante et bourdonnante, à la fois ancienne et active, tournée vers la mer, aux multiples bars, boîtes de nuits et établissements nocturnes, un quelque chose d'étape à la Corto Maltese, où de sombres et néanmoins épiques histoires doivent se dénouer dans les arrières cours. A la différence de Pondichéry qui de plus en plus renie son héritage de comptoir et sa filiation à la mer, Tuléar reste tournée vers elle. Quand l'héritage français de Pondichéry se désagrège ou se muséifie artificiellement, celui de Tuléar, sans chichis, est intégré à la ville actuelle.
Derrière le front de mer de lagune et de mangrove, un boulevard littoral Gallieni dont on peut encore déchiffrer le nom sur quelques plaques bleues typiquement françaises, accrochées aux pans de murs d'anciens entrepôts coloniaux effondrés. Les rues sont poussiéreuses, ou plutôt recouvertes de sable. Mais on y retrouve la structure coloniale, avec ses larges rues à angle droit, ses larges carrefours plantés de platanes centenaires et ombrageux, idéal pour faire un somme quand on est chauffeur de pousse-pousse, ou pour échanger les cancans quand on est vendeuse de quatre saisons. Autour de ces rues, dans le centre ville, on trouve des bâtiments administratifs en Béton Armé, typiques des années 30, avec coursives et pare soleil. Il flotte un air de langueur, renforcé par l'ondoiement des palmiers et des bougainvillées. Dans les quartiers périphériques aux rues défoncées, des pavillons coloniaux à la Le Corbusier en relativement bon état, accueillent vraisemblablement les familles aisées de la ville. Autour encore, on retrouve les habitats traditionnels en boue et bambous, et une odeur pestilentielle atteste que le système d'égouts n'a pas été redimensionné depuis l'indépendance.
Au large, au bout d'une digue, le port moderne en eaux profondes semble monter la garde.
Il y a dans cette ville à la fois languissante et bourdonnante, à la fois ancienne et active, tournée vers la mer, aux multiples bars, boîtes de nuits et établissements nocturnes, un quelque chose d'étape à la Corto Maltese, où de sombres et néanmoins épiques histoires doivent se dénouer dans les arrières cours. A la différence de Pondichéry qui de plus en plus renie son héritage de comptoir et sa filiation à la mer, Tuléar reste tournée vers elle. Quand l'héritage français de Pondichéry se désagrège ou se muséifie artificiellement, celui de Tuléar, sans chichis, est intégré à la ville actuelle.